Comment représenter fidèlement son époque tout en restant intemporelle ? A la fois poète, romancière et dramaturge, ses compositions ont mené à la naissance d’un genre littéraire. Et les messages qu’elles contiennent résonnent toujours aujourd’hui. La Plume te raconte Jane Austen : sa vie, son œuvre, sa continuité.
Une femme secrète… et émancipée
Jane, issue de la petite noblesse, suit une éducation très poussée, envoyée à Oxford selon la tradition familiale. Le plein accès à l’instruction est rare pour les femmes à l’époque et le haut niveau littéraire de sa famille l’amène naturellement à l’écriture. Ses premiers textes remontent à l’âge de 12 ans, où elle s’essaye déjà à de multiples genres littéraires, polyvalence qui caractérisera toute son œuvre. Si aujourd’hui, son nom t’évoque forcément quelque chose (si ce n’est pour le très célèbre Orgueil et Préjugés), on aurait pourtant pu ne jamais la connaître.
On doit sa biographie à son neveu James Edward Austen-Leigh qui publie A Memoir of Jane Austen (Souvenir de Jane Austen), plus de 50 ans après la mort de l’autrice. Sa réputation vient également avec cet ouvrage car de son vivant, elle publie chacun de ses romans de manière anonyme. A l’époque, les femmes n’avaient pas le droit de signer des contrats. Et d’un point de vue social, être écrivaine au XVIIIe siècle n’est pas perçu comme quelque chose de « respectable ». C’est avec l’aide de son frère Henry que Jane a pu faire parvenir son travail à des éditeurs et ainsi exercer son métier au-delà des normes sociales imposées. Et c’est grâce à son neveu qu’elle s’est faite connaître du grand public. Finalement la légende Austen, c’est une affaire de famille.
Une plume mordante, entre critique sociale et questionnements moraux
Le style d’écriture de Jane Austen va de pair avec les messages qu’elle souhaite faire passer dans ses textes. Empreinte d’ironie et de burlesque, la plume de l’écrivaine déconstruit les impératifs sociaux de son époque et cherche à dénoncer l’hypocrisie au sein de la haute société. On peut citer en exemple la phrase d’ouverture d’Orgueil et Préjugés : « C’est une vérité universellement reconnue, qu’un homme célibataire en possession d’une bonne fortune doit avoir besoin d’une femme ». Osé pour l’époque, et profondément progressiste.
Cependant, la visée de Jane Austen n’est pas seulement polémique. Élevée dans une famille catholique pratiquante, la religion, qui occupe une forte place dans sa vie, va amener la morale et le sérieux religieux au centre de ses écrits. Mais plutôt qu’une forme de moralisation, Jane Austen fait s’interroger ses personnages sur leur situation et sur eux-mêmes, en développant leurs discours intérieurs dans la narration. L’écrivaine aborde également le thème de la précarité économique des femmes de son temps, liée à leur manque d’indépendance, leur invisibilité au sein de la société civile et à une éducation quasi nulle par rapport à celle des hommes. Intensément féministe ou fine sociologue ? Un peu des deux selon moi mais le débat n’est pas clos.
Toujours au sommet
La fame de Jane Austen ne s’est jamais tarie. Des articles comme celui que vous êtes en train de lire se sont écrits par centaines. Des documentaires ont décortiqué sa vie pendant des heures et le 7ème art s’est bien sûr emparé de la perle. Avant tout cela, l’œuvre de Jane Austen a profondément inspiré les romans de Georgette Heyer, écrivaine anglaise dont les livres lancent le sous-genre du roman de Régence. Cela ne te dit rien ? Si je te réponds Bridgerton, peut-être que ce sera plus simple à visualiser. La romance de Régence se déroule sous le règne de princes régents* en Grande-Bretagne juste avant que la reine Victoria n’accède au trône. Au programme : des bals somptueux, des mariages par dizaines et des obligations morales et sociales omniprésentes. Si Bridgerton est moins authentique que les romans d’époque, la série a contribué à mettre en avant cette période historique. Fort de ce phénomène, Netflix sort en juillet 2022 Persuasion, adaptation du dernier roman de Jane Austen. Reste à voir si le film réussira à séduire la critique comme l’a fait le précédent, réalisé par la BBC en 2007.
*un prince régent (ou princesse régente) gouverne une monarchie en tant que régent à la place du souverain « titulaire » dans le cas où celui-ci se trouve en incapacité de régner.
By La Plume, Dauphine