Télescope James Webb, la lumière sur l’origine de l’Univers

Télescope James Webb, la lumière sur l’origine de l’Univers

Le déploiement du télescope spatial James Webb, le plus grand et le plus sophistiqué jamais envoyé dans l’espace, s’est achevé samedi. L’occasion d’expliquer le rôle du successeur d’Hubble, censé comprendre l’origine de l’Univers et de la vie. 

Trois. Deux. Un. Zéro ! Les soupirs de soulagement et les applaudissements ont résonné ce samedi dans les couloirs  de la Nasa à Baltimore (États-Unis). Et il y a de quoi ; Après deux semaines d’opérations périlleuses depuis son décollage, le télescope James Webb est totalement déployé. À 10 h 28 heure locale, la deuxième aile du miroir principal s’est ouverte avec succès. « La Nasa est un endroit où l’impossible devient possible », s’est exprimé, très ému, Bill Nelson, le patron de l’agence spatiale américaine. 

 

Impossible, c’est le mot. Il s’agit du premier déploiement dans l’espace d’un objet d’une si grande envergure. Le miroir primaire du télescope, d’environ 6,5 mètres de diamètre, soit trois fois celui d’Hubble, était même trop grand pour entrer dans une fusée lors du décollage. L’objet avait donc dû être plié comme un origami dans la coiffe de la fusée. 

Le bouclier thermique a été déployé - l’opération la plus périlleuse - en début de semaine. Le dépliage du miroir a, lui, été réalisé en deux étapes. La première aile s’est ouverte vendredi. La seconde, samedi. Et, après plusieurs heures de réglages par les équipes de la Nasa, l’observatoire « le plus grand et le plus sophistiqué jamais envoyé dans l’espace » est enfin sécurisé.

Une machine à remonter dans le temps

« D’où venons-nous ? » « Sommes-nous seuls dans l’Univers ? » Tant de questions auxquelles devra répondre l’explorateur de l’espace 2.0. Car l’objectif est simple pour le télescope JWST. Observer les premières galaxies, formées seulement 200 millions d’années après le Big Bang soit… 13,8 milliards d’années avant nous ! Hubble, son prédécesseur, n’a pas dépassé les 500 millions d’années après le Big Bang. Soit un écart de 300 millions d’années pour comprendre la formation de notre Univers. « Il nous manque quelques paragraphes clés sur ce tout premier chapitre de l’histoire », analyse Amber Straughn, astrophysicienne de la Nasa. Personne ne sait quand se sont formées les premières galaxies. L’enjeu est donc de taille : expliquer une étape clé de l’évolution de l’Univers. Celle où comme le dit Pascal Oesch, astrophysicien suisse, on a « allumé la lumière, quand les toutes premières étoiles ont commencé à se former ». Autrement dit, « l’aube cosmique ». 

 

Galaxies « beaucoup moins lumineuses », objets plus anciens, mais aussi nuages de poussières interstellaires qui absorbent la lumière des étoiles et les cachent des autres télescopes : James Webb va nous éclairer sur l’immensité sombre de l’espace. Mais malgré ces avancées, observer les premières étoiles semble encore impossible. Le télescope devrait analyser « les premières galaxies, qui portent la deuxième génération d’étoiles, ce qui nous apprendra peut-être des choses sur la première », précise Nicole Nesvadba, astronome au laboratoire Lagrange de l’Observatoire de la Côte d’Azur.

 

La Terre, unique ? 

L’exploration des exoplanètes, en orbite autour d’autres étoiles que le Soleil, est également sur le tapis. Près de 5 000 sont répertoriées, dont certaines dans des zones habitables - ni trop près ni trop loin de leurs étoiles. Mais elles restent méconnues des astrophysiciens. Le JWST devrait caractériser leur atmosphère et y détecter d’éventuelles molécules, comme la vapeur d’eau. Le but ultime étant de savoir « si notre Terre est unique ou s’il existe des planètes similaires, où les conditions seraient propices à l’apparition de la vie » explique Pierre Ferruit, co-responsable scientifique du télescope pour l’ESA, l’Agence spatiale européenne.

Les projecteurs de James Webb seront surtout braqués sur le système Trappist-1. Situé à 40 millions d’années de la Terre, il pourrait devenir notre « Terre bis ». Plusieurs critères sont déjà réunis : sept planètes, dont trois dans la zone habitable, et un « soleil » nain pas trop brillant. Le télescope géant devra donc examiner la situation du système plus en détail. 

Exoplanètes et origine de l’Univers, deux missions qui enthousiasment  les chercheurs. « C’est très compétitif pour obtenir du temps d’observation : rien que pour la première année de mise en service, l’ESA a reçu plus de 1.000 propositions », confie Pierre Ferruit. Une telle attente montre que « même après vingt ans, les questions pour lesquelles Webb fut conçu restent d’actualité ». D’autres observations sont au programme. Mars ou Europe - une lune de Jupiter. 

 

« Il est tellement puissant que si vous étiez un bourdon à 380 000 km d’ici, soit la distance Terre-Lune, on pourrait vous voir », selon le cosmologiste John Mather, l’un des pères scientifiques de la mission. Une vision hors du commun permise par une grande nouveauté : l’infrarouge. Hubble, notre bon vieux télescope, opère surtout dans la lumière visible et les ultraviolets. Impossible de voir à travers les nuages de poussière. James Webb, lui, fonctionne par infrarouge proche et moyen. Une longueur d’onde qui échappe à l’œil nu. Or, en astronomie, plus on voit loin, plus on voit il y a longtemps.

 

Pour comprendre l’infrarouge, suivez-le guide 

« L’infrarouge ». Derrière ce nom, se cache un concept simple. Le bruit d’un objet s’assourdit, à mesure qu’il s’éloigne. Pour la lumière, c’est la même chose. L’onde lumineuse s’étire quand elle s’éloigne et devient invisible pour l’Homme. C’est la fameuse fréquence infrarouge, la lumière qui rougit à mesure que la distance augmente. À cette fréquence, des éléments invisibles apparaissent. C’est le cas de certains gaz qui possèdent une signature spécifique en infrarouge. Comme la vapeur d’eau, le monoxyde de carbone et le méthane. Trois éléments qui pourraient témoigner de cette fameuse «activité biologique en surface» que recherchent les scientifiques. 

 

Une technologie loin d’être sans contraintes. James Webb doit travailler à l’abri des perturbations. Pour remédier à ce problème, il sera placé en orbite autour du Soleil, - et non autour de la Terre comme Hubble - à 1,5 kilomètres de la Terre. Soit quatre fois la distance de notre planète avec la Lune. Un point qui lui assure une position « avec la Terre, le Soleil et la Lune tous du même côté de son pare-soleil, ce qui le place dans l’obscurité et dans un très grand froid », a expliqué Pierre Ferruit.

 

Le début du voyage 

Ce point d’orbite final devrait être atteint dans dix jours. « Je suis heureux, excité, soulagé mais j’appréhende la suite, ça n’est pas terminé, ce n’est que le début », a déclaré à l’AFP Thomas Zurbuchen, le responsable de l’exploration scientifique à la Nasa. Car le télescope est loin d’être opérationnel. Outre ce point, pendant trois mois, chacun des 18 segments hexagonaux du miroir primaire devra également être ajusté au millimètre près. Les instruments devront également être calibrés et refroidis pour permettre au télescope de dévoiler les mystères de l’Univers. C’est seulement après toutes ces étapes minutieuses que la mission de James Webb commencera. Les premières images sont attendues pour le début de l’été. 

Et oui, il faudra encore attendre ! Mais avec le plus puissant des télescopes spatiaux, les astronaumes sont habitués. Si le projet a été lancé dans les années 1990, sa construction a seulement commencé en 2004. Son décollage a souvent été repoussé à cause de la complexité de son développement. L’été ne semble donc plus si loin après trente ans d’attente. 

Salomé Ferraris, M1 journalisme IPJ

 

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