« L’épargne est rassurante : un fétiche contre l’insécurité », déclarait en 1956 l’écrivain québécois Jean Simard dans son roman Mon Fils Pourtant Heureux. Affirmation qui a toute sa place aujourd’hui, en pleine crise sanitaire et économique porteuse d’une double menace pathologique et financière. Pour contrer ses effets, on porte un masque, on met du gel et on épargne. En effet, la crise du Coronavirus a fait grimper le taux d’épargne des ménages. En France, il est passé de 14,6% au 4ème trimestre 2019 à 15,7% au 1er trimestre de 2020 d’après EUROSTAT. Dès lors, comment peut-on expliquer cette cause ? Le taux d’intérêt est-il le principal déterminant du taux d’épargne comme le stipulent nombre d’économistes ?
Un indicateur ambivalent
Le taux d’épargne se définit comme la part du revenu qui n’est pas consommée. Cet indicateur évolue au fil du temps en fonction de la conjoncture économique. Il est indéniable, que l’évolution du taux d’épargne des ménages trouve son origine dans plusieurs facteurs. Cependant, il n’existe pas de consensus dans le monde économique sur le poids de chaque facteur. Ce qui est certain, c’est le poids de l’épargne sur le fonctionnement de l’économie : pour de nombreux économistes, le taux d’épargne a une influence directe sur la croissance puisqu’il détermine, entre autres, le niveau de consommation des agents, variable de la fonction de production, qui détermine le PIB et donc la croissance.
Considérons les deux principales visions des courants de pensée économique dominants : les néo-classiques et les keynésiens. Pour les néo-classiques, le taux d’épargne n’est influencé que par le taux d’intérêt. Le taux d’intérêt est le coût d’opportunité de l’épargne. Lorsque le taux d’intérêt est élevé, le ménage a intérêt à épargner car cette épargne est fortement rémunérée. Les faits empiriques semblent montrer qu’il n’y a pas forcément corrélation entre ces deux variables.
Pour les keynésiens, le taux d’intérêt découle de la fonction de consommation. Si on reprend notre définition du taux d’épargne, on peut dire que la quantité épargnée est dépendante de la consommation : tout ce qui n’est pas consommé est donc épargné par le ménage.
Ce courant de pensée définit deux composantes de la consommation. La première est appelée la consommation incompressible, elle ne dépend pas du revenu et est constante. Cette consommation comprend tout ce que le ménage ne peut se résoudre à ne pas consommer. Cela comprend par exemple, la nourriture et le logement. Les faits empiriques montrent que durant la crise du coronavirus ces postes de dépense ont très peu varié. La deuxième composante de la consommation est celle qui dépend du revenu. Ainsi, quand le revenu varie alors la consommation qui dépend du revenu variera aussi. Empiriquement, les ménages français ont moins consommé que d’habitude. Ainsi, la thèse keynésienne reflète plutôt bien les variations de dépense et de consommation des ménages pendant la crise du COVID-19 et pourrait donc être la plus à même à expliquer la hausse de l’épargne durant cette période.
Cependant, ces deux théories dégagent-elles tous les éléments pour comprendre l’origine de cette hausse de l’épargne ? Le taux d’intérêt et la consommation seraient-elles les seules variables à privilégier ? Non, au contraire !
Le poids de l’avenir
Un autre facteur explicatif a été délaissé par les économistes néoclassiques et keynésiens. Il s’agit de la confiance dans l’avenir chez les ménages. Il est en effet nécessaire de comprendre comment les chocs de confiance impactent le taux d’épargne.
Dans un modèle qui fixerait le niveau de confiance comme déterminant clé de l’épargne dans l’économie, il faut considérer une situation en deux temps : tout d’abord, le ménage fixe un taux d’épargne qui omet la confiance dans l’économie. Dans un deuxième temps, le ménage incorpore la confiance dans la détermination de son taux d’épargne. Plus la confiance des ménages est élevée, plus ceux-ci consomment. Moins les ménages sont confiants envers l’avenir et le système productif, plus ils vont avoir tendance à épargner pour se protéger contre l’incertitude liée à la période qu’ils traversent. Il apparait ainsi que le niveau de confiance des ménages varie dans le même sens que la consommation et est inversement corrélé au taux d’épargne. Or, à long terme, le pessimisme des ménages (qui ne connait pas de limite !) n’aura aucun effet sur la hausse du taux d’épargne puisque celui-ci aura déjà atteint son maximum.
Ainsi même ce modèle, qui paraît pourtant comme le plus prometteur pour expliquer le taux d’épargne, connaît des limites dans son raisonnement. Que faut-il en conclure ?
Il est vain d’essayer de comprendre le taux d’épargne à travers des modèles qui ne prennent en compte que quelques variables. En effet, l’Homme ne fait pas que des choix calculés. Ainsi, pour comprendre réellement comment varie le taux d’épargne, il faut prendre en compte le plus grand nombre de facteurs. La réelle solution serait peut-être, plutôt que d’isoler des facteurs explicatifs, de les regrouper et de les confronter pour comprendre leurs effets concomitants.
Léna Stern, L2 LSO
Basé sur un article de Vincent Lhote pour Oeconomicus
Retrouvez la version longue de l’article sur le site d’Oeconomicus en cliquant ici : https://oeconomicus.fr/les-determinants-du-taux-depargne-des-menages-durant-la-crise-du-coronavirus/