La bonne résolution ?

La bonne résolution ?

Enfin. Comme un mauvais élève qui se mettrait enfin à travailler, le football s’est enfin mis à la page et a, à l’instar de ce qui se fait en rugby, tennis, basket-ball et bien d’autres, permis à l’arbitre du match amical France-Espagne, de recourir à l’arbitrage vidéo en cas de litiges. Et on peut pour le moins dire que cela lui aura été utile, et que la physionomie du match aurait, sans doute, été bien différente sans cela. Pour avoir été au stade de France pendant le match, je peux témoigner de l’incompréhension et des errances presque logiques ou pour le moins compréhensibles qu’a connu cette innovation révolutionnaire mardi soir ; néanmoins je ne pense pas qu’il faille lui en tenir rigueur, voici pourquoi.

Parmi tous les débats relatifs au football, celui sur l’introduction de l’arbitrage vidéo dans le football déchaîne les passions, et enflamme les supporters ; le match de mardi soir ne les aura certainement pas mis d’accord.

Premier fait de jeu, la seconde mi-temps vient de commencer depuis peu. Les deux équipes sont encore dos à dos, le score nul et vierge. À la suite d’un centre ajusté de Jallet, et d’une bonne remise de la tête de Kurzawa, Antoine Griezmann place une tête décroisée que David De Gea ne parvient pas à repousser et pense alors ouvrir le score. Le stade explose. Il n’en sera en réalité rien, face à la décision de l’arbitre allemand du match, de recourir à la vidéo, pour confirmer que Layvin Kurzawa était en position de hors-jeu, et d’invalider légitimement le but. Refroidissement soudain et incompréhension en tribunes, c’est le jeu.

Deuxième décision litigieuse, alors que l’Espagne a déjà ouvert le score, par l’intermédiaire d’un penalty transformé par David Silva. À la suite d’un déboulé côté gauche de Jordi Alba, celui-ci adresse un judicieux centre à ras-de-terre qui file devant les buts de Lloris, avant que Gerard Deulofeu, ne propulse le ballon au fond des filets. Stupeur dans le Stade de France, avant de se rendre compte que le but est refusé pour une position de hors-jeu du buteur espagnol : soulagement. Là aussi, de courte durée, car après recours à la vidéo, l’arbitre central déjuge son assistant et valide le deuxième but espagnol, remarquant finalement l’erreur de jugement et du positionnement tout à fait licite de l’attaquant. Les Espagnols, qui avaient stoppé leur célébration, la repren, dans un Stade de France en folie. Moment assez étrange, mais intense.

Les Espagnols prennent ainsi un avantage de deux buts, qu’ils conserveront jusqu’à la fin du match, face à des Bleus dont la performance collective ne mérite pas que l’on s’attarde, sauf exceptions (un Gameiro remuant, un Mbappé explosif, un Koscielny solide…). Mais là n’est pas l’important.

J’ai en effet bien du mal à comprendre la persistance et l’entêtement des institutions internationales de football, et de nombreux supporters et/ou amateurs de ce sport, qui refusent contre tout l’assistance vidéo. Certains avancent l’argument selon lequel cela « dénaturerait » les émotions vécues. J’y opposerai le contraire, affirmant que, pour l’avoir vécu en direct, l’ascenseur émotionnel des supporters n’en est que plus intense, passant par exemple pour les supporters espagnols au moment du deuxième but, d’un état de joie intense, à un état de déception immense lors de son refus, puis par l’espoir accompagnant la demande de la vidéo, et enfin l’exultation de sa validation. Inversement bien sûr, pour les supporters des Bleus. Mais c’est là toute la beauté de ce sport, et du sport en général ; si ce n’est pas pour ressentir des émotions intenses et contraires, à quoi bon regarder un match de foot ? C’était déjà le cas avant, certes, à la différence fondamentale qu’à partir de maintenant, si cette résolution venait à être définitivement adoptée, l’ensemble des décisions arbitrales serait justifié et/ou légitime. Et c’est, à mon avis, une révolution fondamentale, importante, et nécessaire. D’autres, opposés à la vidéo, prétendront que le temps d’attente lorsqu’elle est demandée par l’arbitre « casse » le rythme de la rencontre et n’est pas propice au spectacle. Quid alors du rugby, du basket-ball, ou du tennis, qui ont mis en place depuis de nombreuses années le recours à la vidéo, sans pour autant que le spectacle offert, ou la popularité de ces sports n’en soit affectée, bien au contraire.

Il n’y pas de raisons valables, pour qu’au nom d’une prétendue primauté du spectacle, le football reste l’un des seuls sports, parmi les plus populaires, à ne pas faire confiance à cette technologie, pour prévenir toute décision arbitraire et injuste, qui, on le sait, ont marqué l’histoire de ce sport (« main de Dieu » de Maradona, main de Thierry Henry contre l’Eire…). D’autant plus que la « goal-line technology », système vidéo permettant à l’arbitre de savoir exactement si le ballon a entièrement franchi ou non la ligne de but, a été adopté ces dernières années et est maintenant utilisé dans les championnats les plus populaires au monde, anglais, espagnols, allemands et français en tête. Alors pourquoi, à l’heure de la modernisation de ce sport, continuer à refuser obstinément l’arbitrage vidéo ?

Tout n’a pas été parfait mardi soir dans l’arbitrage, certes, et la décision de non-utilisation systématique de la vidéo lorsqu’il s’agit d’accorder ou non un penalty reste, selon moi, dommageable et contradictoire. Mais il faut aussi savoir mettre, le temps d’une soirée, son chauvinisme de côté, pour reconnaître une chose : nous voilà face à une bien belle innovation technologique, qu’il est temps d’adopter, tant elle s’impose à ce sport et ne ferait qu’en améliorer l’équité !

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