LA FAUSSE VIANDE, PROMESSES TENUES ?
Source: La Plume

LA FAUSSE VIANDE, PROMESSES TENUES ?

 

  Qui n’a jamais traîné les pieds en faisant ses courses, lassé de ne pas trouver d’idée qui sorte enfin de l’ordinaire pour ses petits plats de la semaine ? Cette situation, les personnes ayant adopté un régime végétarien - voire végan- se la posent également. 

 

Depuis quelques années, les industriels de l’agroalimentaire rivalisent d’imagination pour proposer à cette frange de la population ( 2,2% des français selon une étude de l’IFOP parue en 2020) des substituts aux plats carnés. L’objectif affiché : proposer des plats gourmands, sains, abordables et  sans la moindre touche de viande, le tout pour un tarif abordable. 

Mais alors, cet objectif est-il atteint? Que mangeons-nous vraiment ? Ces steaks végétaux, faux nuggets et autres boulettes de soja sont-ils vraiment une bonne alternative ? La Plume a mené l’enquête pour vous : Décryptage sur les qualités nutritionnelles, gustatives et environnementales de la « fausse viande ».

 

LA VIANDE VEGETALE

Premier substitut à la viande : les préparations végétales. Les emballages évoquent le plus souvent une composition à base de légumineuses, essentiellement du soja et de la farine de pois chiches. Dans les rayons, vous retrouvez ces produits sous l’appellation « nuggets », « steaks », « aiguillettes », « haché », le tout avec la mention « végétale ».

 

UNE COMPOSITION COMPLEXE

Concernant les apports nutritionnels de ces préparations, le discours des industriels prônant des repas sains et équilibrés s’oppose à l’avis de nombreux scientifiques. Ces derniers remettent notamment en cause une composition parfois douteuse. Ce qui revient le plus souvent, c’est le caractère ultra-transformé de ces plats préparés, bien loin de l’image naturelle du packaging vert et fleuri. 

Second hic : l’eau est l’ingrédient principal des ces recettes. Et 18€ le kilo d’eau, ce n’est pas donné… Parmi la vingtaine d’ingrédients, on estime qu’environ un tiers seulement de la recette repose sur des produits bruts (soja, pois-chiches etc… ). 

 

DES APPORTS NUTRITIONNELS INSUFFISANTS

Ensuite, ces alternatives végétales ne remplissent pas la promesse du substitut idéal à la viande d’origine animale. Cela se constate notamment au niveau de l’apport en protéines. Selon une étude de Philippe Cayot de 2021 (Substituts à la viande: formulations et analyse comparée), l’apport protéique pour 100 grammes oscillerait entre 18g et 39g pour la viande, tandis que pour les analogues végétaux, ces valeurs n’excèdent pas 23g. En outre, les acides aminés ne sont pas assez présents dans ces recettes, ce qui empêche une digestibilité optimale des protéines par les consommateurs. 

Autre ombre au tableau, la teneur en fer n’est pas idéale. Certes, on en retrouve dans la viande végétale, mais sous une forme dite « non-héminique », ce qui empêche le corps humain de l’absorber correctement. Les analogues végétaux à la viande apportent au maximum 7mg de fer au 100g, soit moins que la plupart des viandes, avec un teneur oscillant entre 1mg et 23mg pour cette même quantité. 

De plus, la « fausse viande » ne répond absolument pas aux besoins quotidiens en terme de vitamine B12. Ce micro-nutriment – qui n’est pas généré par le corps humain – est essentiel pour le système immunitaire notamment, et se récupère en consommant des produits d’origine animale. Ne consommer que de la « fausse viande » demande ainsi de se supplémenter en vitamine  par des compléments alimentaires. 

 

DES POINTS ENCOURAGEANTS

Cependant, malgré ces points négatifs dans la recette, il convient de remarquer que la teneur en protéines de la viande végétale - bien que relativement limitée - reste une source intéressante dans un régime où les carences en protéines restent répandues.

 

Les viandes végétales sont aussi montrées par leurs promoteurs comme une des solutions au défi climatique. En effet, l’élevage est responsable de 14,5% (rapport de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture publié en 2013) des émissions de gaz à effet de serre (via le méthane dégagé par les ruminants), et nécessite de monopoliser un tiers des terres agricoles pour le pâturage et la culture des aliments du bétail. A l’inverse, si l’humanité se tournait davantage vers une agriculture végétale, les émissions de GES ne seraient pas si élevées. En outre, ne pas avoir à nourrir de bétail augmenterait de facto le nombre de champs à la disposition des populations.

 

LA VIANDE IN-VITRO 

Le végétarisme/véganisme peut parfois être une histoire de goût, mais aussi se fonder sur des convictions environnementales ou éthiques. Dans ce cas, le consommateur peut chercher à retrouver le goût de la viande, sans s’appuyer sur le cheptel. C’est à cette occasion que depuis une dizaine d’années, des start-ups se lancent dans la course à la viande in-vitro. 

Ce process industriel consiste à recréer du muscle animal en s’appuyant sur la multiplication en laboratoire de cellules animales, prélevées sans avoir eu à tuer la bête. Les scientifiques utilisent pour cela un sérum très riche en nutriments pour une croissance optimale. 

 

BONNE NOTE ENVIRONNEMENTALE

D’un point de vue écologique, cela limite la pollution au méthane due aux émanations de ruminants et réduit la consommation massive d’eau alléguée à élevage (600 litres pour 1kg de viande). Les partisans de la viande in-vitro mettent également en avant le fait que de ne pas avoir à nourrir le bétail permet d’attribuer les surfaces agricoles à l’alimentation des hommes, un enjeu majeur pour tenter de réduire les famines dans le monde. 

Par ailleurs, sanitairement parlant, la culture en milieu stérile réduit le risque de contamination. En revanche, toute multiplication cellulaire de grande ampleur présente la possibilité d’une dérive génétique. 

 

UN GOUT…CONTESTE

Et qu’en est-il de l’aspect gustatif de la viande de laboratoire ? Là-encore, les avis sont divisés. Pour beaucoup, il ne s’agit tout simplement pas de viande. La raison première des différences de goût est l’absence de phases de maturation de la matière, qui reste à l’état de muscle. Ses détracteurs  pointent en outre le manque de nerfs, de masse graisseuse et de vaisseaux sanguins de cette “fausse viande”. Pour résumer, la texture et l’épaisseur de la viande, permises par une longue phase de maturation, ne sont pas reproduites dans ces produits n’excédant que très rarement les 5 millimètres d’épaisseur.

 

APPORTS NUTRITIONNELS RELATIVEMENT CORRECTS

Enfin, portons notre attention sur les apports nutritionnels de la viande in-vitro. Premier bon point, l’apport en protéines est semblable à celui de la viande traditionnelle. Sur le plan des acides gras, il est possible d’enrichir ce substitut à la viande en omégas-3, bien meilleurs pour la santé cardiovasculaire, la vision et la santé mentale que les acides gras saturés, naturellement présents dans la vraie viande. Néanmoins, tout comme la viande végétale, la viande in-vitro ne contient pas de vitamine B12. 

Sur le papier, la viande in-vitro a presque tout pour séduire le consommateur. Pourtant, selon une étude de l’INRA datée de 2017, seuls 10% des Français la considèrent comme une solution d’avenir pour l’alimentation des hommes. Plusieurs causes à cela. Premièrement, un prix inabordable, avec plus de 100€ au kilo. Deuxièmement, un manque de familiarité avec le produit n’incite pas le consommateur à se tourner vers ce substitut aux aliments d’origine animale. 

 

Pour conclure, ce petit tour d’horizon des alternatives à la viande traditionnelle aura montré qu’il convient de ne pas considérer tous les substituts comme la solution miracle. Certes, ils représentent un apport protéique non-négligeable dans un régime qui peut peiner à en trouver, mais leur seule consommation ne suffit pas. Cela est également vrai pour les apports en fer et en vitamine B12, entre autres. 

Les nutritionnistes s’accordent sur le fait qu’il ne faille pas en abuser, bien que les mettre une à deux fois par semaine dans notre assiette n’ait pas une incidence si néfaste que cela. Comme tout produit transformé, l’idéal est que cela reste occasionnel. Le mieux reste de privilégier les produits bruts, comme le tempeh ( à base de soja fermenté), le tofu (lait de soja caillé), ou encore les légumineuses (lentilles, pois cassés, pois-chiches etc…). 

 

La Plume

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