« Marche ou crève. » La devise de mon lycée du 16ème m’avait peut-être prédestinée à tomber dans le culte toxique de la productivité et de l’optimisation, encore appelé « hustle culture ». Nombreux sont sûrement les étudiants dans une situation similaire, à écouter des podcasts éducatifs ou à suivre des MOOCs du MIT au lieu de voir leurs amis, faire du sport, ou simplement se reposer. La Plume vous propose de décrypter cette mentalité aliénante.
Productivité toxique : de quoi parle-t-on ?
Peut-être vous réveillez-vous à cinq heures du matin, enfilez vos chaussures de sport pour courir une trentaine de minutes avant de lire votre quatrième livre du mois en sirotant un smoothie au chou Kale et d’aller en cours en écoutant un podcast Bloomberg. Peut-être restez-vous à la BU jusqu’à 22 heures alors que le semestre vient de commencer. Si vous vous reconnaissez dans ces différents exemples plus ou moins extrêmes, il se peut que vous soyez en proie à la hustle culture.
Par hustle culture, ou productivité toxique, est visé le besoin irrépressible chez un individu de se sentir productif en tout temps et à tout prix, besoin qui risque d’avoir des conséquences négatives sur sa santé physique et mentale. D’autre part, la hustle culture promeut l’idée selon laquelle il y a toujours plus d’argent à gagner, un meilleur poste ou une promotion à assurer, enfin, des sommets plus hauts à atteindre. La métaphore suivante illustre l’esprit de la productivité toxique : le succès arrive lorsqu’on le désire autant que de l’oxygène quand on se noie.
Productivité toxique : de la Silicon Valley à YouTube
La hustle culture est apparue dans les années 2000, relayée par les géants de la Silicon Valley tels que Google et Amazon, connus pour leur culture du travail intense. En effet, de nombreuses entreprises de la Silicon Valley se sont développées grâce aux fonds de venture-capital, des acteurs exigeant un travail acharné des quêteurs pour être convaincus (selon Nick Srnicek, professeur d’économie digitale au King’s College London).
Il s’en est suivi une vague de contenus promouvant une hyperproductivité et donnant des astuces pour transformer sa vie et connaître le succès. En passant par des livres tels que Deep work de Cal Newport (2016) ou Side hustle : comment transformer votre temps libre en 1000$ par mois ou plus de Nick Loper (2019), par des chaînes YouTube comme celle d’Ali Abdaal et Lavendaire et par des podcasts comme The Tim Ferris Show ou The Diary of a CEO, le nombre de contenus ayant attrait à la productivité a explosé au cours des deux dernières décennies.
L’intention derrière ceux-ci est loin d’entraîner leurs consommateurs vers un mode de vie où la productivité et l’optimisation règnent de manière malsaine. Au contraire, Ali Abdaal, un youtubeur connu pour ses vidéos de conseils pour gagner en efficacité, considère le gain en productivité comme un moyen de passer plus de temps sur des activités qui nous rendent heureux. Cependant, le fait de voir ce que d’autres font ou prétendent faire et de pouvoir se comparer à eux entraîne chez certains individus le sentiment d’être en retard et de devoir être plus productif. Ils consomment ensuite plus de contenus du même genre et s’ensuit un cercle vicieux.
Sortir de la roue du hamster
Plusieurs facteurs favorisent le développement d’une mentalité toxique autour de la productivité chez les individus, dont le perfectionnisme, le syndrome de l’imposteur et des difficultés financières. Par ailleurs, les personnes qui attachent leur valeur en tant qu’individus à leur succès académique ou professionnel présentent plus de risques de tomber dans ce schéma.
Cependant, depuis la crise de la Covid-19 et l’essor du télétravail, un changement de paradigme s’opère : les gens veulent reprendre la main sur leur temps et avoir une vie épanouie en dehors du travail, quitte à accepter un salaire moindre afin de gagner en qualité de vie. Est également apparu le concept de « soft life » dans la pop culture, un style de vie qui prône le confort et la relaxation avec le moins de stress possible.
La Plume