Le raz-de-marée culturel japonais porté par « la Vague » d’Hokusai
Source: Wikimedia Commons

Le raz-de-marée culturel japonais porté par « la Vague » d’Hokusai

Je n’ai pas besoin de vous demander si vous connaissez cette image. Vous avez forcément vu au moins une fois cette vague iconique, que certains experts comparent à la Joconde tant elle a déferlé en cascade sur le monde. Que cela soit dans les publicités, sur les vêtements ou encore dans la « pop culture », cette estampe a tout inondée. Mais qu’est ce qui a fait son succès ? La Plume vous propose de plonger dans l’histoire de cette vaguelette devenue un tsunami culturel.

 

 Un peu d’histoire

La « vague », ou la « grande vague », d’Hokusai est une estampe traditionnelle japonaise originellement « peinte » entre 1830 et 1831 durant l’ère d’Edo. Elle fait partie d’une série d’estampe qui s’intitule Trente-six vues du mont Fuji, dans laquelle Hokusai peignait le volcan éponyme sous plusieurs angles, dans la continuité du mouvement appelé Ukiyo-E. Certains éléments historiques peuvent être ici précisés. D’abord, la traduction littérale de cette production artistique serait plutôt « Au revers d’une/des vague/s dans la baie de Kanagawa ». Ce sont les anglais qui ont très tôt simplifié le nom par « Great Wave ». Ensuite, il n’est pas réellement possible de parler uniquement de « peinture », la vague étant une estampe. Sans rentrer dans les détails, les estampes fonctionnent davantage sur un modèle de gravure et non pas de dessin. Cette technique peut être rapprochée de l’imprimerie et se fait par tirage. Cette vague a donc connu dans les années 1830 des centaines de tirage, toutes destinées aux marchands japonais de l’époque. Cette estampe n’avait alors que très peu de valeur et beaucoup des tirages ont été jetés. Toutefois, selon Emmanuel Lozerand, il existe encore deux cents exemplaires des tirages originaux aujourd’hui.  

 

Une exportation folklorique

Mais alors comment une estampe presqu’insignifiante dans son pays d’origine a pu s’évaporer dans le monde entier ? D’autant plus que les passionnés d’histoire japonaise auront remarqué que le contexte politique de la vague d’Hokusai ne justifiait pas une telle diffusion. L’ère d’Edo est en effet connue pour la très grande fermeture du Japon au monde extérieur. Ce pays était à l’époque particulièrement cloisonné et éloigné des puissances occidentales, refusant presqu’intégralement les échanges économiques et culturels. La fermeture structurelle du Japon aurait pu expliquer que cette estampe ne soit jamais parvenue au reste du monde, mais c’est justement cette unicité qui a fait son succès.

Du fait de sa fermeture aux autres pays, le Japon déployait à l’époque un modèle culturel totalement unique avec ses propres codes exclusifs. Cette exception culturelle trouvable nulle part ailleurs va alors conquérir les cœurs des européens. En effet, à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, le Japon commence à s’ouvrir au reste du monde. Lors de l’exposition universelle de 1867 par exemple, le Japon est est représenté.  Les européens sont confrontés pour la première fois de manière importante à la culture et aux produits japonais. C’est tout un monde nouveau et unique qui est découvert pour les bourgeois occidentaux. Ainsi, il se développe un engouement pour cette culture “folklorique”. A la suite de cette exposition, la vogue des estampes est lancée et plus largement le phénomène du japonisme. La vague d’Hokusai s’inscrit parfaitement dans ce courant et représente l’envie de dépaysement des européens. On retrouve cette vague dans de nombreuses productions artistiques, directement et indirectement dès la fin du XIXe siècle. C’est le cas chez Claude Debussy qui met un fragment de la vague en frontispice de sa partition de la mer en 1905 par exemple.

 

Un symbole d’un attachement à la culture japonaise

Aujourd’hui, le japonisme existe encore et a pris une nouvelle forme. La stratégie de soft power du gouvernement japonais qui a consisté à exporter des produits nationaux à travers le monde a particulièrement bien fonctionné en France. La vague d’Hokusai représente ainsi l’attachement occidental à la culture japonaise. Comme une vague qui revient éternellement s’élancer sur le rivage, les flux de la culture japonaise ne cesseront probablement jamais d’abreuver nos sociétés, pour le plus grand bonheur des assoiffés des productions artistiques du pays du Soleil Levant.

 

La Plume

Laisser un commentaire

Fermer le menu