L’émancipation, souvent familiale, est une étape clé de nos vies. Elle précède généralement une course pour atteindre le plus haut sommet possible. Comment concevoir cette étape de l’émancipation aujourd’hui ? Est-il réellement nécessaire de chercher à aller toujours plus haut ? Cet article explicite cette réflexion sur la base d’une certaine conception de notre organisation sociale, malgré les difficultés inhérentes à cet exercice.
Une société verticale
Aujourd’hui, plusieurs personnes partagent une vision linéaire et le plus souvent verticale de la société. Sans dénigrer ou vanter cette observation, force est de constater que la verticalité est omniprésente. Certaines expressions courantes se positionnent en effet dans ce sens, des individus qui se trouvent au « sommet de leur domaine » aux « plafonds » de verre qui bloquent des ascensions. De plus, le paradis chrétien ainsi que la résidence des dieux grecs sont historiquement confondus avec l’appellation « ciel ». A travers ces exemples, il semblerait que réussir sa vie soit synonyme d’élévation. Tel Icare, l’être humain désirerait toujours monter plus haut. Cette ascension vitale pourrait prendre plusieurs formes, certains cherchant à percevoir le plus haut salaire, d’autres à devenir le meilleur dans un domaine.
Il se trouve par ailleurs que dans notre monde vertical, celui qui maîtrise l’envol est roi. Le désir d’élévation de l’Homme se constate physiquement dans le fait de savoir voler. Les oiseaux, historiquement associés à la liberté, reflètent alors efficacement cette idée. Ils sont en effet maîtres de la verticalité. Il est commun d’employer des expressions faisant référence aux oiseaux pour évoquer la liberté et la facilité à parcourir la droite verticale de la vie. On parle facilement de ce qui nous « donne des ailes », de pouvoir prendre « son envol » ou encore de « quitter le nid familial ». Les oiseaux gagnent leur liberté et leur capacité de s’émanciper par l’envol.
L’émancipation humaine
Un parallèle entre l’ascension humaine et l’ascension aviaire est possible car l’émancipation est importante dans ces deux cas. L’une des étapes les plus marquantes pour prendre son envol se trouve être le départ du domicile familial. Il est souvent nécessaire de s’affranchir de nombreux éléments de notre passé pour s’envoler car dans une certaine mesure, l’autorité parentale est liée à une privation de liberté. Dès lors, la fin de la période de vie permanente avec nos parents est souvent synonyme de liberté et permet un nouveau départ dans la course verticale de la vie.
Maintenant, il serait intéressant de pousser la comparaison. Est-il possible d’imiter nos confrères volatiles et réellement prendre un envol total ? On porte effectivement presque toute notre vie la trace de notre éducation et de nos années passées non émancipées. Toute la philosophie déterministe voit par exemple en nos origines et nos expériences la cause de nos actions. Notre vie non émancipée déterminera très probablement une partie de notre caractère.
De plus, le fait de s’émanciper ne peut résulter que d’une seule volonté. Par exemple, en droit romain l’émancipation ne pouvait aboutir que si le père (pater familias) brisait par lui-même le lien qui liait son enfant à la famille. L’enfant ne pouvait de lui-même briser ce lien et se déclarer émancipé. Même si aujourd’hui cette règle n’a plus force de loi, une personne qui souhaite s’émanciper de son passé rencontrera des difficultés si son entourage ne le voit pas de la même manière.
Ainsi, de nombreux paramètres sont à prendre en compte dans notre émancipation humaine et son aboutissement complet est presque impossible. Quitte à être plus ou moins marqué de son passé, il faudrait le plus possible en tirer des leçons pour s’envoler sereinement. Afin de concevoir les meilleures plumes possibles, puiser dans nos expériences et celles de nos proches semblerait alors la meilleure solution. D’autant plus qu’aujourd’hui, on peut avoir tendance à inclure davantage de flexibilité et d’arrondi dans nos conceptions de la société (changements de carrières, modèles d’économie circulaire…) ce qui nous amènerait à choisir la destination qui nous convient le plus et non pas la plus élevée possible.
La Plume