Jeff Koons : entre controverse, incompréhension et fascination

À la télévision, à la radio, dans la presse, tous les médias en parlent, le serial créateur Jeff Koons n’a certainement pas dû vous échapper. Après avoir exposé au Whitney Museum of American Art à New York – l’événement artistique de l’année aux Etats-Unis – sa rétrospective s’invite au Centre Pompidou jusqu’au 25 avril 2015. Mais qui est-il ?

Un pur produit de la middle class américaine

             Né en 1955 à York en Pennsylvanie, Koons manifeste dès son plus jeune âge une sensibilité artistique particulière. Ainsi, il s’oriente naturellement vers des études d’art, d’abord au Maryland Institute College of Art de Baltimore – où il crée des tableaux inspirés par ses rêves et le surréalisme, puis à la School of Art Institute de Chicago – où il découvre que les objets qui l’entourent peuvent servir son art, le ready-made. C’est sans doute sa rencontre avec Salvador Dali durant ces années qui sera déterminante pour la suite de sa carrière : « c’était vraiment le genre de vie que je voulais : entrer dans le jeu, ne penser qu’à lart et être un artiste ». Une fois diplômé, il s’installe à New York où il mène une double vie : courtier spécialisé dans les matières premières à Wall Street le jour, artiste la nuit.

Un serial créateur

             Depuis ses débuts, l’artiste américain structure sa production d’œuvres suivant les méthodes de l’organisation scientifique du travail de Taylor. Ainsi, le maitre incontestable du kitsch préfère travailler sous forme de série. Chacune d’entre elles porte un nom donné par Koons et correspond à une démarche artistique spécifique nous offrant les clés de compréhension de l’évolution de son travail. Des inflatables, sa toute première série à Gazing Ball, en voici quelques exemples.

L’admiration : « Equilibrium »

Koons à la recherche de la perfection. Sujet de sa première exposition personnelle à la galerie new-yorkaise International With Monument en 1985, cette série nous laisse perplexe. Il réussit une sorte de miracle en présentant des ballons de basket-ball en suspension au milieu d’aquariums, dans un état d’équilibre parfait. On passe devant l’œuvre, on se retourne, on repasse, on tourne autour et l’incompréhension nous envahit. Comment ces ballons tiennent-ils ? Pour réussir cette prouesse scientifique, l’artiste a fait appel à Richard Feynman, prix Nobel de physique 1965. Un dispositif qui émerveille les visiteurs.

Une sulfureuse collaboration : « Made in Heaven »

L’artiste dérange et provoque. Au début des années 1990, Jeff Koons crée le scandale en dévoilant à Venise la série « Made in Heaven » dédiée au sexe et à sa représentation. Des photographies de sexe particulièrement crues, des sculptures en cristal de Murano ou en bois : l’artiste met en scène ses ébats. Ce travail n’aurait pu être sans sa partenaire, Ilona Staller alias « La Cicciolina », célèbre protagoniste de films porno et parlementaire italienne engagée au sein du Parti Radical. La foule, curieuse, se déplace et s’amuse mais pas les collectionneurs ni les critiques d’art. Koons assume et n’y voit que « deux êtres humains qui saiment et qui font lamour ».

« Celebration » et la célébrité

Cette série débutée en 1994 s’étale sur près de vingt ans et exige des moyens ambitieux. Elle contient plusieurs des sculptures les plus monumentales réalisées par Koons telles que « Balloon Dog », « Moon » ou « Tulips ». Une grandeur qui a valu à son créateur la célébrité. Des œuvres lisses, brillantes et réfléchissantes à travers lesquelles Jeff vend et célèbre l’illusion d’un monde parfait.

Un businessman

             La controverse autour de Koons n’est pas sans rapport avec son passé boursier. Ses années à Wall Street auraient-elles que trop influencées son art ? Jed Perl, l’auteur de l’article « Koons pour le malheur de l’art » publié dans la New York Review of Books le pense. Il qualifie les créations de l’artiste d’art pour traders : « lui-même ancien trader, il leur donne un art rigolo, facile à comprendre ». Perl continue sa critique de Jeff Koons en ajoutant que son art est « un orage parfait » et « au coeur de lorage parfait, on trouve toujours un vide parfait ». L’art n’est-il pas synonyme de création et de transgression ? L’art ne doit-il pas critiquer la société dans laquelle il évolue ? Koons fait le contraire. Koons ne transgresse aucune loi, aucun code. Koons ne crée rien, il donne seulement aux objets du quotidien la valeur dont jouissent les objets artistiques : « Cest Duchamps avec plein de fioritures ostentatoires ». Koons ne critique pas, il flatte nos goûts, il célèbre la culture pop américaine, la publicité et notre société.

Il n’en reste pas moins que c’est l’artiste vivant le mieux côté : c’est une véritable célébrité. Ses œuvres s’envolent à prix d’or, ce sont des « petites folies pour collectionneurs spéculateurs ». D’ailleurs, en novembre 2013, dans une salle aux enchères où l’excitation était à son comble, un de ses « Balloon Dog » a été vendu pour plus de 50 millions de dollars devenant l’œuvre contemporaine la plus chère au monde.

N’est-il donc pas l’artiste que mérite notre époque ?

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