Pourquoi la banque gagne-t-elle toujours ? Une histoire de casino et de probabilité

Pourquoi la banque gagne-t-elle toujours ? Une histoire de casino et de probabilité

18 ans. Le droit de vote, le droit de boire de l’alcool (officiellement), le permis et… les casinos ! Avec la majorité, c’est tout un champ des possibles qui s’ouvre. Alors, hop! Une fois les bougies soufflées, bon nombre des jeunes majeurs vont fêter ça au casino. Sauf que, dommage. L’argent prévu initialement pour l’achat de la voiture ou de ce super sac est parti en fumée. Et oui, la banque gagne toujours. Allons faire un tour du côté des probabilités pour en avoir le cœur net.

Nul besoin de faire durer le suspens, ce dicton est vrai. Je m’explique. La rentabilité des casinos repose sur le taux de redistribution (TRJ) qu’il affiche. Un taux qu’on calcule grâce à l’espérance (coucou les cours de DEGEAD). Il représente le pourcentage (basé sur la somme engagée) qui est directement reversé au joueur. En France le TRJ est fixé à 88 % aux jeux de table et entre 75 et 90 % aux machines à sous pour les casinos physiques. Qu’est ce que ça veut dire ? Au bout d’un certain nombre de parties, pour 1 € dépensé, vous gagnez en moyenne 0,88 centimes si le taux est à 88 %. Certains joueurs vont jouer de manière régulière sans jamais avoir de gros gains. D’autres vont avoir la chance d’empocher plusieurs milliers, voire plusieurs millions d’euros. Mais en moyenne, le casino gagne 12 % des mises totales des joueurs. Cela lui permet d’entretenir les lieux, et de payer ses salariés. Partant de ce principe, oui, la banque gagne toujours. Sinon tous les casinos de France et de Navarre feraient faillite ! 

48,6 % de chance de gagner 

Pour les jeux de hasard, vous l’aurez compris : tout est une question de probabilité… qui sont forcément en votre défaveur. Prenons l’exemple de la roulette. En arrivant à la table, vous vous dites sûrement : « j’ai une chance sur deux de gagner ! ». Et bien non. Désolée de vous décevoir. Il est possible qu’un zéro sorte au tirage, ce qui réduit vos chances à 48,6 %. Vous avez donc moins d’une chance sur deux de doubler vos gains. Pour les machines à sous, il s’agit d’un algorithme qui n’ouvre qu’une petite fenêtre de temps pendant laquelle un joueur peut gagner un prix. Après une courte série de victoires, la fenêtre se referme et le joueur perd la somme gagnée en quelques minutes.

La technique pour gagner ? À part s’arrêter au bon moment, je n’en vois aucune (mais j’attends vos suggestions). Le temps, c’est bien tout l’enjeu du casino. Qui ne rêve pas d’insérer quelques centimes dans une machine et de devenir millionnaire ? Ça, le casino l’a bien compris. Son seul but : vous faire rester le plus longtemps possible pour sans cesse réinjecter de l’argent, dans l’espoir de récupérer vos gains (voir plus). Absence d’horloges, de néons, des spectacles, pas de fenêtres… Tout est fait pour vous faire perdre la notion du temps et devenir accro. L’architecture elle-même est une sorte de labyrinthe. L’objectif ? Vous faire passer devant plus de machines et vous faire jouer. Les clients les plus vulnérables se feront offrir des verres (C’est sûr qu’avec trois mojitos dans le nez, c’est plus difficile de suivre au poker). Les meilleurs clients se feront offrir des nuits d’hôtel, des taxis… ou des voyages en jet privé ! 

Ne pas mise sur l’astro 

Le plus dingue, ce sont les croupiers. Attendez, ne me dites pas que vous pensiez vraiment qu’ils ne faisaient qu’animer la partie ? Sérieusement ? Tata Salomas est là pour vous. Imaginons que vous êtes un as poker. Le croupier va accélérer la partie. Résultat ? Vous êtes emportés dans l’euphorie du jeu, vous faites des erreurs à la pelle et adios le butin. En revanche, si vous êtes aussi doué au poker qu’en compta, le croupier va ralentir le jeu. Vous aurez alors l’impression de maîtriser le jeu et d’établir des stratégies (par contre en micro : ça ne marche pas. Même avec plus de temps, je n’ai personnellement toujours rien pigé). 

Malheureusement, on ne retrouve pas ces techniques qu’au casino. Prenons les jeux à gratter. Vous vous en doutez, le TRJ est là encore assez bas. Seulement 68 % pour l’astro. Un jeu réputé comme « gagnant ». En fait, c’est un peu plus compliqué que ça. Les jeux à gratter sont vendus sous forme de livrets. Chaque livret contient pour 150 € de tickets à l’achat. Dans ce livret, on peut espérer gagner 50 € de lots de consolation (de quelques euros), répartis sur plusieurs tickets. Il n’y a en revanche qu’un seul lot significatif ! Enfin d’une dizaine d’euros seulement, et très rarement au-dessus. Ce n’est donc même plus du hasard ! Mais tenez vous bien. Cette répartition, certains joueurs la connaissent bien. Alors dans les bureaux de tabac, on peut voir des clients prendre un livret entier (sans le payer). Et gratter, jusqu’à trouver le lot significatif. Ils ne payeront que ce qu’ils ont gratté. Au final, avec les petites sommes et le lot significatif, les tickets grattés sont en général remboursés. Sauf que, si vous passez après… Il ne reste quasiment que des lots perdants. Sympa…

Même Lucky Luck n’a aucune chance de gagner à la carabine

À la fête foraine, il ne peut rien vous arriver n’est ce pas ? Entre la barbe à papa, les auto tamponneuses, tout le monde s’amuse. Et bien, non. Là encore, la banque (ou plutôt les forains) gagnent toujours. Tout le monde le sait, le tir à la carabine : c’est du hasard. Toutes les carabines sont déréglées. Lucky Luck, si tu passes par là, sorry not sorry, mais tu vas perdre. Les paniers de baskets sont déformés, les barres de traction huilées,… Les machines à pinces je n’en parle même pas. Des algorithmes sont pensés pour modifier la sensibilité de la pince en fonction des lots dans la machine. Autant vous dire que pour gagner l’iPhone, la pression est inexistante. 

Mais alors, pourquoi les gens continuent-ils à jouer ? Tout simplement parce qu’ils sont optimistes. Ils pensent que le gain est proche. Sauf que, bien que notre cerveau soit une merveilleuse machine, il est NUL pour estimer les probabilités. Prenons un jeu à gratter. Avec un astro, vous avez 0,000089 % de gagner les 20 000 €. Sauf que ce chiffre… ne représente rien pour notre cerveau. C’est trop abstrait. Mais pour être plus claire, cela signifie qu’il faudra jouer en moyenne 1 million de tickets avant d’empocher le gros lot. A 2 € le ticket, pas certaine que ça soit une bonne opération. 

C’est ce qu’on appelle en réalité le biais de distorsion des probabilités. Quésaco ? Comme tous les bains cognitifs, c’est un mécanisme de pensée qui nous fait dévier d’un raisonnement rationnel. Le joueur surestime les probabilités positives par rapport aux probabilités négatives. Tout le monde fait l’expérience de biais, dans les jeux de hasard, comme dans la vraie vie. On aura par exemple tendance à croire que nous allons vivre plus longtemps que la moyenne. En revanche, un joueur addict aura tendance à encore plus surestimer ses chances selon l’article de R. Ligneul, « Shifted risk preferences in pathological gambling », paru dans Psychological medicine en 2012. 

Bon avec tout ça, j’espère que vous allez éviter de claquer votre PEL dans le Casino du coin, ou pour cette peluche chiot TROP mignonne. Promis, on en trouve une similaire  à Jouet Club.

Salomé Ferraris, M1 Journalisme IPJ

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