Trump, le jour d’après

Trump, le jour d’après

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“Everything we thought we knew about politics was wrong” (“Tout ce que nous pensions connaître de la politique était faux”) titre The Nation. La stupéfaction, l’inquiétude et l’incompréhension dominent les unes des journaux du monde entier aujourd’hui. Cette victoire marque finalement la troisième grande surprise électorale de l’année après le référendum sur le Brexit et le “Non” au processus de paix en Colombie. Anderson Cooper résume bien cet échec des prédictions des médias américains - mais pas qu’américains - lorsqu’il lâche vers minuit sur CNN “Mais qu’est ce qu’on a tous loupé ?”

Gueule de bois journalistique

Malgré un resserrement certain de l’écart entre Trump et Clinton ces derniers jours, The New Yorker pariait encore hier à 85% sur une victoire de Clinton. Le tweet en début de soirée de Clinton “Quoiqu’il arrive, merci pour tout” annonçait la couleur. Toute la nuit, CNN a pourtant essayé de se rassurer, de garder espoir, examinant comté par comté les swing states, à l’origine favorables à Clinton (Pennsylvanie, Wisconsin, Caroline du Nord ou encore la Floride), avant de se résoudre à faire face à la réalité : Donald Trump sera le 45ème président des Etats Unis. Comment cette victoire a-t-elle pu échapper aux médias ?

Tout d’abord, le mode d’élection américain (un tour, système pour 48 états sur 50 du “winner takes it all”, aucun système de proportionnelle dans l’élection des Grands Electeurs) est très versatile, surtout dans les fameux swing states où la couleur politique de l’état peut se jouer à quelques milliers de votants. Le nombre de Grands Électeurs l’emporte aussi sur le nombre de votes total. Ainsi, même si Hillary Clinton avait le plus grand nombre de votants, cela reste insuffisant, il faut obligatoirement 270 Grands Électeurs pour être élu.

Cependant, c’est surtout la confiance aveugle et excessive des médias envers les sondages d’opinions qui est pointée du doigt ce matin. Des journaux comme le Washington Post n’hésitent pas à faire leur “mea culpa” auprès de leurs lecteurs. Le New York Times déclare ainsi : «Une nouvelle fois, le journalisme est à la traîne de l’histoire, à la traîne du reste du pays», illustrant cette remise en cause de l’”establishment journalistique” qui se demande aujourd’hui pourquoi il n’a pas pris Donald Trump au sérieux. Le “Trump-Bashing” par les médias aurait-il eu un impact sur les électeurs américains ?

Une fracture électorale : La “victoire de la colère”

La victoire de Trump est avant tout la victoire des électeurs ruraux et des zones industrielles sinistrées qui estiment que les élites politiques les ont abandonnés. “Je croyais connaître mon pays” disait Paul Krugman. En réalité, la haine profonde d’une partie de la population américaine envers “l’élitisme urbain” a été complètement capturée par Donald Trump dans un programme axé sur trois bouc-émissaires : les immigrés, le libre échange et les élites. Les Américains ont préféré choisir l’incertitude au renouvellement de la classe politique, en élisant un président, n’ayant pas brigué le moindre mandat électif ou public.

La campagne électorale a également profondément divisé le pays et cette dernière a certainement eu un impact sur l’abstention. Seulement 54.2% des Américains ont voté (même si aux Etats Unis l’abstentionnisme est relativement élevé), soit la plus faible participation depuis 2000.

Comment les Américains ont vécu cette nuit électorale ? Une étudiante dauphinoise en échange à New-York nous a décrit l’ambiance très particulière à Times Square: “A Times Square, silence de mort. Des New-Yorkais en deuil, dont certains ont les yeux rougis par les larmes, fixent les panneaux lumineux. Dans un métro un peu trop calme, on croise les regards compatissants de ceux qui avaient prévu de faire la fête”. De l’autre, dans les bastions républicains et au QG de Donald Trump, les supporters exultent, parfois surpris, brandissant leurs drapeaux “Make America great again” .

Et maintenant ?

Que va-t-il se passer maintenant ? “Je serai le président de tous les Américains” a affirmé Donald Trump. Pourtant, déjà, Donald Trump devra gérer en premier lieu selon le Washington Post “les effets secondaires de l’aventure hargneuse et traumatique qu’a été la campagne de 2016”. Réunifier les Américains derrière lui serait le premier objectif, alors que certains envisagent sérieusement d’émigrer (le site d'immigration canadienne a “crashé” temporairement hier soir). A court terme, Donald Trump se doit aussi de réussir à rassurer les marchés financiers et à canaliser une possible panique financière.

Mais qu’en est-il de l’application de son programme électoral ? Quel rôle va-t-il jouer sur la scène internationale ? Trump serait-il le pionnier d’une nouvelle “internationale autoritaire” comme l’affirme Sigmar Gabriel, le vice chancelier allemand ?

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