Mercenaires : le business de la guerre privatisée

Mercenaires : le business de la guerre privatisée

Aujourd’hui, on constate la présence de vraies multinationales de la guerre dans tous les points chauds de la planète. Cette sous-traitance de la guerre est de plus en plus apparente, elle permet aux Etats de prendre part à des conflits plus secrètement et de défendre des intérêts sans compromettre leurs engagements internationaux. Qui sont ces soldats à la solde de chefs d’Etats étrangers et de sociétés privées plus ou moins douteuses ?  

Le profil du mercenaire et ses missions

Le mercenaire du 21e siècle est-il à l’image de sa représentation dans les fictions, une tête brûlée aguerrie au maniement des armes et des techniques de combat, vivant en marge de la loi et dont le seul but est l’appât du gain ? Certains contractors, autre nom donné aux mercenaires, rentrent dans cette définition, mais ce n’est globalement pas le cas. Aujourd’hui, il s’agirait plutôt d’anciens professionnels souhaitant entamer une carrière dans le privé ainsi que des personnes familières de la guerre n’ayant pas d’autre perspective (les mercenaires syriens par exemple). De plus, les sociétés qui emploient ce genre de personnes ont souvent une image de marque à défendre, elles ne vont donc pas s’aventurer à engager des psychopathes qui risqueraient de détruire leur réputation. 

Durant l’apogée du mercenariat moderne (dans les années 2000 pendant les guerres d’Irak et d’Afghanistan), les mercenaires étaient employés pour mener des opérations défensives, de sécurité ou de logistique, mais très rarement pour des missions offensives. Par exemple, pendant la guerre d’Irak, lorsque l’armée américaine était en première ligne, les contractors menaient des opérations de déminage. Aujourd’hui, ils mènent encore principalement des missions de sécurité, mais également des opérations à l’avant du front. On revient donc aux missions de base qu’exerçaient les mercenaires à l’origine.

 Des sociétés paramilitaires assez douteuses

Symbole de la privatisation de la guerre, ces sociétés paramilitaires jouissent d’un boum économique depuis les années 2000. Selon le centre d’analyse britannique VisionGain, le marché des SMP1 pèse 200 milliards de dollars en 2020 et devrait dépasser les 450 milliards en 2030. Toutefois, elles sont souvent sources de polémiques et de scandales. Les sociétés américaine Blackwater (désormais appelée Academi) et russe Wagner sont les plus célèbres, mais ne se sont pas illustrées par leur sens de l’éthique. Par exemple, Blackwater, créée en 1997 par Erik Prince, est connue pour le massacre à la mitrailleuse en 2007 de 17 civils irakiens sur la place de Nisour à Bagdad. Son fondateur, Prince, l’a revendue depuis, mais reste un personnage reconnu dans le milieu de la barbouzerie. Il se distingue notamment par sa présence aux Emirats où il a contribué à constituer une armée secrète pour défendre les pipelines du régime et réprimer l’opposition, en Chine où il a été appelé par le parti pour protéger ses routes de la soie et « rééduquer », d’après les mots du gouvernement chinois, les Ouïgours ou par ses plans pour renverser Maduro au Venezuela. 

Quid des Etats ? 

On pourrait se demander pourquoi des Etats si puissants militairement font appel à des mercenaires à la place d’envoyer leurs propres soldats. D’abord, cette configuration permet de nier tout engagement officiel dans un conflit, de se libérer de toutes contraintes institutionnelles. Par exemple, les Russes et les Turques ont pu intervenir en Libye sans être vraiment mis en cause par l’ONU qui y défend la non-ingérence. Cela permet aussi de diminuer considérablement les coûts : pas de frais de formation ou de soldats au repos. Enfin, cela permet d’avoir plus de liberté pour mener une politique extérieure. En effet, la mort de mercenaires au combat aura moins d’impact aux yeux de la population que celle de soldats de l’armée nationale. Ainsi, tout le monde y trouve son compte. 

Il y a des risques toutefois, les Etats pouvant perdre la main. Effectivement, les mercenaires ne sont liés aux Etats que par un contrat, ils n’ont aucune attache et peuvent aller voir ailleurs si des opportunités plus intéressantes se présentent. Par exemple, Erik Prince, le fondateur de Blackwater n’a eu aucun problème à proposer ses services à la Chine, pourtant ennemie des Etats-Unis. Enfin, à force de déléguer, les armées régulières pourraient se déliter et être incapable d’assurer la sécurité de leur pays. 

Antoine Gaudin, L3 EIF

(1) SMP : sociétés militaires privées

 

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