Télévision : la vraie révolution est-elle déjà là ?
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Télévision : la vraie révolution est-elle déjà là ?

Alors que la coupe du monde a permis à TF1 de rassembler plus de 17 millions de téléspectateurs lors d’un match, la tendance globale est plutôt à la baisse, voire à la forte baisse pour les chaînes de télévision. Phénomène nouveau ou réel changement de consommation ? 

Impossible d’être passé à côté de la vidéo virale de Squeezie face à Ardisson sur le plateau de Salut les Terriens ! « J’imagine que ça doit vous faire bizarre de découvrir un vieux média qui s’appelle la télévision ». Symptomatique d’un vrai malaise entre les deux canaux de diffusion, le monde du divertissement en ligne s’est retrouvé opposé à celui de la télévision. D’un côté, les chiffres des plateformes telles que YouTube ou Twitch explosent depuis plusieurs années. De l’autre, ceux du petit écran stagnent de plus en plus et se concentrent maintenant sur deux grands domaines : l’information et le sport. Mais alors, le divertissement est-il en train de changer à jamais ? 

Intéressons nous aux deux poids lourds du divertissement en ligne : YouTube et Twitch. Filiales de Google et d’Amazon, les deux s’ancrent sur des formats jusqu’alors peu exploités par la télévision. Les vidéos sont relativement courtes, les pubs beaucoup moins omniprésentes, les intervenants proches de la caméra… Avec respectivement 2,2 milliards d’utilisateurs et 17,5 millions de visiteurs par jour, les plateformes ont vu la valeur de leurs actions s’envoler. Leur particularité ? Pouvoir consommer du contenu sur n’importe quel appareil, quand on veut, où on veut et surtout le type de programme que l’on veut. Fini le zapping de chaînes ou les somnolences devant des jeux télévisés inconnus. A partir de maintenant, on s’abonne, on like, on ajoute à des playlists !

Alors pourquoi une telle ascension des contenus en ligne ? Tout d’abord, il faut comprendre que la télévision et les plateformes ne marchent pas de la même manière. Tandis que les chaînes du petit écran se concentrent sur des parts de téléspectateurs, des programmes pouvant attirer le plus de monde et des tranches horaires qui correspondent à nos habitudes, les géants du net possèdent une arme secrète : l’algorithme ! Celui qui se veut secret et unique est en fait la cause principale de ce succès. La force de Netflix, Prime Video ou Youtube est de pouvoir proposer du contenu adapté à chacun. Prenez le téléphone de votre sœur ou de vos parents et vous verrez que leur page d’accueil est bien différente de la vôtre. Tout est fait pour vous plaire : les publicités sont ciblées, les vidéos correspondent à ce que vous aimez, les suggestions se rapprochent de ce que vous regardez déjà… Le but est de vous faire rentrer dans une bulle de confort dont vous ne sortirez jamais. 

Mais penser que les seuls contenus regardés en ligne sont des unboxing ou des jeunes jouant aux jeux vidéo serait réduire le phénomène à une vision presque ‘boomeriste’. YouTube n’est pas le seul à proposer du contenu quasi illimité qu’il est possible de regarder n’importe où et n’importe quand. Depuis maintenant presque une décennie, les plateformes de streaming débarquent à vitesse grand V dans l’hexagone. Avec un large panel (Netflix, Prime Video, MyCanal, Disney+), comment ne pas céder ? Le vaste catalogue permet à chacun de regarder ce qui lui plaît, en passant de petits films indépendants à de réels blockbusters reposant sur des budgets colossaux. L’arme la plus efficace serait donc la quantité ? Et bien si l’on regarde les dernières cérémonies récompensant les meilleures séries et films, pas seulement. Parmi les Emmys ou Oscars, on a pu voir jaillir des chefs-d’œuvre tout droit sortis de Netflix ou OCS, avec, pour n’en citer que deux, Marriage Story et The White Lotus

Du côté de YouTube ou Twitch, le contenu n’est pas non plus à la ramasse. De grosses productions émergent, comme le très récent ‘GP Explorer’ de Squeezie (une course de F4 avec une vingtaine de participants). Et c’est peut-être là la vraie révolution. Nous sommes face à de réels créateurs de contenus. Il est possible de laisser des commentaires, de liker, de se ‘sub’ et ainsi rémunérer le créateur. Le chat est aussi principal sur Twitch. Tous ces éléments provoquent chez le viewer ou l’abonné une image de proximité avec le créateur de contenu. Vous vous sentez sans doute plus proche de Squeezie ou Cyprien que de Laurent Delahousse. Les youtubeurs et streamers interagissent avec leur communauté alors que les présentateurs, eux, présentent. Cette notion est ici centrale. Sans communauté, impossible de vivre de son contenu. 

Malgré tout, certains codes télévisuels perdurent et viennent même s’appliquer à des programmes sur Twitch. En effet, un format est particulièrement populaire dans la section ‘Just Talking’ : celui des talk-shows. D’un point de vue extérieur, tout ressemble à un plateau de télévision : horaires du soir, chroniqueurs, thématiques par jour, écrans géants, invités… Les spectateurs sont pourtant bien différents de ceux présents devant les JT ou émissions-débat. La raison ? Des thématiques nouvelles, des acteurs du streaming en  chroniqueurs et des invités du web. 

La transition vers les canaux moins traditionnels a aussi pu se faire grâce à certains évènements et rendez-vous qui ont su montrer l’importance de la communauté. Parmi eux, l’annuel ‘Zevent’. Cet évènement caritatif consiste en un marathon de streaming afin de collecter des fonds pour des associations. Il a réussi à lever plus de 10 millions d’euros ces deux dernières années. Des figures publiques (Emmanuel Macron, Alain Chabat…) ont félicité les organisateurs qui ont su réunir presque 600 000 viewers. Exit l’image d’ado se filmant devant GTA ou LoL toute la nuit au profit de celle de toute une génération voulant proposer un format novateur.  

Longtemps boudées par les personnes publiques, les plateformes sont aujourd’hui vues comme un moyen d’aller chercher les plus jeunes. Dans certains domaines, il s’agit d’un véritable vecteur de communication : politique, promotion de marque, de collectivités… Le dernier exemple en date : Emmanuel Macron et sa foire aux questions sur YouTube. La cohabitation avec le web serait donc essentielle pour se diriger vers de nouveaux spectateurs. Et certains l’ont très bien compris : Samuel Étienne anime les soirs ‘Question pour un champion’ sur France 3 et les matins une revue de presse sur Twitch. Pourtant en décalage avec la majorité des contenus déjà proposés sur la plateforme, le format a su se faire une place et continue d’attirer bon nombre de viewers.  

Que nous réserve le divertissement pour les années qui viennent ? La guerre est-t-elle déclarée entre télévision et internet ? Seul l’avenir pourra nous le dire mais l’heure est aujourd’hui à la consolidation. Les plateformes en ligne investissent en masse et tentent de se confirmer une place dans l’univers de l’audiovisuel. Mais elles font face à des obstacles de taille comme la chronologie des médias (un film sorti au cinéma ne peut arriver sur une plateforme qu’au bout de 36 mois) ou la limitation de leurs programmes originaux dans les cérémonies (Oscars, Césars, BAFTA…). La télévision, elle, s’organise. Depuis plusieurs années, les investissements pour la production de programmes originaux ont augmenté de manière drastique. Ainsi, France Télévisions et TF1 ont produit ces dernières années des programmes au grand succès dans l’hexagone mais pas seulement : ‘Dix pour cent’ et ‘HPI’ ont récemment été exportés. 

L’heure semble aussi être à la coopération. Les deux programmes ont finalement trouvé leur place au sein des catalogues des plateformes : ‘HPI’ est maintenant disponible sur Disney+ et ‘Dix pour cent’ sur Netflix. Une solution efficace pour assurer la pérennité des deux mondes ? A en croire les chiffres, le système permettrait d’attirer différents groupes de spectateurs, tout en augmentant les bénéfices. La fin de la télévision telle quelle, physique, est sans doute inévitable mais les acteurs de l’audiovisuel d’aujourd’hui pourraient bien être ceux de demain, avec des investissements massifs et une restructuration de l’offre. 

By La Plume, Dauphine 

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