Le tour du monde : vous en rêviez ? Lui l’a fait !
Itinéraire d'André Brugiroux (1955-2016)

Le tour du monde : vous en rêviez ? Lui l’a fait !

Nous faisons tous les jours le tour du monde grâce à Internet et aux réseaux sociaux. Vous en rêviez ? Lui l’a fait ! Il s’agit d’André Brugiroux, le globe-trotter français qui a passé l’essentielle partie de sa vie à faire le tour du monde en stop. J’ai eu la chance de discuter avec cet extraordinaire explorateur qui a bien voulu nous raconter son histoire…

 

Né en 1937, André Brugiroux est un enfant de la guerre

 

« En 1955, on ne parlait pas de voyage, on reconstruisait le pays de la guerre. Personne ne sortait. Mon père n’est jamais allé plus loin que le bout de son jardin. Quand j’étais jeune, j’ai fait l’École Hôtelière à Paris et je voulais apprendre l’anglais. Mais à l’époque, je ne connaissais personne, et mon père ne pouvait pas m’aider. L’École Hôtelière a inauguré un stage en Ecosse. J’y ai vu l’opportunité de partir. À l’époque, je n’avais pas prévu de faire un tour du monde. Je suis parti à 17 ans avec 10 francs en poche et un billet de train que mon père m’avait donné puisqu’il travaillait à la SNCF. Je ne savais pas que mon périple durerait 18 ans. »

André commence sa fantastique quête en 1955 et elle s’achève en 1973. Au cours de ces années de voyage, André Brugiroux sillonne l’Europe où il apprendra l’anglais, l’allemand, l’espagnol et l’italien.

« Il n’y avait pas de chômage, je trouvais facilement du boulot dans les hôtels à l’étranger. J’ai fait tous les métiers possibles. J’étais même cireur de chaussures en Italie. Entre l’Espagne et l’Allemagne, j’ai passé deux ans au Congo en 1958 et 1959 pour le service militaire. Sans service, à l’époque, pas de passeport. Et sans passeport, pas de voyage ! Mais j’ai ainsi pu découvrir un nouveau continent. »

« À l’époque, il n’y avait pas de charters ou de guide touristique. Je ne savais donc pas où aller. Je suis donc allé au Canada. Je m’y suis installé pendant trois ans entre 1967 et 1969. J’y ai travaillé pendant 3 ans en tant qu’interprète. Par exemple, je ne savais pas que l’on payait mieux en Amérique du Nord qu’en Europe. Avec mes économies, j’ai finalement tenu 6 ans sur les routes. Je m’octroyais un dollar par jour. Je voyageais en stop. J’ai même fait du bateau-stop, de l’avion-stop. Je ne dormais jamais à l’hôtel et je voyageais seul. Ce n’était pas par amour de la solitude, mais pour aller à la rencontre des gens et mieux les comprendre. »

 

La Terre n’est qu’un seul pays : c’est avant tout un Tour des Hommes

 

André Brugiroux en Alaska - 1969

Ce premier chapitre s’achève avec l’écriture de son premier livre « La terre n’est qu’un seul pays » et d’un film documentaire tourné par ses propres soins. André Brugiroux a parcouru 400 000 kms en stop avec un dollar par jour à travers 135 pays du monde.

« Je dis que j’ai fait un tour des Hommes parce que c’est ce que j’ai réellement vu. Partout sur Terre, nous sommes tous frères. Moi je n’ai vu qu’une seule espèce humaine. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas l’aventure. C’est l’aventure qui me cherche et ne me rate pas. J’ai voulu rencontrer les Hommes du monde entier.

Ce tour des Hommes m’a conduit à aller vivre chez les hippies à San Francisco en leur temps, chez les bonzes à Bangkok, dans les écoles de yoga en Inde, chez les coupeurs de têtes à Bornéo, chez les trafiquants de pierres précieuses au Sri Lanka et à travailler dans un kibboutz en Israël, entre autres. »

À l’âge de 32 ans, lorsqu’il est en Alaska, André Brugiroux découvre les écrits bahá’íe. Il s’agit d’un plan administratif mondial écrit au 19ème siècle en Perse. Après son retour en France, l’explorateur expérimenté continuera de parcourir le monde pour visiter les pays qu’il n’avait pas encore vu lors de son premier voyage. Mais cette fois-ci, il est porteur de la foi bahá’íe qui proclame l’unité spirituelle de l’humanité. Il fait des aller-retours incessants hors de France allant de 6 à 8 mois chaque année pendant les trois décennies qui suivent, mêlant conférences et excursions.

 

Un homme né sous une bonne étoile

 

André Brugiroux en Arabie Saoudite - 2008

« Si vous me demandez de vous citer un souvenir, je ne saurais pas par où commencer. J’ai vécu des moments au cours desquels j’aurais pu mourir dix fois. Je me suis retrouvé par exemple, sept fois en prison. Soupçonné d’être révolutionnaire ou guérillero en Amérique du sud, espion dans les pays arabes et en Iran, pirate de l’air en Colombie… Je demandais parfois moi-même à dormir en prison mais dans ce dernier cas, je sortais le lendemain.

J’ai été déporté deux fois : c’est gratuit ! Je me suis retrouvé avec une baïonnette entre les deux yeux en Afghanistan, un revolver dans le dos en Jordanie, dix mitraillettes dans les côtes au Venezuela, aplati dans une école au Cambodge à 150 mètres d’une attaque des Khmers rouges… Il y a même un avion qui avait perdu son pilote qui s’est écrasé devant mes yeux. »

André Brugiroux dit avoir une bonne étoile, de la chance, la baraka, appelons-la comme on veut. De la Corée du Nord à l’Arabie Saoudite en passant par les îles les plus isolées du monde, il reste porteur d’un message de paix. Aujourd’hui, les quatre-vingts ans révolus, il a pris sa retraite. Grand père de trois petites-filles, il se plaît à se remémorer ses souvenirs les plus trépidants et partager son point de vue sur ses convictions au sujet de la foi bahá’íe.

 

Son dernier message à la jeune génération est optimiste…

 

« Je suis parti pour voir le monde. La vraie raison de mon voyage, hormis la curiosité d’esprit, c’est que je suis né avant la Guerre. Je voulais savoir si la paix était possible. Et j’ai découvert que c’était le cas. Aujourd’hui, la technologie a fait sauter les frontières. On est interconnectés, on est tous dans le même bateau. Mais les jeunes devraient sortir de leur zone de confort. Voir le monde, ce n’est pas se dorer la pilule au soleil du Club Med à Marrakech.

Il faut que les jeunes ne se remplissent pas la tête de préjugés. Qu’ils prennent leurs sacs à dos et partent réellement à la découverte du Monde. C’est une expérience fantastique et trépidante au-cours de laquelle on s’ouvre aux autres et l’on apprend à cultiver l’unité dans la diversité ».

 

Propos et images recueillis auprès d’André Brugiroux par Halimi Sophia

 

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