La surface des océans représente plus de 70 % de la surface de notre planète. Mais saviez-vous que seulement 10 % des espèces marines sont connues ? En effet, chaque année, de nouvelles espèces sont découvertes. Et le monde marin n’a pas fini de révéler tous ses secrets. Les connaissances que nous engrangeons sur le vivant permettent de s’en inspirer pour créer des innovations. C’est le biomimétisme.
Le biomimétisme, qu’est-ce que c’est ?
Le biomimétisme lie des caractéristiques spécifiques aux êtres vivants au monde industriel. Il permet aux scientifiques de développer des innovations grâce à leurs observations et leurs recherches sur la faune, la flore marine ou terrestre.
Plusieurs prix Nobels ont été attribués grâce aux études du monde marin. Un exemple ? Le développement de traitement anti-cancéreux grâce à l’étude de l’étoile de mer en 2001. Plus encore, de nombreuses molécules du monde marin sont exploitées pour l’industrie pharmaceutique.
Pourquoi cet intérêt pour le biomimétisme ?
Le milieu marin est un espace de contraintes et de défis. L’obscurité, la pression, la respiration … Pourtant, les espèces arrivent à y faire face pour vivre, survivre, se nourrir, se reproduire et se défendre. La vie marine s’est adaptée à son environnement pour surmonter les difficultés propres à son habitat naturel. En étudiant les espèces qui trouvent le moyen de pallier les contraintes de la vie marine, les chercheurs peuvent trouver des solutions à nos propres difficultés.
Des innovations pour la santé
Le domaine de la santé évolue et innove grâce aux connaissances développées sur le vivant, et notamment sur le monde marin. La respiration sous-marine fait l’objet de nombreuses recherches. En effet, l’oxygène se dissout dans l’eau. Les êtres vivants ont donc développé des systèmes de respiration pour extraire l’oxygène de l’eau et d’autres pour transporter du dioxygène dans leur organisme. Ces derniers intéressent tout particulièrement les scientifiques.
- Un ver en apnée pendant 6 heures.
Un chercheur du CNRS, Frank Zal, s’est intéressé aux arénicoles, une espèce de vers marins qui ne respire que dans l’eau. Il y puise son oxygène. Mais à marée basse, il se cache dans le sable et reste en apnée pendant près de 6 heures. Une prouesse permise grâce à son hémoglobine extracellulaire qui lui permet de stocker assez d’oxygène. En résumé, c’est comme s’il disposait d’une bouteille d’oxygène pendant près de 6 heures.
Cette hémoglobine particulière - molécule qui permet de transporter l’oxygène dans un appareil respiratoire - est beaucoup plus petite que nos globules rouges humains. Elle permet pourtant de transporter 40 fois plus d’oxygène.
Frank Zal s’est servi de ses observations pour innover. Grâce à ce procédé, il a pu conserver plus longtemps des greffons rénaux avant une transplantation. Ils peuvent, via ce système, être conservés plusieurs jours au lieu de six heures en temps normal. Des pansements oxygénants ont également été développés par ce chercheur. La cicatrisation d’une plaie devient alors plus rapide.
Des innovations pour l’énergie
Le biomimétisme pourrait également être une réponse à notre consommation excessive d’énergie. Les espèces ont besoin d’énergie pour vivre. Et pour cela, elles utilisent la lumière. La nature arrive donc par ses propres moyens à en créer, sans polluer l’environnement.
- L’étude des bancs de poissons pour des algorithmes plus rapides
Ne vous êtes-vous jamais demandé comment font les poissons pour rester ordonnés, pour ne pas entrer en collision, pour dépenser peu d’énergie, pour pouvoir manger même en étant au milieu d’un banc de centaines de poissons ? C’est l’intelligence collective qui est la clef. La collaboration. Les poissons communiquent entre eux, avec leurs voisins, et suivent leur sillage. Ils trouvent ainsi le chemin optimal pour se nourrir, en prenant en compte les courants et en économisant leur énergie. Cette façon de maximiser leur nourriture et de minimiser l’énergie dépensée a inspiré des algorithmes d’optimisation.
Les chercheurs ont développé un algorithme pour comprendre les interactions et les changements collectifs de direction des poissons. Ils regardent le comportement de chaque poisson. Quels sont les voisins qui influencent le déplacement, quelles sont les trajectoires… Les études ont montré que lors des changements de direction, les poissons peuvent copier le déplacement d’un voisin ou se déplacer sans leur influence. La coordination se fait par l’influence d’un petit nombre de voisins et cette influence change à chaque fois. Il n’existe pas de poisson désigné comme meneur ou suiveur. Ils peuvent tous jouer ces rôles tour à tour. Un poisson sur une bonne piste pour trouver de la nourriture sera considéré comme meneur et suivi par son voisin. Un poisson sur une mauvaise piste sera considéré comme un suiveur par son voisin. Ils continueront donc de suivre celui qui sera considéré, sur le moment, comme le meneur pour aller dans la bonne direction.
Des algorithmes sont développés pour suivre la logique des bancs de poissons, celle de la communication constante et de l’absence de hiérarchie définie de manière arbitraire. Un procédé efficace pour contrôler des essaims de drones.
- Les nageoires des baleines comme pales d’éoliennes.
Stephen Dewar, Philip Watts et Frank Fish ont inventé des pales d’éoliennes grâce à leurs observations des nageoires des baleines à bosse. En effet, ces dernières restent rapides et agiles alors qu’elles pèsent plus de 30 tonnes ! Les chercheurs se sont donc inspirés des bosselures de la nageoire de la baleine pour faire une pale plus aérodynamique. Et oui, une pâle lisse n’est finalement pas aussi efficace. Via ce procédé, les éoliennes sont plus silencieuses, plus puissantes et surtout, plus économes de 20 % d’énergie.
Les pales qu’ils ont conçues comportent donc des bosses en tridimension ce qui modifie leur rapport avec l’air. Leur utilisation peut être multiple. Des pales d’éoliennes, aux ventilateurs industriels en passant par les ventilateurs d’ordinateurs. Les trois chercheurs ont breveté et développé leurs inventions. La performance des ventilateurs de cartes graphiques, utilisant ce procédé, augmente de 20 % par rapport aux autres ventilateurs.
Des matériaux inspirés du biomimétisme
- Faire du verre sous la mer
98 % de la biomasse de l’océan est constituée de micro-organismes dont la plupart sont des planctons. La diatomée, une espèce de plancton, est d’ailleurs très intéressante du point de vue du biomimétisme. Ce sont de minuscules algues jaunes ou marron capables de fabriquer du verre dans l’eau. Ces êtres vivants fabriquent leur coquille externe grâce à ce verre.
Cela peut sembler étrange sachant qu’un souffleur de verre a besoin d’un four à plus de 1000°C. Quel est donc son secret ? C’est le procédé « sol-gel ». Un processus dit de solution-gélification qui consiste à prendre une solution de silice dissoute puis à former couche par couche des cristaux de silice. Cela donne du verre. Les diatomées utilisent l’eau des océans comme solution contenant de la silice dissoute.
Ce procédé n’est pas aussi énergivore que le nôtre pour produire du verre. Certes, la quantité n’est pas la même. Mais cette méthode de création du verre permettrait de consommer beaucoup moins d’énergie, ce processus se déroulant à température ambiante. Cette méthode a été utilisée pour des revêtements anti-reflets ou pour des films autonettoyants. On en trouve sur le toit du dôme du Théâtre national de Pékin.
Une perspective encore plus encourageante pour la recherche dans le secteur du biomimétisme est la photonique, une technique maîtrisée par les diatomées. Pour faire simple, ces planctons jouent avec la lumière. Leur capsule de silice possède de nombreuses propriétés. Un de ses usages pourrait servir à filtrer les UVs nocifs pour les plantes ou à y concentrer la lumière pour favoriser la photosynthèse. Des recherches sont faites pour savoir si les diatomées pourraient être utilisées pour concentrer la lumière sur des panneaux photovoltaïques et ainsi, améliorer leur performance.
Les acteurs à la pointe du biomimétisme
Le biomimétisme permet des avancées majeures aussi bien dans le secteur médical qu’énergétique. Peut-être serait-ce une solution à nos problèmes énergétiques ? Une solution aux défis de notre société ? L’Allemagne a misé sur le biomimétisme. Nos voisins ont créé deux grands réseaux de recherche institutionnels et une centaine de centres de recherche publique. La Nouvelle Aquitaine, en France, souhaite faire de même en se positionnant comme « une référence internationale en matière de matériaux bio-inspirés » selon M. Veunac, maire de Biarritz.
By La Plume, Dauphine