Les Républicains : la nécessité d’un remodelage de la Droite Française

Les Républicains : la nécessité d’un remodelage de la Droite Française

Les Républicains, le parti de Droite en France. Chose qu’il semble importante de rappeler tant ce parti reste assez hétérogène. Suite aux divers litiges rencontrés par le parti depuis le début de l’Affaire Fillon, un problème fondamental doit être réglé : celui des idées. Il est surprenant d’avoir François Fillon (le conservateur) et Nathalie Kosciusko-Morizet (la libérale) au sein du même parti politique. Raison pour laquelle il faut deux droites en France.

Avant de faire une distinction entre conservateurs et libéraux, il convient de rappeler d’où vient la Droite d’aujourd’hui. En France, notre système politique est binaire avec une opposition entre la Gauche et la Droite. Cette-dernier est plurielle et divisée en trois courants, comme l’a démontré René Rémond en 1958 :

-          Une droite légitimiste, issue de la contre-révolution, soucieuse de promouvoir une conception organique, hiérarchique et anti-égalitaire. Ses penseurs sont Louis de Bonald (1754-1840, élu à l’Académie française en 1816) ou Joseph de Maistre.

-          Une droite orléaniste et libérale qui accepte le drapeau tricolore et le rôle du parlement, qui met l’accent sur le rôle des notables.

-          Une droite bonapartiste, celle de Napoléon III qui met l’accent sur le rôle d’un chef, sur la faiblesse des corps intermédiaires et sur le recours au peuple – avec le recours au plébiscite. Une droite assez libérale sur les questions économiques et qui favorise l’emploi, la croissance et les performances industrielles.

Nous avons donc la droite bonapartiste autoritaire, l’orléaniste libérale et modernisatrice et la légitimiste, conservatrice et nostalgique de la royauté absolue. Trois droites qui continuent d’influencer la scène politique française actuelle, notamment lors des primaires de la Droite et du Centre de 2016. Avec le bonapartisme autoritaire de Sarkozy, l’orléanisme libéral de Juppé et le conservatisme légitimiste de Fillon, les trois familles de la droite étaient rassemblées lors des primaires. Clairement, Nicolas Sarkozy est dans la veine autoritaire et bonapartiste dont les ingrédients populistes et le dédain des corps intermédiaires font intimement partie. Alain Juppé appartient à la catégorie orléaniste avec son souci de réformes qui ménagent à la fois l’économie et les classes populaires. Echoirait donc à François Fillon la case légitimiste, malgré ses professions de foi appuyées de libéralisme.

Trois droites qui occupent chacune le pouvoir à un moment de l’Histoire de France. Pourquoi ne pas avoir deux droites, l’une conservatrice et l’autre libérale ? L’absence d’un parti conservateur nuit à la scène politique française en dispersant cet électoral entre plusieurs partis. La Primaire de 2016 démontre que Les Républicains rassemblent un éventail trop large d’électeurs et il devient important de faire le bilan idéologique des deux droites. Les conservateurs ne se sont jamais organisés au sein d’un même parti politique en France, alors que les libéraux commencent à se souder pour promouvoir leurs idées. Si les conservateurs sont timides à adopter cette pratique c’est qu’ils peinent à faire des concessions.

A l’instar des pays anglo-saxons ou germaniques, les conservateurs français sont volontiers excessifs. Version Zemmour ou catholique, ils détestent le libéralisme sous toutes ses formes. Aujourd’hui, la droite française est un mélange de bonapartisme, de proximité avec les grandes entreprises et de républicanisme. Certes, elle peut avoir le sens de la bonne gestion, et elle a mené des réformes importantes. Mais qu’en est-il des courants habituellement associés à la droite, le conservatisme et le libéralisme ? Ils sont absents. Ils se développent donc à la marge, hors du parti. Cette configuration, présente depuis le XIXe siècle, a empêché la droite de construire un vrai parti conservateur au sens britannique, à la fois libéral et conservateur. Le Parti conservateur britannique a su le faire. Certes, la Grande-Bretagne n’est pas la France – son régime parlementaire est très développé, et les idéologies conservatrices et libérales ont des racines profondes.

Résultat, il possède aujourd’hui une colonne vertébrale solide, mais aussi une très grande diversité de positions intermédiaires. Le résultat est que les conservateurs français sont éparpillés dans plusieurs partis politiques : une majorité d’entre eux sont chez Les Républicains mais on en trouve aussi au Parti Chrétien Démocrate et chez Debout la France. Le Front National rassemble également la frange de la population exaspérée par le chômage et « l’insécurité culturelle » : ils sont donc libéraux sur le plan économique et conservateur sur celui des mœurs. On peut donc parler de conservateur même si le terme exact serait plus libéral-conservateur à l’image de ce qu’il se passe Outre-manche. Le problème fondamental c’est que le parti Les Républicains s’obstine à masquer son conservatisme, chose qui remonte à la Révolution Française où les premiers opposants à la Révolution, les «conservateurs» donc, étaient des réactionnaires qui voulaient rétablir la monarchie. La Droite s’est donc désignée comme « contre-révolutionnaire ». Elle a toujours eu du mal à se désigner comme « conservatrice ». Hors, dans l’Etrangeté française, Philippe d’Iribarne stipule qu’il y a deux France. L’une est universelle, absolue, égalitaire ; l’autre est faite de hiérarchies, de groupes sociaux, de terroirs. Même si cette dernière ne s’appelle pas conservatrice, elle l’est profondément.

A quand une Droite conservatrice française capable de faire une distinction entre les questions économiques et sociétales ? Il semblerait que cette scission soit en train de se produire avec Jean-Frédéric Poisson et François Fillon qui on su incarner un conservatisme sociétale tout en prônant plus de libertés pour les acteurs économiques. Reste à définir à quelle échelle ce libéralisme doit avoir lieu : soit au niveau national avec moins de bureaucratie et des mesures fiscales assouplies pour les petites, moyennes et grandes entreprises. Soit à l’échelle internationale avec moins de frais de douanes, tarifs et quotas aux frontières du pays pour faciliter les importations et exportations (le rapport de la France à l’économie mondialisée en somme). Aujourd’hui, la Droite Conservatrice opte pour le premier et se montre réticente à poursuivre l’insertion du pays dans la mondialisation. Elle la critique en pointant du doigt la montée en puissance des inégalités, la hausse du chômage dans les pays industrialisés (due aux délocalisations). La dimension écologique est parfois rappelée mais elle reste surtout exploitée par la Gauche. La prochaine étape ? Scinder Les Républicains en deux pour rallier les conservateurs au sein d’un unique et grand parti.

Un parti de réactionnaires ? Non, distinguons le réactionnaire du conservateur. Un réactionnaire avance dans la vie en regardant dans le rétroviseur. Le conservateur, lui, accepte- la mort dans l’âme, certes! - que le changement est inhérent aux sociétés humaines. Son obsession est donc de distinguer le changement légitime du changement illégitime, et d’adoucir les effets du changement.  En ce sens, il accepte le changement si les trois conditions suivantes sont remplies: si la situation présente est objectivement négative ; si l’innovateur supporte la charge de la preuve - c’est à celui qui veut changer d’apporter la preuve de sa légitimité, pas à celui qui veut maintenir une situation présente convenable - ; si enfin le changement ne crée pas de rupture insupportable avec la norme ou la culture majoritaire. De fait, un conservateur au sens politique du terme, veut préserver un arrangement social et politique qu’il estime le meilleur possible, parce qu’il a passé l’épreuve du temps - une sorte de processus d’ «essai-erreur» répété. Pour résumer, il convient de citer le philosophe britannique Michael Oakeshott (1901-1990)[i] qui synthétise la pensée conservatrice, « Être conservateur est une disposition qui sied à l’homme particulièrement conscient d’avoir quelque chose à perdre et qui lui tient à cœur. […] Être conservateur, alors, c’est préférer le familier à l’inconnu, l’éprouvé à l’inédit, le fait au mystère, le réel au possible, le limité à l’illimité, le proche au distant, le suffisant au surabondant, le convenable au parfait, et la joie présente à un utopique bonheur. Les relations et les loyautés familières seront préférées à l’attrait d’attachements plus utiles ; acquérir et agrandir importera moins que garder, cultiver et aimer ; la douleur de la perte sera plus aiguë que l’excitation de la nouveauté ou de la promesse.» Une définition assez proche du conservatisme britannique dans laquelle il faudra changer le rapport à l’Etat pour être plus proche des spécificités françaises. L’Etat en France possède un pouvoir symbolique bien plus grand qu’au Royaume-Uni. Le conservatisme français politique aurait ça de différent qu’il garderait la légitimité de l’Etat sans pour autant écraser la société civile.

Symétriquement, les libéraux pourront faire de même en rassemblant l’UDI (Union des Démocrates Indépendants) de Jean-Christophe Lagarde et le PLD (Parti Libéral Démocrate) d’Aurélien Véron. Une partie non négligeable des Républicains est assimilable à la Droite Libérale. Pourquoi ne pas, à l’image d’un parti conservateur, créer un parti libéral qui rassemblerait la totalité de ces petites factions politiques ? Les libéraux peinent à se faire entendre en France, notamment à cause du rôle prépondérant de l’Etat dans la société. Si l’on prend un point de repère, depuis la création des Etats-Unis, la France a connu cinq constitutions républicaines, trois monarchies, deux empires et des régimes qu’il est difficile de classifier : Vichy et le Consulat. Ces régimes bouleversent la scène politique française en modifiant le rôle de l’Etat dans la société. Sous les Deux Empires, le rôle de l’Etat se développe et il est mis au service des citoyens. Il ne s’agit donc pas de régimes libéraux au sens anglo-saxon du terme. Néanmoins, le véritable tournant étatique se situe au XXième siècle était le Régime de Vichy, très bref dans l’Histoire Française mais qui implante l’Etat dans chaque composante de la vie des français. Pour en savoir plus sur le libéralisme en France, vous pouvez lire un de mes autres articles sur ce sujet (lien ici). Si les libéraux peinent à rencontrer un franc succès en France c’est parce qu’ils font l’erreur de vouloir expliquer la société uniquement en termes de droits, en niant le fait que nos rapports aux autres sont bien plus complexes. Le conservatisme, lui, refuse la fausse alternative entre l’Etat et l’individu : ainsi, le conservateur ne dira pas que les individus «peuvent faire ce qu’ils veulent pace qu’ils sont libres», ni que «l’Etat est la seule autorité à pouvoir permettre et interdire, et doit en user sans limite».

En bref, créer un Parti Libéral constituerait une véritable tournant dans la vie politique française avec une volonté de modifier le rôle de l’Etat, de réduire une bureaucratie très lourde et de permettre au pays de renouer avec une vieille histoire, celle de sa pensée libérale. Et être libéral ne veut pas nécessairement dire faire l’apologie du capitalisme. Historiquement, le capitalisme originel était fondé sur une morale très stricte. Les premiers capitalistes, les protestants puritains, n’avaient pas grand-chose de libertaire. Leur ardeur au travail venait de leur vertu et de leur foi. Un vrai conservateur doit prendre acte de tout ce que le libre échange apporte à une société : la richesse, l’innovation, la créativité. Le libre-échange n’est donc pas exclusivement réservé aux libéraux.

Si la Droite Française prend le chemin d’une séparation, la Gauche devra également se réformer. Pour cela, je propose de nous attardez sur la distinction de deux notions : libéralisme et progressisme. Deux notions en réalité distinctes. Si la Droite peut être libérale, le progressisme est plus un terme qui caractérise la Gauche Française. Sur l’échelle politique en usage à notre époque, le progressisme est ce qui lui est le plus souvent opposé. Celui-ci tire sa signification du concept de progrès, définit comme une amélioration quant à la condition humaine, en général. Le progressisme correspond alors au cheminement vers ce but ultime, que l’on dit être du « progrès de la condition humaine, pour le plus grand nombre ». Par cela, il est fondamentalement un utilitarisme et un humanisme. S’il y a contrat social, passé entre les hommes, celui-ci consiste à orienter l’effort de la société dans le but d’améliorer la condition de tous, parfois par le sacrifice de chacun. Il est, comme le conservatisme, à l’origine d’une doctrine que l’on dit « progressiste » et qui consiste à user de l’appareil de l’État afin d’accélérer la marche dite « du progrès » vers ce but.

Par nature, le progressisme, en tant qu’état de fait, n’est pas contradictoire du conservatisme. Il est ainsi possible de se dire progressiste et conservateur, à l’exclusive condition que le premier soit conditionné par les principes du second. Face au progressisme, le libéral n’a que deux réactions possibles : Il se définit comme utilitariste et va donc se faire progressiste. Comme il peut ne pas l’être, auquel cas, il ne l’acceptera que s’il se plie à certains principes fondamentaux. En dehors de quoi, il sera au moins aussi opposé à son application que n’importe quel conservateur, doctrinaire ou pas.

Si les deux notions ne s’avèrent pas contradictoires (progressisme et conservatisme), elles restent rivales et l’on peut dire sans faire erreur que si une part du monde est conservatrice, l’autre est progressiste. Elles partagent cependant un certain nombre de points communs : une fixation marquée quant au concept de devoir, un attachement quant à la notion de civilisation et la conception d’une société comme étant obligatoirement résultante d’un contrat social. La Gauche progressiste pourrait donc partager un certain nombre de valeurs avec la Droite Conservatrice.

Pour une meilleur vie politique en France, scinder le parti Les Républicains avec une branche libérale et une branche conservatrice permettrait à un véritable débat d’idées d’avoir lieu. Fini les alliances pragmatiques et oui à des partis clairement distincts sur le plan idéologique pour défendre les intérêts du peuple.

[i] Brillant philosophe, je vous conseille la lecture de son ouvrage, « Du Conservatisme ».

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