L’étudiante que je suis en L3 EIF vous dirait que oui. C’est ce dont témoigne la suppression de mon compte Insta. Mais est ce que Insta était vraiment une prise de temps ? Et pas une fuite du temps ? Une bulle hors du temps, une échappatoire, une énième tentative de procrastination, de redescendre d’adrénaline face à une vie qui ne me laisse pas le temps.
Fuite du temps
J’avais des objectifs : me remettre à la peinture, au ukulélé, passer mon permis, lire plus de livres, faire des musées… Mes résolutions 2024 quoi. Celles qui, finalement, me font prendre conscience du temps que je n’ai pas. En réalité, ce temps, je l’ai. Je ne le prends pas, je le dédie en extrême majorité à mes études. C’est ce qui fait que je me retrouve à passer la semaine la plus vide de ma vie en vacances post-partiels à Paris : pas d’objectif, de stimulation, l’ennui, le vide. En effet, quand l’occasion se présente de me consacrer à ces activités, la flemmardise m’envahit et m’immobilise. Je me rappelle alors que je peux obtenir facilement ma dose de dopamine quotidienne en regardant l’intégrale de The Office pour la 5e fois consécutive. C’est la fuite du cerveau, de la volonté, face à un régime intellectuel trop exigeant, qui vient se réfugier dans ce qu’il connaît. Bien que la prise de temps soi importante, elle est utilisée ici pour masquer la fuite de la réalité, alors qu’elle devrait-être l’encrage/ le fondement même de celle-ci.
Prendre du temps
Prendre du temps est souvent connoté négativement. Toutefois, à l’université, la prise de temps dans son travail dépend surtout du type d’élève qu’on est. Les plus exposés à une prise de temps excessive sont les perfectionnistes et les distraits. Les uns en cherchant le mieux au détriment du bien (comme moi qui ai pris une semaine pour écrire ces lignes), les autres en s’évadant par la pensée. Cependant prendre du temps, c’est aussi ce qui fait des curieux et des créatifs les individus les plus intéressants : prendre le temps de creuser des sujets de son côté, de dépasser ses cours, de développer une passion artistique… Mais comment savoir si le temps qu’on prend est une perte ou un gain de temps ? C’est simple : posez-vous la question du regret.
Le regret et la culpabilité
Définis par notre cher Franck Bien, professeur d’Assurance, le regret est la perte qui résulte d’une décision ne conduisant pas au meilleur bien évaluée ex-post. C’est le manque à gagner. Grossièrement, c’est le seum. L’identifier, c’est pouvoir choisir en conséquence. Cependant le seum a une limite : la FOMO (la peur de manquer quelque chose, souvent sociale). Dans un dilemme du type « sortir vs étudier », la FOMO peut vous faire faire des choix irrationnels, et ce qui vous attends si cette décision est récurrente, ce sont les rattrapges en juin. Je ne le souhaite pas à mon pire ennemi. Posez-vous alors la question de la culpabilité.
La culpabilité, c’est la conséquence directe du choix de la perte de temps. L’avantage est que contrairement au regret, elle peut frapper quand il est encore temps de faire marche arrière. C’est elle qui nous ronge quand on fait autre chose que ce qu’on devrait faire. C’est la même petite voix qui nous fait regretter, qui attise jusqu’au mépris de soi-même. Cependant, cette sentence, parfois trop dure à entendre, nous pousse à nous cacher derrière des excuses pour atténuer la culpabilité. Pour ne pas en arriver là, il est important de bien discerner le temps qu’on prend vraiment (provoqué par l’envie), et celui qui nous sert à nous évader (provoqué par la peur ou la flemme).
Vivre son temps
Les activités pour fuir le temps (réseaux sociaux), la mauvaise gestion du temps (inefficacité), agrégé au temps qu’on passe à être là où on ne le veut pas (en dîner de famille ou en amphi d’analyse technique), sont des pertes de temps.
Finalement, la question n’est pas celle du gain ou de la perte de temps, mais celle de bien le prendre ou de le donner pour les choses qui correspondent à des loisirs, objectifs, intérêts, … Simplement : c’est un contrat que l’on passe avec soi-même (qui nécessite de se connaître un peu), sur ce qu’on est prêt à s’accorder ou non. L’important étant d’être en accord avec ses priorités (qui dépendent de qui l’on veut être) et son degré d’auto-discipline, tout en ayant identifié nos réflexes de fuite pour mieux vivre son temps.
La Plume