Moi, Copé et Fillon

Moi, Copé et Fillon

Il est 23H44, nous sommes le 18 Novembre 2012 et ce dimanche n’est pas un dimanche comme les autres.

Pourtant, tout avait commencé normalement. Je prenais un café avec un ami et nous tentions, sans grande réussite, d’oublier le froid et le mauvais temps. Tout en discutant, je feuilletais les premières pages du Monde. Rien d’anormal : des guerres un peu partout, des morts à la pelle, un déficit monstrueux et des débats sociétaux à n’en plus finir… Mais, heureusement, ce soir il y avait mieux qu’un bon film, ce soir il y avait un match, un vrai. Le dernier du genre avait été violent – lieu : Reims ; date : le 22 Novembre 2008 -  et avait vu la victoire du poids lourd Martine Aubry au terme d’une lutte, que dis-je, d’une guerre dantesque de trois jours. Je n’en doutais pas, l’élection à venir serait passionnante.

De retour chez moi, je me précipite sur la télévision, l’allume… Ouf, je n’ai encore rien manqué. Il est à peine 18H et Copé et Fillon entrent sur le ring électoral, cette cage où se font et défont les destins en politique, pendant que dans toute la France des milliers de petits papiers dévoilent ce qu’ils ont de plus précieux : un nom.

Durant de longues minutes, les deux champions s’observent, se scrutent, mais rien ne se passe. Et puis tout s’accélère, Fillon fonce sur son adversaire. Pris au dépourvu, Copé encaisse un premier crochet, puis un deuxième, puis un troisième. Le constat est net : il vient de perdre les Alpes Maritimes. Bien que groggy, le maire de Maux attaque bille en tête et se rassure en gagnant sa ville. L’arcade ouverte, Fillon jette un regard brûlant à son opposant. C’est sûr, le combat va être saignant.

Soudain, à 21h29, les chiffres s’affolent, les calculettes chauffent : les arbitres annoncent Copé vainqueur pour quelques voix, immédiatement contredits par les auxiliaires assurant la victoire imminente de Fillon. Dans une ambiance surréaliste, les deux boxeurs déjà bien amochés se rendent coup pour coup. La brutalité du combat est extrême et ne le rend que plus beau. Le bruit sourd des poings fracassant les os et brisant les dents électrise la foule. Le ring est progressivement envahi par des supporters en délire ne pouvant manifestement plus contrôler leur joie. La confusion est totale : on ne distingue d’ailleurs plus les deux boxeurs si bien que les commentateurs sportifs assistent impuissants à un chaos indescriptible. Autour du ring, la tension monte, monte, monte, les entraîneurs s’énervent et en viennent à saisir les juges pour irrégularité. Et puis enfin, à 23h40, une clameur s’élève du ring, l’UMP a un vainqueur… Une liesse générale s’ensuit, embrassades à tout va, jetés de confettis, sourires éclatants, crises de larmes à gogo : oui, l’UMP a bel et bien un vainqueur. Mais qui ? Impossible à dire, personne n’a pu voir la fin du combat.

Il est 23H44, nous sommes le 18 Novembre 2012, je ne connais toujours pas le verdict et l’attente est insupportable. Non, c’est impossible, un si beau match, avec tant d’idées lumineuses, de nouvelles visions politiques, de promesses de lendemains qui chantent, ne peut finir ainsi… Pensif, je fixe distraitement les pages de pub qui défilent : dis-moi, Platon, aurais-tu raison ? La politique en démocratie ne serait-elle que sophisme ?

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