« Résistants » ou « Terroristes » ? – La Résistance Française face à l’Occupation et aux Médias de l’Occupation.
Crédit image : DALL-E (IA)

« Résistants » ou « Terroristes » ? – La Résistance Française face à l’Occupation et aux Médias de l’Occupation.

Le 8 mai 1945 s’inscrit dans l’Histoire comme une date charnière :  celle du triomphe des forces alliées sur l’Allemagne nazie et de la fin de cette ère sombre et violente que fut la Seconde guerre mondiale. En outre, cette date symbolise aussi la fin de l’Occupation de la France par les Allemands—période brutale et obscure de l’Histoire de France qui débute le 22 juin 1940. Mais l’histoire de cette libération ne saurait être narrée sans évoquer la Résistance française, opposition de l’ombre, qui a joué un rôle crucial dans l’affranchissement de la France du joug des nazis. 

Le mouvement de la Résistance française naquit le 18 juin 1940 avec l’appel du Général de Gaulle, diffusé sur les ondes de la BBC. A travers ses mots,  il exhorte tous les Français ayant une compétence militaire à le rejoindre à Londres. Ceux qui répondent à l’appel seront membres de la « France Libre », force motrice de la Résistance Extérieure

En parallèle, au cœur de la France occupée, une autre lutte se dessine, celle de la Résistance Intérieure, qui s’organise pour combattre l’ennemi de l’intérieur, défiant à la fois la machine de guerre allemande et le gouvernement collaborationniste de Vichy. 

Bien que la Résistance française ne représente qu’une infime minorité des Français— son effectif est incertain et estimé entre 300 000 et 1 million de résistants selon les historiens—son impact sera conséquent. L’objectif de ce mouvement est double : vaincre les Allemands et libérer leur patrie, mais aussi influencer l’opinion publique afin que les Français basculent dans leur camp sur le plan idéologique. 

Le combat se fera donc sur deux terrains distincts : celui du champ de bataille où s’affrontent combattants et soldats, et celui des médias, où se livre une guerre idéologique ayant pour enjeu la conquête des esprits et des cœurs. Un duel des représentations aura donc lieu, opposant la presse résistante à la propagande des nazis et du régime de Vichy, dépeignant les résistants comme des fauteurs de troubles, des terroristes, des criminels menaçant la paix et les Français. 

Les Résistants et l’Action de la Résistance

L’appel du général de Gaulle, bien que très largement diffusé en France, ne suscite que très peu de réaction au sein d’une population encore sous le choc de la défaite face aux Allemands. Seules quelques figures—dont Jean Moulin—prennent l’initiative de quitter la France pour Londres afin de s’engager dans la Résistance Extérieure

Quant à la Résistance Intérieure, loin d’être une armée unifiée et homogène, elle se forme peu à peu sous l’impulsion de personnalités isolées à l’instar d’Henri Frenay, qui fonde le Mouvement de Libération Nationale. Par la suite, plusieurs mouvements épars se regroupent pour donner vie à Combat, dont les moyens demeurent néanmoins limités.  En parallèle,  le Parti Communiste Français joue aussi un rôle clé au sein de la Résistance Intérieure : A la suite de l’invasion de l’URSS par les troupes hitlériennes, les communistes français— jusque-là en retrait en raison du pacte de non-agression entre Staline et Hitler— s’engagent également dans la lutte. 

De ce fait, les motivations des résistants sont très diverses. Pour certains, l’engagement repose sur un sentiment patriotique profond animé par la volonté de restaurer l’indépendance et la souveraineté de la France. Pour d’autres, le combat dépasse la seule question nationale et prend une dimension morale et humaniste, se traduisant par un rejet absolu de l’idéologie nazie et des exactions perpétrées par le régime contre les juifs et d’autres minorités. Enfin, les motivations peuvent aussi être sociales, comme c’est le cas pour les partisans du PCF.

La Résistance Intérieure se manifeste au début par la création de réseaux de renseignement, par des actions clandestines, de l’espionnage, mais aussi par des sabotages qui entravent l’économie de l’occupation, et des appels à la rébellion. Des opérations visant à perturber les lignes de transport et les installations industrielles de l’occupation sont menées. 

Dès 1941,  une première vague d’attentats violents s’abat sur la France. A titre d’exemple, en avril 1942, à Airan, des résistants déboulonnent le rail d’une voie où circulait un train reliant Cherbourg à Maastricht. Le bilan de l’attentat est lourd : 30 morts et une vingtaine de blessés. D’autre part, dans les maquis, les résistants s’attaquent frontalement aux troupes d’occupation allemandes et à leurs collaborateurs, et entreprennent des actions de sabotage d’infrastructures stratégiques.

Avec la multiplication des attentats exécutés par la Résistance Intérieure, les Allemands entament un cycle de répression très violent : Le 29 août 1941, Honoré d’Estienne d’Orves, officier de la marine française et chef de la Résistance est exécuté avec d’autres résistants. Le 22 octobre de la même année, 22 otages communistes sont fusillés en représailles d’un attentat contre un officier allemand.  

Durant cette période, la société française se fracture en deux camps opposés : ceux qui soutiennent la Résistance et ceux qui lui sont hostiles. Cette déchirure entraîne de lourdes conséquences pour les résistants, souvent trahis par leurs concitoyens et livrés à la police française ou à la Gestapo. Leurs refuges sont détruits, ils subissent des exécutions, des déportations et des tortures, et leurs familles sont punies avec eux. Dans ce contexte, l’opinion publique constitue donc un enjeu supplémentaire pour les résistants, et un facteur déterminant de leur survie. Elle peut tantôt leur apporter protection et soutien, tantôt précipiter leur perte par la collaboration.

Médias de l’Occupation VS Médias de la Résistance : une guerre des représentations.

Les médias jouent un rôle central dans le conflit opposant la Résistance à l’Occupation. En effet, la presse, la radio et les représentations qui y sont diffusées influencent et façonnent l’opinion publique vis-à-vis des Résistants. 

Sous l’Occupation, la seule presse qui circulait légalement était celle qui servait la propagande de Vichy et de l’occupant allemand. Ces journaux, comme Le Petit Parisien, l’Action Française ou le Matin, qualifiaient les résistants de terroristes et de criminels. Leurs pages servaient à justifier et encourager la répression des résistants et les violences qui leur étaient infligées à eux et leurs familles : exécutions sommaires, rafles, massacres, tortures, déportations…. Représenter les résistants comme des terroristes, des extrémistes et des ennemis de la paix était un moyen de les déshumaniser et de les diaboliser, en étouffant toute lueur de sympathie à leur égard susceptible de naître dans les cœurs des Français.  Cette propagande vicieuse entraînera des conséquences graves : elle permettra à l’armée Allemande de mener des actes de punition collective contre des civils, sans jamais être questionnée ou condamnée.  De leur côté, les maquisards subissent aussi une répression constante et sont à la fois ciblés par les forces allemandes et la milice française.

Par exemple, en mars 1944 en Dordogne, la division Brehmer mène des offensives brutales qui coûtent la vie à 250 maquisards et civils, et entraîne la déportation de centaines d’autres. Les actions du groupe comprennent des assassinats, des viols, des rafles, des villages incendiés et la destruction d’infrastructures civiles. Cet événement n’est pas un fait isolé : les forces d’occupations commettent souvent des exécutions massives contre les populations civiles pour punir leur soutien à la résistance.

Autre exemple inoubliable des horreurs perpétrées par les forces d’occupation contre les civils : le massacre d’Oradour-sur-Glane, survenu le 10 juin 1944. Sous prétexte de se venger des « terroristes » et de « reprendre la zone en main », la division Waffen SS Das Reich de l’armée allemande anéantit en quelques heures un village entier, faisant plusieurs centaines de victimes.

L’action de l’armée allemande est méthodique et délibérée : ils commencent par encercler la zone, forçant les habitants à se rassembler sur le champ de foire. Ceux qui ne peuvent s’y rendre sont abattus de sang-froid. Sur le champ de foire entouré de soldats,  les hommes sont séparés des femmes et des enfants, qui sont conduits dans une église. Quand le signal est donné par leurs supérieurs, les soldats massacrent simultanément tous les civils, et font ensuite exploser l’église abritant les corps sans vie des femmes et des enfants. Le lendemain, les soldats éliminent les corps en les brûlant, puis en les jetant dans une fosse commune, si bien qu’il est impossible d’identifier les morts.

Les conséquences de la déshumanisation sont donc lourdes : la perte injuste de vies humaines innocentes, ainsi que la dégradation morale et la perte d’humanité de ceux qui restent passifs face à de tels évènements. 

Dans ce contexte, beaucoup de mouvements de résistance publient et diffusent des journaux clandestins afin de contrer la propagande de l’occupant en diffusant des messages d’espoir et de lutte. C’est le cas de journaux comme Combat ou Libération, qui œuvrent pour l’humanisation des figures de la résistance et encouragent à l’unité nationale. Cette presse clandestine rencontre un réel succès : entre 1940 et 1944 près de 1200 titres et 10 millions d’exemplaires sont tirés. De ce fait, la consultation des médias dissidents—comme la BBC ou la presse clandestine— constitue en elle-même une forme de résistance. 

Conclusion    

Sous l’Occupation Allemande, la violence des nazis est légitimée par les médias. Une distinction enfantine est faite entre les « gentils soldats qui protègent le peuple des terroristes » ( à savoir les soldats allemands et les miliciens de Vichy) et les « méchants terroristes qui se cachent derrière les civils » (c’est-à-dire les résistants). Ce genre de représentation dichotomique d’une réalité extrêmement complexe sert principalement à abrutir et pacifier l’opinion publique, qui devient insensible aux exactions commises par l’armée d’Occupation contre les civils, voire les justifient en répétant bêtement la propagande de l’Occupant. En fin de compte, les médias deviennent une arme de destruction massive, dont l’entité occupante et ses alliés usent et abusent pour justifier l’injustifiable : les massacres d’enfants, de femmes et d’hommes, dont le seul crime et de lutter pour une vie libre.

 

 

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