Qui ne s’est jamais surpris à rêver du futur ? Peut-être vous êtes-vous laissé emporter par une vision idéale ou, au contraire, vous êtes-vous détourné de ces réflexions, jugeant cela futile ou inaccessible.
Ces interrogations traversent les époques. Le futur nourrit l’espérance de progrès rêvés et fulgurants mais aussi la crainte paradoxale de ces bouleversements, de l’inconnu.
Une année symbolique a cristallisé ces questionnements : l’An 2000. Entre mythes, fantasmes et peurs, le nouveau millénaire a été l’occasion de s’interroger sur ce que le futur pourrait être, mais aussi sur ce que nous souhaitons qu’il devienne, mêlant des projections se voulant rationnelles et des désirs subjectifs.
Une décennie s’est particulièrement illustrée dans cet exercice : les années 1960. Dans un dialogue et une confrontation entre l’abstrait et le réaliste, l’imagination prolifique d’un enfant, celle d’un adulte qui souvent adopte un discours qui se veut plus réaliste, et des documentaires analysant le monde contemporain, ses problématiques et les résolutions que le futur pourrait apporter, l’INA nous offre la possibilité de nous plonger dans une époque.
Il est frappant de constater à quel point notre vision du futur est profondément ancrée dans les références de notre époque. S’affranchir de ces influences pour imaginer un avenir radicalement différent est un exercice ardu. Une illustration marquante apparaît dans le journal Les Actualités Françaises de 1963, intitulé Comment sera la France de demain ? La société des années 1960, à travers ce reportage, met l’accent sur la modernisation de la France à travers d’ambitieux projets de décentralisation, création de métropoles, développement industriel et construction de villes nouvelles. Dans cette vision futuriste transparaissent ses aspirations et priorités. Le journal décrit quatre fonctions fondamentales de la ville : « loger, travailler, circuler et cultiver ». L’approche reflète une utopie urbanistique marquée par une foi inébranlable dans la croissance économique, l’industrialisation et le progrès technologique et semble ignorer certains enjeux majeurs, comme les limites énergétiques ou environnementales. Par ailleurs, ce fonctionnalisme tend parfois à négliger l’esthétique au profit de l’efficacité, révélant ainsi les biais d’une époque.
Les témoignages de plus jeunes générations offrent un autre regard. L’imagination des enfants s’affranchit beaucoup plus souvent que celle des adultes des contraintes techniques contemporaines. Néanmoins, malgré un optimisme assez partagé, certains mettent en avant la persistance d’injustices ainsi que la peur de l’An 2000. Dans beaucoup de leurs réponses, on remarque la présence de l’environnement, la crainte qu’il ne soit plus accessible à cause d’une urbanisation galopante. Ils se montrent par ailleurs pour la plupart très optimistes à propos de la conquête spatiale, sûrement du fait de la mission Apollo 11 en 1969, qui a permis pour la première fois à un homme de marcher sur la Lune ou au sujet du progrès technologique via le robot notamment avec les formes variées qu’il pourrait prendre. Chez les adolescents les avis ont l’air plus réfléchis et moins rêveurs, plus conscients des limites du progrès technique, et s’intéressent surtout aux enjeux liés à l’écologie, la consommation d’énergie et l’évolution des rapports sociaux, tout en conservant une certaine foi dans l’innovation.
Le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui est en partie celui que certains ont pu s’imaginer : le reflet des craintes, rêves et projections du passé. Ces visions peuvent être exprimées sous diverses formes, de l’utopie à la dystopie, ou de façon plus neutre en se basant sur des données scientifiques et sociologiques pour penser l’avenir par le biais de l’observation du présent. Toutefois, l’orientation est visible à travers des thèmes omniprésents, reflets des considérations contemporaines : la guerre, l’espace, l’urbanisation, le nucléaire.
Il n’est plus envisageable aujourd’hui de construire des villes immenses sans prendre en compte l’impact environnemental, le rôle des femmes dans la société a changé, de même que la manière d’apprendre à l’école, et la vision du travail diverge. Ainsi, certaines idées imaginées par le passé sont techniquement réalisables aujourd’hui, pour autant, on ne les met pas en pratique. En effet, il est important de confronter les visions issues de conceptions passées et nos aspirations présentes.