Les pigeons : l’histoire d’un flop
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Les pigeons : l’histoire d’un flop

 

Être un pigeon (figure de style, XVe siècle) : métaphore utilisée pour désigner quelqu’un de dupe, qui se laisse berner et que l’on peut facilement manipuler. Voir aussi : se faire pigeonner.

Pendant des millénaires, les pigeons ont été à l’homme de précieux alliés. Intelligents, discrets et rapides, ils ont bien vite été domestiqués. Alors pourquoi sont-ils aujourd’hui considérés comme nuisibles ? Comment sont-ils devenus les parias des grandes villes ? Comment sont-ils entrés péjorativement dans le langage commun, à coup d’expressions dénigrantes et de connotations négatives ?

Bien que présent sur tous les continents, le pigeon est originaire du bassin méditerranéen et a été introduit en France et Europe du Nord par les humains. Pendant plus de 5000 ans, le pigeon est domestiqué, et la colombophilie (l’élevage de pigeons) se développe. C’est notamment son excellent sens de l’orientation qui confère au pigeon sa place de choix. De nombreuses études ont tenté de faire lumière sur les raisons de cette capacité, et les théories privilégiées sont celles de l’apprentissage via l’observation du ciel, de la sensibilité aux champs magnétiques de la Terre, et des infrasons issus des pigeonniers. 

Si le pigeon s’est imposé comme moyen de communication en temps de guerre, c’est aussi parce qu’il est à la fois rapide et discret. Guerre ou pas, messages secrets à faire circuler ou pas, il y aura toujours des oiseaux dans le ciel. De Guillaume d’Orange aux maquisards, le pigeon s’avère parfois essentiel. Et pour cause, c’est bien une colombe - donc une version un peu plus classe du pigeon - qui, dans la Bible, annonce à Noé la fin du déluge.

Mais que faire lorsqu’un outil si répandu devient obsolète ? A partir du milieu du XXème siècle, avec le développement des moyens de télécommunication modernes, l’utilisation de pigeons voyageurs se fait de plus en plus rare. La domestication de l’espèce est progressivement abandonnée. A cela s’ajoute le grand nombre de pigeons à l’état sauvage, dont le contrôle se fait de plus en plus difficile. 

C’est leur prolifération dans les villes qui donne aux pigeons leur mauvaise réputation. On les accuse de propager des maladies, entre autres, la tuberculose. Rétablissons la vérité : ce n’est pas le cas. Humains et pigeons ont vécu à proximité durant des millénaires, sans qu’il n’existe de transmissions avérées de maladies. Aujourd’hui, leur nombre est bien souvent régulé par une stérilisation forcée, la construction de mobilier urbain “anti-pigeons”, l’introduction de rapaces dans les villes, ou encore l’interdiction de nourrissage. 

S’il est tout à fait compréhensible d’être agacé par quelques fientes, plumes, roucoulements et oiseaux disgracieux, il est bon de remettre ces nuisances dans leur contexte : celui de l’abandon complet d’une espèce à l’expansion artificielle. Une fois devenu obsolète, le pigeon s’est vu relégué au rang de nuisible. Le travail de ré-assimilation de l’espèce à son environnement, essentiel au bon équilibre des écosystèmes, a été délaissé. Comment, dans ce contexte, en vouloir à une espèce qui, bien que fort désagréable, n’est que la victime d’une mauvaise gestion ?

Au-delà des politiques de la nature, le pigeon se fait victimiser jusque dans les expressions françaises. “Etre un pigeon” serait en effet la déformation d’une expression visant un tout autre oiseau. C’est la huppe, oiseau connu pour sa stupidité - et qui a d’ailleurs donné son nom à la formule “être dupe” (dé-huppe)-, qui se couvrait à l’origine de ridicule. Le pigeon étant plus répandu que sa congénère à crête, les français remplacèrent petit à petit un oiseau par un autre. Bref, encore une fois, le pigeon est le didon de la farce. 

 

#JeSuisPigeon 

 

La Plume

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