Les premiers de la classe
Source : Pexel

Les premiers de la classe

Le 20 Décembre s’ouvre la plateforme ParcourSup qui orientera les élèves de Terminale (et peut-être parmi eux les frères et sœurs de certains d’entre vous) vers leur première année dans l’enseignement supérieur. Les formations ne s’en cachent pas : le positionnement des élèves dans leur classe est un critère déterminant de la sélection. L’occasion pour La Plume de repenser le statut de premier de la classe dans le système scolaire.

 

Qui ne s’est pas retrouvé sur les bancs d’un amphi, alors que vous venez de recevoir une copie d’examen, à demander leurs notes aux camarades autour de vous ? Peut-être pour se rassurer de ne pas être le/la pire, ou peut-être pour se conforter dans l’idée que votre note est excellente puisque supérieure à celle de votre voisin. quelle qu’en soit la raison, cette omniprésence de la compétition n’est pas sans conséquences, pour les premiers comme pour les derniers de la classe.

 

Premier quoi qu’il en coûte

Être étiqueté comme le « premier de la classe » c’est la reconnaissance d’une excellence académique mais c’est aussi l’attente de l’excellence dans le futur. Ainsi, à mesure qu’un premier de la classe s’accoutume à sa place au sommet, la peur de tomber en chute libre apparait de plus en plus menaçante. Parfois, cette épée de Damoclès suspendue au-dessus des premiers de la classe se manifeste concrètement : maux de tête, mal d’estomac ou souffle court sont autant de symptômes de ce que les psychologues nomment l’anxiété de performance, c’est-à-dire un état de nervosité causé par la peur de l’échec. D’après une étude (Cassady et Lang, 2010), l’anxiété de performance toucherait aujourd’hui au moins 25% des étudiants, parmi eux une majorité d’étudiants qui réussissent académiquement et deviennent en quelque sorte victimes de leur réussite.

Par la force des choses, s’il y a des premiers de classe, il y a nécessairement des derniers. Ces élèves sont aussi victimes des attentes placées sur les premiers. L’expérience de Rosenthal et Jacobson (1968) en est la preuve : les deux chercheurs ont fourni à des enseignants des faux tests de QI de leurs élèves, les amenant à porter un nouveau regard sur le niveau de leurs élèves, mais surtout à adapter leur comportement vis-à-vis des élèves en conséquence. Ils ont alors observé que le niveau réel des élèves au cours de l’année se conformait progressivement au niveau que leur enseignant attendait d’eux. Dans une moindre mesure, à partir du moment où un professeur se fait une idée du positionnement d’un élève au sein d’une classe, il risque d’enfermer cet élève dans la case qu’il lui a assigné. Ainsi, le biais cognitif crée par les statuts de premiers et de dernier de la classe, érige un plafond de verre qui empêche les élèves les plus en difficulté de progresser.

Au final, l’argument galvaudé comme quoi la compétition serait source d’une émulation collective semble ne pouvoir s’appliquer qu’à une toute petite minorité des élèves. 

Le classement est-t-il un gage de compétence ?

D’accord, les classements ne tirent pas nécessairement les élèves vers le haut mais ils restent un repère incontournable pour mettre en perspective des notes qui sans ça n’ont pas beaucoup de sens. D’une certaine façon, on ne reconnait la réussite que lorsque l’échec est visible en filigrane Par exemple, un 10/20 a beaucoup plus de valeur lorsque les autres n’obtiennent que des 5/20. Cet exemple a tendance à occulter le fait que le premier de la classe n’a réussi que la moitié de l’épreuve.  Paradoxalement, être premier de la classe ne prouve pas l’acquisition de connaissances académiques, c’est seulement la preuve d’une meilleure acquisition des compétences que les autres. Mais à quoi bon être premier si l’on est juste moins médiocre que les autres. ? Ne faudrait-il pas rêver d’un système scolaire où tous les élèves ont 18/20, non pas parce que les exigences sont trop basses mais parce que l’apprentissage est assez efficace pour permettre à tous les étudiants d’exceller ? Si génération après génération, le premier de la classe, c’est peut-être parce que les étudiants les plus ambitieux ne courent pas seulement après la validation d’un niveau académique pour laquelle la note suffirait, mais surtout après un statut social, qui s’accompagne de l’admiration de ses pairs. 

 

La Plume

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