La désillusion du gaz de schiste

La désillusion du gaz de schiste

Quelques explications sur le gaz de schiste.

Les gaz de schiste sont des particules d’hydrocarbure. Du gaz et du pétrole de schiste sont contenus dans des trous comprimés à l’intérieur d’une roche, appelée roche mère, à 3000-3500 mètres de profondeur sous le sol. Pour extraire l’huile de schiste, la seule procédure efficace connue consiste en une fracturation hydraulique. Pour libérer les hydrocarbures contenus dans la roche mère, on doit la briser en injectant des produits appelés proppants avec des grains de sable, de façon à maintenir les failles dans la roche et de l’eau sous pression à partir de la surface. L’ensemble de ce qu’on a injecté est réaspiré et en surface une machine fait le tri entre le gaz et l’eau qui n’est plus bonne à la consommation.

 gaz de schiste

[Interview de François-Jean LEROY, professeur d’Histoire Géographie en Essonne et militant contre les gaz de schiste réalisée le 6 décembre 2014]

Pourquoi avez-vous commencé à militer contre les gaz de schiste ?

Je ne connaissais pas les gaz de schiste avant d’apprendre l’existence de cette ressource par un ami. Je me sens concerné par le traitement de ma planète, c’est normal. Si on pouvait éviter de foutre la merde, ça serait pas mal! A la base, je ne suis pas un militant écologiste, mais je voulais comprendre pourquoi cela constituait un problème. J’ai assisté à une conférence et j’en suis sorti horrifié. J’ai mené mon enquête et ce que j’ai découvert était encore pire que ce que j’avais entendu lors de la conférence! Je ne m’attendais pas à être confronté un jour aux gaz de schiste, à une question qui me rapproche si près de la mort du monde dans lequel je vis.

Ces techniques d’extraction posent-elles des problèmes environnementaux?

Le liquide d’extraction contient 99 produits cancérigènes. On ressort une grande partie de ces produits cancérigènes avec une eau de ce fait inutilisable. On ouvre dans le sol des piscines gigantesques que l’on bâche et on y verse cette eau de fracturation en attendant qu’elle s’évapore. Mais le déchet se répand dans l’environnement quoi qu’il arrive, car les bâches ne sont pas correctement étanches. L’eau contenue dans ces piscines contient des métaux lourds et de l’uranium naturel remonté à la surface. D’autre part, une fois la fracturation terminée, le gaz continue de s’évaporer dans le tuyau et passe dans la nappe phréatique. A cause de nombreuses fuites, se déversent dans l’atmosphère des centaines de milliards de mètres cube de méthane, un gaz à effet de serre extrêmement lourd. Enfin, le traitement du gaz et du pétrole nécessite environ 300 camions par jour ce qui implique une forte consommation de CO2.

N’y a-t-il pas des risques sismiques provoqués par la fracturation hydraulique?

En Angleterre, des essais de fracturation hydraulique ont cessé, parce que le nombre et l’importance des tremblements de terre sur l’échelle de Richter ont augmenté dans des zones non sujettes aux tremblements. Tant qu’aucun scientifique n’aura produit la preuve exacte que la fracturation hydraulique a provoqué des secousses sismiques dans le sol, on ne pourra pas l’interdire.

Comment vous opposez vous à la fracturation hydraulique?

Notre collectif en Essonne réunit 40 à 50 personnes. La première manière de lutter, c’est d’informer le public, de montrer des images de fracturation hydraulique en Pologne, au Québec, aux États-Unis. Il faut lutter contre l’idée ancrée dans l’inconscient collectif, que le pétrole crée des richesses et des emplois. Notre collectif explique aux personnes qui se rendent aux réunions qu’elles sont en train de faire leur malheur, de se mettent en danger, en ne s’opposant pas contre les gaz de schiste.

La communication avec les médias est difficile: en général ils ne sont intéressés que par le catastrophisme, à l’inverse notre collectif est pour une éducation à l’intelligence. Au niveau politique, ce sujet brûlant mériterait une action citoyenne, avec des candidatures à divers échelons électoraux, en commençant par les élections départementales de 2015. Je suis prêt à me présenter à ces élections pour faire évoluer les choses au sujet des gaz de schiste.

Le 14 juillet 2014, François Hollande affirmait lors d’une interview qu’il n’y aurait pas d’exploitation de gaz de schiste en France tant qu’il serait Président. Est-ce réellement le cas aujourd’hui?

Il faut absolument faire la différence entre exploitation et exploration. Les permis d’exploitation sont refusés parce qu’une loi de 2011, la loi Jacob interdit la fracturation hydraulique, mais aucune loi n’empêche les permis d’exploration. A ce jour, 115 permis d’exploration ont été délivrés en France. Pourquoi des entreprises rachèteraient-elles des puits en fin de vie à des sommes astronomiques si ce n’est pour attendre que la loi change en 2017 (fin du mandat de François Hollande) et vérifier s’il y a de l’huile de schiste. Même si la loi ne change pas en 2017, ils attendront la dernière pièce du piège, la réforme du code minier, en cours, qui facilite les permis d’exploration.

Compte tenu de la situation économique de la France, l’exploitation de gaz de schiste ne pourrait-elle pas représenter un enjeu stratégique?

C’est un enjeu stratégique, mais les conséquences de l’exploitation du gaz de schiste ne sont pas bien mesurées. L’argent ne profite pas aux citoyens et il n’y a pas assez d’emplois à la clé. Au regard des conséquences environnementales, tellement graves, le nombre d’emploi n’a aucun intérêt. Le gaz de schiste n’est pas une chance pour la France. C’est une chance pour les propriétaires des structures qui se mettent de l’argent dans les poches comme le fait l’entreprise Vermillon Energy. C’est la mauvaise direction, ça ne vaut pas le coup. Pour chaque puits de schiste, il y a un demi emploi créé et le contribuable doit payer les routes, les arrêts maladie et, quand l’exploitation sera terminée, assumer le nettoyage et la remise en état d’un environnement probablement inutilisable dans les trois, voire quatre, prochains siècles.

Un gaz de schiste écologique, du moins une fracturation écologique est-elle envisageable dans les années à venir?

Aujourd’hui, il n’y a rien qui soit en capacité de remplacer le pétrole brut. Toutes les expérimentations de fracturation et de production énergétique coûtent plus cher à produire que le pétrole. La seule énergie intéressante serait l’énergie éolienne. Construire une éolienne grand format coûte cher, mais en quelque décennies, ce coût est rentabilisé, il n’y a aucun doute à ce sujet. Seulement, on ne sait pas stocker ces énergies. Le talent du communicant autour du gaz de schiste, c’est de faire croire que le gaz de schiste représente l’avenir, alors qu’en réalité, il accélère la fin de notre monde.

Quelles seraient les alternatives aux gaz de schiste?

Les énergies vertes sont des alternatives aux gaz de schiste, à condition que la production ne nécessite aucune consommation d’hydrocarbure et n’induise aucune conséquence environnementale catastrophique. Dans les Pyrénées orientales, des chercheurs du CNRS ont installé un système de four solaire qui concentre les rayons du soleil dans une seule zone. Les rayons du soleil sont captés sans que l’on ait besoin de panneau solaire. Mais le discours ambiant va à l’encontre de ces initiatives.

Cet article a 1 commentaire

  1. Toujours a l’écoute …

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