L’université Paris Dauphine décerne le titre de Docteur Honoris Causa à Joseph E. Stiglitz

Le 27 juin prochain, il faudra s’attendre à un événement assez rare à Dauphine ; la venue de Joseph Stiglitz, prix de la Banque royale de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, pour recevoir le titre de Docteur Honoris Causa. À ses côtés, le mathématicien Fred S. Roberts recevra lui aussi ce titre honorifique. Dans un monde où la compétition académique est de plus en plus rude, où les universités tentent d’attirer les meilleurs éléments, la France peine à faire émerger des « champions nationaux » dans l’enseignement supérieur et la recherche. La création de Paris Sciences et Lettres est une initiative pour remédier au manque de visibilité de l’université française à l’international. La cérémonie des Docteurs Honoris Causa (DHC) s’inscrit dans cette volonté d’améliorer les connexions internationales des structures académiques.

À l’origine, les DHC font partie intégrante de l’ADN des universités américaines, et ce depuis la fin du XVIIIe siècle. L’objectif est d’honorer certaines personnalités éminentes dans un domaine particulier. Dans le monde anglo-saxon, c’est le grade universitaire le plus élevé. Ce n’est qu’en 1918 que la France, s’inspirant du modèle américain, autorisa les universités à délivrer ce titre. L’enjeu d’une telle distinction est double : d’une part, elle permet la circulation des travaux de certains intellectuels et leur reconnaissance par des établissements du supérieur dans le monde entier, d’autre part, les universités se donnent le droit d’attribuer ce titre et ainsi accroître leur notoriété sur la scène universitaire mondiale. Bien entendu, la valeur symbolique des DHC est fonction croissante de leur rareté ; le prestige et la solennité d’une telle distinction vont de pair avec leur attribution au compte goutte. L’université Paris Dauphine a déjà honoré plusieurs personnalités étrangères comme l’universitaire canadien Henry Mintzberg, figure importante en sociologie des organisations, ou encore le chercheur américain en finance, Robert Shiller. Désormais, aux côtés de nombreux « prix Nobel » en économie comme Edmund Phelps, Oliver Williamson et Myron Scholes, Stiglitz va gravir les marches de l’Amphi 8 de Dauphine et recevoir des mains de la communauté scientifique le titre de DHC.

« Une des raisons pour lesquelles la main invisible est invisible, c’est peut être qu’elle n’existe pas. » (Stiglitz, Quand le Capitalisme perd la tête, 2003)

Stiglitz est une personnalité qui se fait rare dans le monde intellectuel. C’est un homme complet, à la fois chercheur, conseiller politique et idéaliste. C’est tout ce que l’on attend d’un économiste ! Après l’obtention de son doctorat au MIT de Boston, il se tourne vers la recherche. Il fait partie d’une école de pensée qui, en réaction aux travaux de la Nouvelle École Classique, tente de démontrer que le marché peut, dans certains cas, faillir dans l’atteinte de l’équilibre économique et social. Aux côtés de George Akerlof et de Michael Spence, ces nouveaux keynésiens vont travailler sur l’économie de l’information en invalidant théoriquement et empiriquement l’un des postulats fondamentaux de la pensée libérale : l’information transparente et gratuite. Ce sont pour ces travaux sur les asymétries d’information qu’il reçut le prix Nobel d’économie en 2001. Il se penchera sur d’autres problématiques comme l’économie du développement, l’économie internationale ou encore la théorie bancaire. Au cours des années 1990, Stiglitz fut le chef des conseillers économiques sous le mandat de Clinton. Après avoir délaissé la recherche, et s’être rapproché du parti démocrate, il bride un mandat d’économiste en chef à la Banque Mondiale de 1997 et 2000. Il démissionna de son poste pour des raisons morales et idéologiques dénonçant le fonctionnement des institutions internationales de Bretton Woods (FMI et Banque Mondiale) : l’ultra-libéralisation imposée aux pays en difficultés a accru au contraire leur instabilité, tant au niveau économique, que politique et social. Sans être contre la mondialisation mais pour un Capitalisme régulé, Stiglitz apparaît être la figure portant les espoirs des altermondialistes ; c’est en dénonçant de l’intérieur du système, l’idéologie imposée par le consensus de Washington que Stiglitz devint la figure de proue d’un certain mouvement intellectuel, contestataire vis-à-vis du modèle en vigueur.

Aujourd’hui, Stiglitz est écouté et respecté par la communauté internationale. Sa présence à Dauphine le 27 juin prochain est à la fois une marque de reconnaissance pour l’ensemble de ses travaux universitaires et politiques, mais aussi une chance pour Dauphine d’accueillir une telle personnalité. Après la remise du diplôme et des insignes de DHC, Stiglitz participera à une émission de radio sur le thème « Exchanges - The Global Economy: the World’s leading economists speak to BBC at Paris-Dauphine University ». Voici le lien pour s’inscrire à l’événement http://www.dauphine.fr/fr/recherche/inscriptions-doctorat-honoris-causa-de-luniversite-paris-dauphine.html

Soyez prévoyants si vous décidez de venir, il se pourrait que la manifestation attire plus que des chercheurs dauphinois…à bon entendeur !

Pour davantage d’informations sur Stiglitz, voici le lien vers sa page personnelle : http://www.josephstiglitz.com/

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