Une nouvelle génération d’indicateurs économiques

Une nouvelle génération d’indicateurs économiques

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Avec la transition énergétique, la réforme fiscale, les inégalités et la quête du bonheur, l’économie est en train de faire face à une mutation des mœurs. D’ici quelques années, la croissance du PIB, l’inflation et le déficit public ne seront sans doute plus les indicateurs économiques prédominants. La place sera certainement faite à de nouveaux indicateurs, mesurant plus efficacement l’aptitude d’un pays à relever les défis du XXIième siècle.

Pendant longtemps, l’accumulation de richesses par un pays était considérée comme le principal facteur de bonheur pour ses citoyens. Comme si la croissance du PIB résumait les ambitions de chacun. Un bref rappel historique s’impose : la mesure de la variation du PIB d’une année sur l’autre remonte à la Grande Depression des années 1930 aux Etats-Unis. Il a été créé par le célèbre économiste américain Simon Kuznets en 1932 pour que le gouvernement états-unien puisse jauger l’effet de la Grande Dépression sur l’économie. Une vision assez tronquée de l’économie d’un pays en somme qui a conduit à un rapport de Joseph Stiglitz, Amartya Sen et Jean-Paul Fitoussi en 2009 sur la mesure des performances économiques et le progrès social. La conclusion majeure de ce rapport était que le PIB était insuffisant, à lui seul, pour mesurer les richesses de nos sociétés. Mais ce document n’a pas établi de liste d’indicateurs.

Une première avancée a permi de créer le Happy Planet Index, un indicateur qui tente de mesure la satisfaction des peuples de chaque pays. Sont pris en compte : l’accès aux besoins de premières nécessités (eau, électricité, nourriture…), l’accès à de bonnes infrastructures de santé, l’éducation et la capacité d’un pays à vivre en paix. Un indicateur qui s’axe sur la satisfaction générale des citoyens d’un pays, mais qui présente tout de même un défaut majeur : comment mesurer et quantifier le bonheur ? Quelle définition lui donner ? Une réponse plus philosophique qu’économique.

La capacité d’un pays à générer de la croissance est un enjeu central pour l’époque dans laquelle nous vivons. Comment obtient-on de la croissance ? Est-elle éternelle ? Des questions sans réponses claires. Une recherche qui pourrait se coupler avec un autre enjeu du 21ième siècle : la transition énergétique. On pourrait par exemple quantifier l’état d’avancement de cette transition au sein d’une économie. Est-elle encore fortement dépendante aux hydrocarbures ou bien utilise-t-elle un cocktail énergétique plus respectueux de l’environnement ? L’efficacité industrielle constitue un axe majeur de réflexion : mesurer son évolution en termes de respect de l’environnement. Par exemple, en regardant les investissements vers des solutions propres pour produire en rejetant moins de gaz à effet de serre. En somme, l’idée serait de mesurer l’utilisation du progrès technique à des fins écologiques. Ces indicateurs permettraient ainsi d’évaluer si la croissance est verte ou non.

Et le numérique dans tout ça ? Le développement des technologies numériques, facilitant la communication et le traitement des données, amène les Etats à se positionner sur ce créneau. D’autres bon indicateurs à prendre en compte seraient par exemple : le ratio de communication d’informations provenant d’une source papier par rapport à une information numérique, la proportion d’habitants connectés à Internet, etc. Les industriels ne seraient pas exemptés de cette logique puisque leur accès au numérique détermine en partie leurs compétitivité.

Dernier point sur lequel il est important que l’analyse économique se focalise d’avantage : la répartition des richesses. Thème qui sous-tend la fiscalité. Pourquoi, plutôt que de regarder la capacité d’un pays à générer des richesses, ne pas regarder son aptitude à les redistribuer ? Quelle classe socio-culturelle supporte l’essentiel de l’effort fiscale ? Un indicateur qui serait digne d’intérêt pour les investisseurs qui souhaitent connaître la situation sociale du pays dans lequel il souhaite investir. Thomas Piketty, dans son livre Le capital au XXIième siècle, met en avant l’existence d’inégalités exacerbées. Une question liée à la diminution du temps de travail : comment répartir les richesses dans une période où le progrès technique diminue la quantité de travail ? A l’heure où des millions de personnes ne pourront plus vivre de leur travail, il convient de trouver les bonnes solutions pour répartir les richesses. Un débat qui suit son cours dans certains pays industrialisés, questionnant de plus en plus la pertinence ou non du revenu universel.

Ces nouveaux indicateurs économiques permettront d’apprécier plus précisément les forces et faiblesses d’un pays face aux enjeux du XXIième et de soutenir une croissance à la fois pérenne et soucieuse de l’environnement. Cette génération d’indicateurs 2.0 ne signera pourtant pas la fin des « traditionnels indicateurs ». Ils s’ajouteront à ceux qui existent déjà pour les compléter, leur donner un autre sens. Une transition qui marquera une étape considérable dans la compréhension du monde et de l’évolution de la société. Une transition qui permettra à l’inconscient collectif de prendre conscience des problématiques de la société contemporaine.

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