Les JO de Paris 2024, à quel prix ? 
Source: La Plume

Les JO de Paris 2024, à quel prix ? 

 

Après plusieurs candidatures ratées, Paris sera hôte des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. La métropole se transforme pour accueillir athlètes et touristes. Le budget flambe. La municipalité prône un événement “vert” aux gobelets en plastique interdits. Mais quelles en sont les conséquences concrètes, sur les plans politique et social ? Quel sera le réel prix des JO de Paris 2024 ?

Tout le monde en a entendu parler, Paris accueillera les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, du 26 juillet au 11 août prochain. Sur la place de l’Hôtel de ville s’étend déjà le logo des jeux, et la maire de la capitale en est ravie : « Je suis fière d’avoir porté cette candidature », confie-t-elle lors du dévoilement du parcours de la flamme olympique vendredi 23 juin.

C’est en 2017, le 13 septembre, que le Comité international Olympique (CIO) a désigné Paris pour accueillir les JO 2024, lors de sa 131e session qui s’est tenue à Lima au Pérou. Et c’est deux ans auparavant, le 23 juin 2015 que Paris dépose officiellement sa candidature à l’organisation des JO 2024. Toutefois,  la France n’a techniquement pas « gagné » son titre de ville organisatrice. En effet, alors qu’il ne restait que deux villes en lice, Paris et Los Angeles, de fortes négociations ont débuté entre ces dernières, jusqu’à l’abandon de Los Angeles, qui organisera les JO 2028. Paris a donc obtenu son titre, cent ans après la dernière désignation de la capitale comme hôte. La ville avait par ailleurs échoué à être désignée avec ses projets de Paris 1992, 2008 et 2012.

 

Réutiliser l’existant 

Qui dit Jeux Olympiques, dit stades, gymnases, piscines et autres. Paris semble bien s’en sortir à ce niveau-là : « Nous disposons déjà de plus de 90 % des équipements », affirme Anthony Piqueras, directeur technique de Paris 2024. Pourtant, un immense chantier est en cours dans toute la métropole pour accueillir les sportif.ves. Plusieurs infrastructures sont érigées, entre autres, un centre aquatique, “Aquatique Center”, construit à proximité du Stade de France; une nouvelle salle omnisports, “Arena Porte de la Chapelle”, pour accueillir des compétitions de sports de combat et de gymnastique et un nouveau centre de tir à La Courneuve, en banlieue nord de Paris. Le Stade Roland-Garros pour le tennis, le Parc des Princes pour le football, et le Vélodrome National de Saint-Quentin-en-Yvelines pour le cyclisme sur piste seront eux rénovés et modernisés. 

Le département de la Seine Saint-Denis est au cœur des chantiers. Il hébergera les sportif.ves dans le village des athlètes. “Le Village olympique et paralympique, actuellement en cours de construction, sera mis à disposition de Paris 2024 à partir du 1er mars 2024. Au-delà de son ambition de fournir un accueil optimal aux athlètes, le Village sera au lendemain des Jeux, un vrai morceau de ville pour les habitants de Seine-Saint-Denis, en symbiose avec exemplarité environnementale”, affirme Paris 2024. Le comité d’organisation des JO souhaite assurer ainsi la pérennité des infrastructures sportives une fois les jeux passés, contrairement aux abandons déjà observés dans d’autres villes. Par exemple à Athènes en 2004, plusieurs stades et installations sportives construits pour les Jeux Olympiques ont été sous-utilisés, ce qui a entraîné des coûts de maintenance élevés sans les revenus nécessaires pour les couvrir. Aujourd’hui de nombreuses constructions sont en ruine. Si la France semble plus prête, ou simplement plus riche, seul le temps nous informera du futur de ces constructions et de leur public. 

 

Développer les transports… à tout prix

Plus encore que les nouveaux bâtiments, la capitale et sa métropole comptent sur leur réseau de transports pour le bon déroulé des Jeux. « 100 % des spectateurs disposeront d’une solution en transports en commun pour se rendre sur chacun des sites de compétition », affirme Valérie Pécresse, présidente (LR) de la région Île-de-France. En plus des lignes (métro, RER, trams) existantes, les JO auraient dû être l’occasion de l’ouverture de nouveaux projets ferroviaires, du Grand Paris Express (GPE), au CDG Express. Le retard, notamment dû à la crise sanitaire, accumulé sur les chantiers du GPE empêche les principales lignes d’ouvrir à temps. La journaliste spécialisée des transports et de la mobilité, Emilie Defay, l’affirme : “Le tronçon sur la Ligne 16 Saint-Denis-Pleyel – Clichy-Montfermeil n’ouvrira qu’en 2026. La Ligne 17, jusqu’à l’aéroport du Bourget, là où sera situé pendant les Jeux le Village des médias, ne sera prête qu’en 2025. Mais le prolongement de la ligne 14 devrait arriver juste à temps. Au nord, la ligne automatique ira jusqu’au Village olympique à Saint-Denis-Pleyel, au sud, jusqu’à l’aéroport d’Orly, ce qui sera bien pratique pour les visiteurs.”. Quant à la ligne directe entre la Gare de l’Est et l’aéroport de Roissy, elle manquera aussi les JO, et sa mise en service est prévue pour 2027. Une déception pour la capitale.

Et question budget ? Pierre Rabadan, adjoint à la Maire de Paris en charge des Jeux Olympiques et paralympiques indique : « Le budget actualisé, avec la révision budgétaire qu’il y a eu (+15%), est de 8,3 milliards d’euros, sur lesquels il y a 20% d’argent public. Le reste est généré par des recettes de l’argent privé directement ». Il existe aussi un budget de dépenses annexes de plus de 400 millions d’euros. Le COJOP (comité d’organisation des Jeux Olympiques et paralympiques) annonce un bénéfice de 4,4 milliards d’euros. Et c’est sans compter les conséquences sur le marché de l’immobilier francilien. Les investisseurs étrangers se tournent vers Paris, de même pour les touristes qui, de plus en plus, achètent dans une région connectée par les réseaux de transports. Les prix de l’immobilier vont ainsi connaître une importante hausse dans les années à venir. 

 

Déceptions et désillusions

Mais qu’en est-il des conséquences concrètes ? Au-delà des promesses de “JO verts”, est-il réellement possible d’organiser un événement de telle envergure qui respecterait l’environnement et les populations présentes ? A un peu moins d’un an de la cérémonie d’ouverture, le bilan est plus que mitigé. Logements CROUS réquisitionnés, bétonisation, impact écologique des transports, coût des billets, généralisation de la vidéosurveillance et privatisation de services sont entre autres critiqués. En effet, si Paris a obtenu l’organisation de l’édition 2024 sur le projet d’un évènement “social” et ouvert à tous, de nombreuses populations se sentent aujourd’hui mises de côté. Les banlieues accueillent 13 des 26 sites franciliens, dont le village olympique et le village des médias. Pourtant, les habitants de ces zones ne pourront (ou que très peu) en profiter. Ils subissent ainsi travaux et nuisances depuis plusieurs années, pour un événement qui ne leur est principalement pas adressé. Un exemple est celui des jardins ouvriers d’Aubervilliers, menacés de destruction par le projet de construction d’une piscine olympique. Les quelques centaines de billets à bas prix sont une bien maigre compensation face aux concessions que ces populations ont dû faire. 

En allant plus loin, on peut se demander si les “bienfaits” des JO pour les banlieues et quartiers populaires leurs sont réellement nécessaires : si le but premier était effectivement de diffuser le sport au plus grand nombre, une compétition d’élite déconnectée des réalités concrètes est-elle le moyen le plus efficace ? Dépenser près de neuf milliards d’euros (partiellement public) pour des infrastructures qui, pour beaucoup, reviendront au privé, n’est pas au goût de tous. La piscine olympique de Saint-Denis, par exemple, sera à terme gérée par une entreprise privée. Au-delà de l’impact sur les populations, on ne peut taire les conditions de travail désastreuses sur les chantiers. Depuis le début des travaux, accidents du travail et scandales se succèdent. Comment cautionner un événement qui exploite des travailleurs sans papiers, a causé plus de 130 accidents du travail (selon Le Monde en juin 2023) et pour lequel un ouvrier a perdu la vie ?

 

Géopolitique et sport font-ils bon ménage ?

Tout autant que l’on veuille mettre l’amour du sport au cœur des Jeux Olympiques, cet événement est intrinsèquement politique. Pendant deux semaines, c’est au travers de leurs athlètes que les pays se mettent en compétition. Si les jeux de pouvoirs ne sont pas évidents, c’est qu’ils reposent sur le soft power. Pourtant, briller par l’excellence sportive permet aux pays d’asseoir leur domination et de s’imposer comme des puissances respectées au-delà de leur seul poids économique et militaire. La preuve en est les investissements colossaux de certains pays du Nord dans l’entraînement de leurs athlètes. En 2021, le comité olympique des Etats-Unis a par exemple déboursé près de 270 millions de dollars.

Ces différences d’investissement de la part des pays se retrouvent dans le palmarès : bien souvent, celui-ci est dominé par les mêmes pays. Etats-Unis, Chine ou encore Royaume-Uni ont en commun la relative facilité d’accès au sport, qui leur permet de produire des athlètes de facto mieux entraînés. Dans la même optique, il est bon de rappeler que Pierre de Coubertin, le créateur (français) des JO modernes souhaitait en faire un moyen de prouver que la “race aryenne”, et de façon plus générale les pays d’Europe, était supérieure…

 

L’existence d’une “Trève olympique”, et l’utilisation des JO comme moyen de propagande viennent ajouter à l’importance géopolitique de cet évènement. L’invasion de l’Ukraine par la Russie, quatre jours après la fin des JO d’hiver 2022, et les JO de Berlin en 1936, à la gloire du régime nazi, en sont respectivement des exemples. Paris souhaite briller grâce à ces Jeux, mais leur organisation révèle une réalité peu reluisante. 

 

La Plume

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