Entretien avec Laurent Batsch, président de la Fondation Paris-Dauphine

Entretien avec Laurent Batsch, président de la Fondation Paris-Dauphine

Depuis le 8 décembre 2016, date de la fin de son mandat de président de l’Université Paris-Dauphine, Laurent Batsch préside la Fondation Paris-Dauphine. Alors que celle-ci fêtera ses dix ans en avril, La Plume a interrogé M. Batsch sur son action à la tête de la Fondation. L’intégralité de l’entretien est à retrouver sur notre site www.laplumedauphine.fr

 

Pouvez-vous présenter la Fondation en quelques mots ?

La Fondation a été créée en 2008 afin d’accompagner l’Université Paris-Dauphine dans son développement et de lui apporter des ressources financières complémentaires en plus de son budget courant, grâce aux dons de particuliers et d’entreprises. En 2017 par exemple, nous avons collecté 3,4 millions d’euros et financé des projets pour 3,2 millions d’euros. Toutefois, la Fondation est une personnalité morale de droit privé, auditée par un commissaire aux comptes, et dont les recettes ne compensent pas les éventuels trous budgétaires de l’Université : il n’y a aucune consolidation budgétaire entre l’Université et sa Fondation. La Fondation a été construite sur le modèle des fondations d’entreprise. Cela nous permet de bénéficier d’une bonification fiscale et d’être reconnu d’utilité publique.

 

 

Comment s’est passée la transition de la présidence de l’Université à la présidence de la Fondation ?

J’ai toujours suivi avec attention l’évolution de la Fondation Paris-Dauphine, et lors de la fin de mon mandat de président de l’Université, ma connaissance des deux entités a été considérée comme un atout. Ces deux présidences n’ont pas d’équivalent. Je ne suis d’ailleurs pas salarié de la Fondation et la préside bénévolement en parallèle de mon activité de professeur universitaire.

 

 

Quels sont les liens entre l’Université et sa Fondation ?

Les liens entre l’Université et la Fondation sont très étroits. La Fondation n’a pas d’autre projet que de servir les ambitions de l’Université. Notre objectif est de mobiliser des fonds, de réaliser des programmes, de développer de nouvelles actions - un peu comme une pépinière – afin de les aider à grandir puis de les transférer à l’Université. Par exemple, le programme « Egalité des Chances » est financé par la Fondation mais désormais géré par l’Université. Ces ressources financières permettent aussi d’apporter des moyens humains nécessaires au déploiement des projets : c’est notamment le cas des permanents qui animent l’incubateur.

 

 

Quels sont les axes d’action de la Fondation ? Pouvez-vous citer des projets concrets pour les illustrer ?

Tout d’abord, la Fondation finance des chaires : ce sont des programmes de recherche et de publication menés conjointement entre l’Université et les entreprises.

A un niveau plus estudiantin, nous avons lancé le programme « Egalité des Chances » pour permettre à des jeunes issus de quartiers dits « sensibles » mais ayant le niveau scolaire adéquat de rejoindre Paris-Dauphine. C’est notre contribution à la mixité sociale ainsi qu’à l’ouverture du public étudiant à la diversité. Nous avons des partenariats avec vingt-sept lycées et soutenons financièrement leurs professeurs. Ceux-ci regroupent leurs « têtes de classe » dès la Première et leur fournissent un soutien pédagogique. Il n’y a ni discrimination positive ni procédure séparée d’admission. Nous permettons simplement à ces élèves de se familiariser avec l’enseignement supérieur et de perdre leur complexe face à cette voie qui leur apparaît parfois comme interdite : c’est aussi une façon de lutter contre l’autocensure.

De plus, dans un registre plus culturel, nous soutenons le départ de jeunes en mobilité internationale avec des bourses spécialisées, et proposons aux dauphinois une formation à la médiation culturelle pour participer à des événements, tels que La Nuit des Musées en mai, comme guides.

Enfin, la Fondation a choisi d’immobiliser du capital en achetant des logements étudiants et en les louant à des tarifs intermédiaires aux dauphinois boursiers. Cela nous permet d’obtenir un rendement du capital légèrement supérieur au rendement de trésorerie, et donc de viser l’autofinancement. Nous souhaitons autofinancer notre structure par nos propres moyens afin de consacrer tout l’argent des levées de fonds aux différents projets évoqués.

 

 

La moitié des ressources de la Fondation (3,4 millions d’euros en 2016) est allouée aux chaires de recherche, contre 1% à la culture, 5% à la mobilité internationale ou 14% à l’incubateur. Même si cette répartition s’est légèrement rééquilibrée depuis votre prise de fonction, pourquoi une telle faveur pour la recherche ?

La Fondation agit pour un haut niveau de recherche. Nous apportons aux enseignants-chercheurs un revenu complémentaire afin de concilier deux objectifs : la valorisation de la rémunération des enseignants-chercheurs ; le lien entre cette valorisation et leur cœur de métier, la recherche. Tout cela permettra d’améliorer le statut scientifique de Paris-Dauphine, d’où elle tire d’ailleurs en partie sa notoriété, notamment sur la scène internationale.

 

 

Quelle est la réalisation dont vous êtes le plus fier ?

Plus qu’une fierté individuelle et particulière sur tel ou tel projet, je tiens à saluer le travail très professionnel accompli par la directrice de la Fondation et l’ensemble de son équipe. Cependant, je serais très fier en cas de succès de la première grande campagne de levée de fonds qui sera organisée à la fin de l’année à l’occasion des cinquante ans de l’Université. Cinquante est à la fois un beau chiffre et un bel objectif, n’est-ce pas ?

 

 

La Fondation n’est actuellement financée qu’à hauteur de 20% par des particuliers, dont une majorité d’anciens étudiants. Comment comptez-vous rééquilibrer la donne par rapport à la somme apportée par les entreprises ?

Nous ne cherchons pas en soi à rééquilibrer les montants versés, mais ce déséquilibre illustre bien que nous devons augmenter la part des recettes provenant des particuliers, qui pourrait être plus importante. Afin d’y parvenir, nous sommes en train de consolider notre base de contacts et de collaborer étroitement avec Dauphine Alumni. Nous souhaitons créer du lien avec notre communauté, instaurer une communication régulière et offrir l’accès à des événements attractifs – petits-déjeuners, rencontres avec la Présidente, afterworks.

 

 

On constate une augmentation constante des dons (+30% entre 2015 et 2016). Qu’a la Fondation Paris-Dauphine de plus ou de différent des autres fondations d’écoles pour attirer les partenaires ?

Je dirais que la Fondation Paris-Dauphine est plus jeune que d’autres fondations, et redouble donc d’efforts pour expliquer aux alumni en quoi cette démarche de donateur est indispensable pour continuer à renforcer la valeur de leur diplôme. Nous avons récemment obtenu le label « Don en confiance » : c’est une preuve de qualité, de sérieux, difficile à obtenir. La Fondation Paris-Dauphine est la première fondation universitaire à l’avoir obtenu, et ses contraintes sont des forces de rappel permanentes. Ce label est un gage de bonne gestion que les donateurs doivent prendre en compte.

 

 

Quelles actions l’Etat pourrait-il mettre en place pour favoriser les projets philanthropiques comme les fondations universitaires ?

Je n’attends pas de soutien particulier de la part de l’Etat, mais nous étions soucieux que les conditions de déduction[1] de l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) soient maintenues par rapport à celles précédemment en vigueur sur l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF). Nous n’avons pas à nous plaindre : la déduction fiscale autorisée par l’Etat français est très correcte au regard de ce qui est autorisé dans des pays comparables. Notre souhait est donc uniquement que cela soit maintenu.

 

 

Quels sont vos objectifs d’ici la fin de votre mandat ?

Le premier est de doubler les recettes de la levée de fonds annuelle pour l’Université. Cela me paraît certes compliqué car nous avons besoin de toucher plus de particuliers qu’il faut ensuite convaincre, mais c’est un objectif raisonnable. Nous sommes obstinés et nous allons y arriver.

Le second est de doubler le bilan financier de la Fondation. Il est essentiel d’atteindre cet objectif pour autofinancer notre structure, et j’aimerais y parvenir avant de quitter la présidence de la Fondation.

 

 

Pouvez-vous définir ce que vous a appris la présidence de la Fondation en trois mots ?

Présider la Fondation m’a permis de rencontrer des personnalités généreuses, qui se sentent redevables à Paris-Dauphine. Les parents sont très fiers que leurs enfants étudient à Dauphine et deviennent donateurs car ils se rendent compte que leurs enfants sont contents de faire partie de l’Université. Quant aux diplômés, ils veulent rendre à Dauphine ce qu’elle leur a apporté. Pour répondre plus exactement à votre question, je dirais donc générosité, fierté et appartenance.

 

 

La question qu’on ne vous a pas posée et que vous auriez aimé qu’on vous pose ?

Je n’en vois pas, nous avons fait le tour de tous les sujets !

 

 

Entretien préparé et réalisé par Jonathan Cohen, DEGEAD2

Portrait réalisé par Philippe Nguyen, membre du Club-Photo de Dauphine

 

[1] 66% d’un don est déductible de l’IRPP dans la limite de 20% du revenu imposable, 75% de l’IFI dans la limite de 50 000€ et 60% de l’IS dans la limite de 0,5% du chiffre d’affaires

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