L’escapisme : l’art de s’échapper.

L’escapisme : l’art de s’échapper.

Dans le métro bondé, certains ferment les yeux et s’évadent dans leurs écouteurs. D’autres ouvrent un livre et disparaissent entre deux phrases. Un scroll distrait sur TikTok, un regard perdu dans le ciel par la fenêtre d’amphi, et soudain, on est ailleurs. S’échapper, ce n’est pas toujours prendre l’avion : c’est parfois fermer la porte d’une journée trop lourde, pour ouvrir en soi une brèche vers un autre monde.

L’escapisme a mille visages. Il se cache dans un roman dévoré d’une traite, dans un marathon de séries un dimanche pluvieux, dans un concert où l’on danse jusqu’à oublier l’heure. Pour certains, c’est partir loin avec un sac à dos ; pour d’autres, c’est dessiner en silence, ou courir jusqu’à sentir ses poumons brûler. Et puis il y a ces mondes virtuels où l’on plonge, casque vissé sur les oreilles, manette en main, vivant mille vies derrière un écran. Chaque génération a ses portes de sortie, mais le besoin est universel.

Reste à se demander : s’échapper de quoi ? De la routine étudiante où les deadlines s’empilent plus vite que les heures de sommeil ? Du bruit permanent, des notifications, de la compétition ? Ou peut-être des angoisses plus vastes : climat, inégalités, incertitudes. Face à un réel parfois trop lourd, l’escapisme devient une soupape, un réflexe de survie. Jouer quatre heures à Zelda ou rêvasser pendant un cours trop long, ce n’est pas toujours fuir : c’est supporter, le temps d’une parenthèse, le poids d’un monde qui déborde.

Les psychologues décrivent l’escapisme comme une arme à double tranchant. Du côté positif, il permet de réduire l’anxiété, de stimuler la créativité, de renforcer l’imaginaire et même la résilience face aux épreuves. Certains psychiatres considèrent que l’évasion mentale à travers l’art, le jeu ou la rêverie est un mécanisme naturel d’adaptation. Mais ils mettent aussi en garde contre ses excès : quand l’évasion devient fuite permanente, elle peut nourrir l’isolement, l’évitement des problèmes, voire des comportements addictifs. Autrement dit : bien utilisé, l’escapisme soigne ; mal contrôlé, il enferme.

Alors faut-il fuir ou rester ? Peut-être que la réponse se cache dans l’équilibre : utiliser l’escapisme comme un détour, pas comme une désertion. Car si l’on s’évade, c’est pour mieux revenir, avec des forces nouvelles, un regard lavé, une énergie retrouvée. S’échapper, ce n’est pas nier le monde, c’est se donner les moyens de l’affronter. Comme si chaque rêve, chaque voyage, chaque parenthèse, nous ramenait à nous-mêmes et aux autres un peu plus entiers.

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