« En politique, on n’est jamais fini. Regardez-moi ! ». Voilà ce qu’Alain Juppé avait déclaré en novembre 2013 dans le journal Libération. En effet, c’est avec stupeur que certains ont pu observer le grand retour politique de l’ex-premier ministre, qui avait été contraint de quitter ses fonctions parlementaires, municipales et partisanes en 2004 suite à une condamnation à l’inéligibilité dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. Réélu maire de Bordeaux en 2006, en 2008, puis en 2014, c’est maintenant aux primaires UMP de 2016 que Juppé est candidat : une ambition à la hauteur de sa carrière. Et les sondages lui sont plutôt favorables : il devance très nettement Nicolas Sarkozy comme candidat UMP préféré des Français pour l’élection présidentielle de 2017. Selon un sondage BVA diffusé le 7 février dernier, Juppé obtiendrait 43% des votes contre seulement 13% pour Sarkozy.
Comment expliquer une telle popularité face à Sarkozy ?
Sur le plan personnel, un de ses principaux atouts face à Nicolas Sarkozy, c’est sa sympathie. Si ce dernier a tendance à agacer, Juppé au contraire est plutôt de nature plaisante et ne perd jamais une occasion de faire un peu d’humour.
Les affaires judiciaires aussi y jouent un rôle : Juppé a certes été condamné par le passé, mais il a payé sa dette à la société, comme il aime à le dire. En ce qui concerne Sarkozy, bien qu’aucune condamnation n’ait encore été prononcée, la multiplication des affaires qui gravitent autour de sa personne semble avoir définitivement ébranlée la confiance que les Français lui accordaient : affaire Bygmalion, affaire des écoutes, relations étranges avec l’ex-dictateur libyen Mouammar Kadhafi … beaucoup d’affaires pour une seule personne.
Sur le plan politique, les deux hommes s’accordent sur des sujets tels que la libre entreprise ou la réforme des retraites, mais on peut relever de nombreuses divergences : côté Sarkozy, on n’hésite pas à faire du pied aux électeurs du FN en plaçant au premier plan les questions identitaires ; en revanche côté Juppé, on « préfère rassembler que diviser » et les rapprochements politiques se font avec le centre. Cela s’est encore ressenti à l’occasion du deuxième tour des élections départementales : si Sarkozy prône la stratégie du « Ni, ni » (comprenez « Ni FN, ni PS), Alain Juppé dit « ne pas placer au même niveau un candidat socialiste et un candidat FN ».
Un autre désaccord que l’on peut citer porte sur le mariage homosexuel : Sarkozy dit souhaiter revenir sur la loi Taubira tandis que Juppé considère qu’il s’agit d’un « droit acquis et intégré par la société française ». Alors que Sarkozy vire à nouveau un peu plus à droite, Juppé se positionne davantage au centre et se fait ainsi le représentant d’une droite plus modérée, qui séduit plus largement les Français.
Sera-t-il candidat en 2017 ?
À l’occasion de son passage à l’université Paris Dauphine le 1er avril dernier, nous avons eu la chance de le rencontrer et de pouvoir l’interroger, notamment sur sa candidature aux présidentielles. Bien que Juppé soit le candidat UMP préféré des Français, les adhérents du parti sont davantage favorables à Nicolas Sarkozy, qu’ils ont élu président de l’UMP en novembre dernier. Juppé mène donc un combat pour que ces primaires soient ouvertes afin qu’une plus large part de la population puisse s’y exprimer, comme ce fût le cas aux primaires du PS en 2011.
Lors de notre rencontre, Alain Juppé nous a confié que s’il échouait aux primaires ouvertes, il ne se présenterait pas en 2017, considérant que les Français auront déjà exprimé leur opinion. Il affiche ainsi un respect des décisions du peuple qui nous rappelle les valeurs du général De Gaulle. En revanche en cas de primaires fermées, il se présentera aux présidentielles, même s’il échouait à ces primaires. Une décision qui soulève divers problèmes, notamment celui des moyens de financement de la campagne présidentielle de Juppé, qui ne pourrait pas alors compter sur les fonds de l’UMP ; ainsi que celui de l’affaiblissement de la droite, qui se verrait alors représentée par deux candidats au premier tour.
En attendant, sa campagne est lancée et une question s’impose à nous : Alain Juppé est-il « le meilleur d’entre nous », comme le disait déjà Jacques Chirac en 1994 ?
Aurélie Musman
9 Avr 2015Je serai certainement moins catégorique concernant cette phrase : «Il affiche ainsi un respect des décisions du peuple qui nous rappelle les valeurs du général De Gaulle.»