Forfaits, Abandons, désillusions : les derniers championnats du Monde d’athlétisme au Qatar ont montré les limites de l’accueil des compétitions internationales dans les pays chauds. Plus généralement, les conditions climatiques affectent la pratique sportive, et le problème devrait s’amplifier avec le réchauffement continu de la planète.
Vous souvenez-vous de la canicule de l’été, et ses spots de prévention ? Une des recommandations préconise « d’éviter les efforts physiques ». Le message n’a pas passé la frontière, et les mondiaux d’athlétisme se sont déroulés dans des conditions extrêmes : des températures excédant 40°C et un ressenti aggravé par les 70% d’humidité. Comment le climat et, par extension, le réchauffement climatique, sont-ils devenus des enjeux majeurs dans l’organisation des compétitions internationales ?
La Mondialisation du sport
Si la Mondialisation est souvent évoquée pour son côté économique, elle est également culturelle. La pratique du sport reflète des réalités historiques, d’échange, de commerce ou de migration. Le cricket par exemple, né dans l’aristocratie anglaise du XVIIIème siècle, s’est développé dans tout l’Empire colonial britannique. Cet héritage perdure, L’Inde, l’Australie et l’Angleterre comme principales ligues professionnelles.
Plus récemment, le sport a été utilisé pour démontrer le développement économique et culturel d’un pays. C’est ainsi que les grands évènements sportifs (Jeux Olympiques et Championnats du Monde notamment) se sont de plus en plus délocalisés vers les pays dits « émergents ». Ainsi, la Chine, avec les JO de Pékin de 2008 a tenté de mettre en avant sa modernité et son ouverture sur le monde. Elle réitérera l’expérience en 2022 en organisant les Jeux Olympiques d’hiver, dans la même ville.
Problème : l’attribution des compétitions internationales a pu se faire en dépit de bon sens sur les conditions des athlètes. Si certains aménagements peuvent être pris, ils se sont révélés insuffisants. Les championnats du Monde d’athlétisme, traditionnellement tenus en août, ont été repoussés en octobre, pour éviter les températures extrêmes de l’été. Le résultat n’a été que peu concluant. Les forfaits se sont multipliés parmi les athlètes. Pour le marathon féminin, pourtant parti au milieu de la nuit, on dénombre 30 abandons pour 70 participantes, à cause de la chaleur et de l’humidité.
Des organisations peu flexibles aux intempéries
L’organisation des compétitions internationales, se faisant plusieurs années en amont de la compétition, il est impossible de prévoir la météo des jours de compétition. Les conditions exceptionnelles ont entraîné, lors de la coupe du Monde de Rugby au Japon, l’annulation de certains matches. C’est le cas du France-Angleterre, match pour la première place de la poule, annulé à cause de la menace d’un typhon sur les côtes japonaises.
Dans le cas de la Coupe du Monde de Rugby, la réglementation est claire : si un match de poule ne peut commencer le jour prévu, celui-ci est annulé et chaque équipe reçoit 2 points. Cette règle permet toutefois de délocaliser le match, mais celle-ci génère un surcoût logistique, que les organisateurs ne sont pas prêts à assurer. Ils doivent toutefois rembourser l’intégralité des spectateurs des matches annulés.
Un intérêt financier
Si l’organisation des grands événements sportifs veut éviter la génération de surcoûts, elle a montré des choix critiqués de programmation. En effet, certaines compétitions usent de la programmation et des différences de chaleur entre la journée et la soirée, pour protéger des joueurs ou équipes. L’Open d’Australie a été largement critiqué pour sa protection de Roger Federer. Afin de le protéger pour la suite de la compétition, il a été programmé de nombreuses fois en « night session », évitant les chaleurs caniculaires australiennes.
Roger Federer, lors de l’Open d’Australie (2010)
Mais pourquoi favoriser certains joueurs, au détriment d’autres ? Dans le cas de l’Open d’Australie, le directeur du tournoi, ne s’en cache pas : Roger Federer rapporte plus d’argent en droits télévisés si celui-ci joue en heure de grande écoute – le soir donc. Être protégé des fortes chaleurs augmente également les chances de rester dans la compétition et donc de rapporter encore plus de droits télévisés.
Les changements climatiques, qui devraient s’accentuer dans les années à venir, vont continuer d’impacter la pratique du sport en compétition. Dans des calendriers sportifs serrés, il y a peu de place pour les imprévus. Alléger les calendriers afin de protéger les athlètes serait une solution, mais représenterait un important manque à gagner pour les organisateurs. Le mondial de football de 2022, au Qatar, devra prouver qu’il peut se dérouler dans des conditions acceptables pour les sportifs, en évitant de reproduire le désastre du dernier mondial d’athlétisme.
Léandre Bierré, M1 Finance