Pour en finir avec le sexisme

Pour en finir avec le sexisme

L’année dernière, des révélations venues tout droit d’Hollywood concernant le tout puissant producteur Harvey Weinstein ont chamboulé le monde entier en dénonçant enfin les agressions sexistes subies par de nombreuses actrices.

Elles ont été suivies par une véritable libération de la parole féminine grâce, notamment, aux hashtags #MeToo et #BalanceTonPorc. Cette initiative de la part des internautes a permis à de nombreuses femmes de témoigner des agressions qu’elles subissent au quotidien. Mais elle a surtout amené la question de l’omniprésence d’actes sexistes aujourd’hui dans nos sociétés.

Sur le terrain du droit des femmes, on observe d’importants progrès

En France, c’est aujourd’hui 68 % des femmes de 15 à 64 ans qui travaillent. Le taux d’activité féminin est ainsi sur le point de rattraper celui des hommes qui s’élève à 76% pour la même tranche d’âge. Par ailleurs, les filles sont plus diplômées que les garçons puisqu’en 2015 elles représentaient 55% des étudiants. On observe également une montée des cadres femmes, en effet d’après l’Insee, sur 100 jeunes cadres, on comptait 49 femmes en 2013 contre 41 en 2001. Les mentalités aussi ont évoluées : aujourd’hui, seulement un individu sur cinq considère que le rôle de la femme est de rester à la maison pour élever les enfants. Enfin, des avancées politiques notables ont radicalement amélioré le quotidien des femmes avec bien sûr le droit de vote en 1945, mais aussi la loi de 1965 qui permet aux femmes mariées de gérer leurs propres biens et d’exercer une activité professionnelle sans le consentement de leur mari, ou encore la loi Veil qui autorise l’IVG en 1975. Tout ceci combiné à un taux de fécondité assez élevé (1,88 enfants par femme en 2017), on pourrait penser qu’il n’y a aucun problème. Les femmes françaises ont la possibilité d’étudier, de fonder une famille et de travailler, que demander de plus ?

Les suffragettes, place de la Bastille en mai 1935.

En surface on ne voit en effet pas l’existence et la persistance d’un ensemble d’attitudes discriminatoires qui maintiennent les femmes dans une situation d’oppression. L’ensemble de ces actes qui se manifestent par des inégalités tenaces, du harcèlement ou des agressions perpétuent la domination des hommes sur les femmes. Car oui, nous évoluons dans une société profondément sexiste. (Le système patriarcal qui permet à l’homme de maintenir son autorité dans tous les lieux de socialisation est à l’origine de ce sexisme profondément ancré dans les mentalités.) Femmes comme hommes, nous avons tous intériorisé un ensemble de comportements qui valident le sexisme.

Les manifestations du sexisme sont parfois violentes, ce qui les rend visibles. Tout le monde en France s’accorde à dire qu’il est anormal qu’en 2018, dans certains pays, les femmes aient encore besoin d’un tuteur masculin, que l’on marie les petites filles de force, que l’excision continue d’être pratiquée ou qu’une femme sur trois dans le monde ait déjà été abusée sexuellement ou battue au moins une fois dans sa vie.

Qu’en est-il de la situation dans notre propre pays ?

Nous l’avons vu, des progrès importants en matière d’égalité ont été faits, mais le spectre du sexisme ordinaire et intériorisé menace encore la mise en place d’une société qui offre le respect et les mêmes opportunités pour les deux sexes.

Le sexisme s’observe dans divers milieux plus ou moins intimes. La famille est ainsi le lieu de nombreux actes sexistes. La femme a tenu jusqu’au XXème siècle trois rôles bien distincts qui sont celui de la mère, de l’épouse et de la ménagère. Aujourd’hui cette vision archaïque tend à changer mais la femme est encore très souvent rattachée à la personne qui tient le foyer et élève les enfants. On peut l’affirmer en regardant les chiffres concernant les congés maternité/paternité : lors d’une naissance, c’est une mère sur deux qui réduit ou cesse temporairement son activité contre un père sur neuf. La place de la femme dans le couple (ici, on évoquera les couples hétérosexuels) est également une question épineuse. En 2017, 30% des victimes d’agressions sexuelles ont été violentées par leur conjoint. Le consentement reste toujours une notion floue pour certains hommes et même certaines femmes qui ne réalisent pas qu’elles ont peut-être été elles-mêmes un jour violées.

La rue est aussi un milieu hostile pour les femmes.

Pourtant destinée à n’être qu’un lieu de passage, il s’avère que de nombreux hommes se permettent d’interpeller de « jolies demoiselles » pour leur rappeler à quel point elles sont « bonnes » et, si elles ne répondent pas, qu’elles sont repoussantes. Là encore, la question du consentement refait surface. S’il n’y a pas consentement, alors il s’agit de harcèlement, ce que de nombreux hommes n’ont toujours pas assimilé. Les hommes sont encore bel et bien « les rois de la rue », comme le démontre la mise en place d’urinoirs en plein air par la ville de Paris cet été, permettant aux hommes, qui ne peuvent bien évidemment pas se retenir, de se soulager en pleine rue et en toute propreté, pendant que des femmes passent devant eux en attendant bien sagement de trouver des toilettes.

 

La relation qu’entretient la femme avec son propre corps est également révélatrice d’une société qui l’oppresse.

La femme est en quelque sorte dépossédée de son corps : celui-ci appartient aux hommes, il se dessine pour satisfaire à un idéal établi par ces derniers. Quand ce n’est pas l’industrie du porno qui véhicule une image de la femme parfaite, épilée, maquillée et prête à faire toutes sortes d’exploits pour satisfaire ces messieurs, c’est Instagram ou bien encore la presse féminine qui entretient l’idée que la femme doit correspondre à un certain idéal. De manière contradictoire, lorsqu’il s’agit de contrôler les grossesses, le corps de la femme lui revient tout à coup. Car en effet, pour raisons d’effets secondaires indésirables (les mêmes que risquent les femmes avec la pilule aujourd’hui), la pilule pour homme n’est pas prête à être commercialisée. Le corps de la femme est ainsi contrôlé par la société de manière plus ou moins évidente. Au naturel, il interpelle au mieux, dégoûte au pire. En 2018, Youtube, une plateforme se voulant pourtant ouverte, a ainsi été accusé de démonétiser plusieurs vidéos évoquant la sexualité ou le corps des femmes.

La femme est toujours victime du sexisme sur son lieu de travail.

Dans les grands chiffres, le sexisme fait déjà des ravages puisqu’on observe que seulement 17% des métiers sont mixtes et qu’il existe un écart de rémunération entre les hommes et les femmes de 27%. Sur le terrain, il s’observe à travers le sexisme hostile qui catégorise clairement les capacités de chacun en fonction de son genre, le sexisme masqué qui se manifeste par un temps de parole limité pour les femmes en réunion ou par des blagues sexistes (exemple : « Elle fera jolie la p’tite Marie devant le point de vente à côté du panneau, ça attirera les clients ») et enfin le sexisme bienveillant qui est beaucoup plus fourbe car il reconnait des qualités aux femmes qui l’astreignent à certains rôles (la femme douce en RH, l’homme ferme comme PDG).

Mais pourquoi le sexisme existe-t-il toujours ?

À cause d’archaïsmes fondés sur des stéréotypes de sexe assimilés dès l’enfance (la poupée pour la petite fille, la boite à outils pour le petit garçon). Ainsi lors de sa conférence « Le sexisme ordinaire : du déni à la mise en visibilité », Brigitte Grésy explique comment la vision binaire opposant masculin et féminin nourrit le sexisme. En effet, de cette opposition en naissent d’autres (doux/sévère, actif/passif…) qui défavorisent systématiquement le pôle féminin. On peut prendre pour exemple la princesse (passive) attendant son prince charmant (actif). On voit donc bien la nécessité d’éduquer la jeunesse pour qu’elle envisage une palette de choix, large, ouverte à tous, qui dépasse ces oppositions.

Le sexisme ordinaire peut avoir des conséquences graves, allant de la perte de confiance en soi, à l’auto-exclusion, l’autocensure, la discrimination basée sur le sexe, les agressions sexuelles et pour finir le viol.

Pour lutter contre le sexisme, il est nécessaire d’établir en premier lieu une égalité de droit. Celle-ci est en net progrès. Mais également une égalité de fait : la pratique doit suivre la théorie. Cela passe par une éducation des plus jeunes, une sensibilisation, une définition claire des manifestations du sexisme (harcèlement, agression, viol), une vigilance plus importante notamment dans les entreprises, un soutien des victimes et des femmes entre elles à travers des réseaux où la parole peut être plus libre.

Lutter contre le sexisme est donc une nécessité pour atteindre l’égalité entre les hommes et les femmes. Il touche les femmes comme nous l’avons vu mais aussi les hommes. Dans le but de l’éradiquer, il est donc important d’avoir en tête que si les hommes et les femmes ne sont pas faits pareil, ils peuvent faire la même chose et ont aussi bien l’un que l’autre le droit au respect.

 

SOURCES

https://www.20minutes.fr/high-tech/2278507-20180527-youtube-accuse-systematiquement-demonetiser-videos-evoquant-sexualite-corps-femmes

https://www.nouvelobs.com/societe/20171212.OBS9169/mais-c-est-votre-mari-madame-le-viol-conjugal-l-ultime-tabou.html

https://www.insee.fr/fr/statistiques/1281361

https://www.amnesty.ch/fr/themes/droits-des-femmes/faits-chiffres-et/faits-et-chiffres

http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/droits-femmes/chronologie/

https://www.courrierinternational.com/article/2017-lannee-qui-libere-la-parole-des-femmes

Conférence de Brigitte Grésy : « Le sexisme ordinaire : du déni à la mise en visibilité »

Cet article a 1 commentaire

  1. Un super article, qui traite de sujets importants. Il est très bien écrit!

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