Quittant le Daufunk, un pincement au cœur, regrettant déjà son ambiance électrisée, une question m’assaille : quel divin mécène a pu offrir une telle chose à Dauphine !? Qui offre donc son temps et son argent pour obtenir de tels festivals dans ce bien-aimé amphi 8 ? QUI !? Personne. La vérité, c’est qu’à Dauphine, on fait tout à la main, ou plutôt, en matière de musique, à l’Oreille. Je n’y croyais pas, il me fallait des preuves. Enquête.
Un festival, même s’il ne dure qu’une soirée, cela se prépare. Avant même d’envisager un tel évènement, il faut donc penser à s’organiser. C’est l’Oreille de Dauphine qui s’en charge. L’association, âgée de 16 ans, sait y faire : réparties et planifiées par un Bureau, les responsabilités sont divisées entre de nombreux pôles dont chacun dispose de son responsable dédié.
Parmi eux, la programmation. Tâche ardue s’il en est, c’est par curiosité, par jeu de réseau et en profitant des quelques contacts noués par l’association depuis sa création que tout au long de l’année sont remplies les affiches de chaque festival. Le profil artistique recherché ? Actuel ! D’artistes locaux, comme le groupe parisien Versus, à des groupes de renommée internationale comme Big Boss Man, l’Oreille veut mettre en avant des styles ouverts et peu connus des étudiants. On peut d’ores et déjà annoncer que c’est une réussite : plus les années passent, et plus le public se peuple de dauphinois !
Un concert nécessite une certaine logistique : c’est là qu’intervient le pôle technique. Il est chargé de réunir tout le matériel nécessaire pour un spectacle réussi, ainsi que de superviser le bon déroulement de celui-ci. L’entreprise Réfléchi’Son fournit une grande partie des équipements demandés (pont lumineux, certains instruments, enceintes…) mais également un ingénieur du son pour assurer la régie et les balances de son pour chaque groupe. Leur partenariat, après plus de dix ans, est bien installé: le son de qualité ne manque pas d’étonner des musiciens qui n’en attendaient pas tant d’une association étudiante. La réservation des locaux et les autorisations relatives sont quant à elles établies par le Bureau, en constant dialogue avec l’administration dauphinoise. Leur revient aussi le devoir de contacter la préfecture de Paris pour disposer de secouristes et prévenir la police et les pompiers pour qu’ils soient prêts à réagir rapidement en cas d’incident pendant l’un des festivals.
Enfin, car sans lui il n’y aurait pas de spectacle, il faut bien évidemment un public. C’est à la charge du pôle communication que de le rameuter. Un mois avant les Daufunk et Dauphine Jazz et même un mois et demi avant le Music To Rock The Nation (MRN), les équipes de cette section choc vont flyer, un peu partout dans Paris, là où ils sont susceptibles de trouver des mélomanes de tous âges. A cela s’ajoute la tenue d’un site internet et d’une page Facebook ainsi qu’un intense affichage dans Dauphine, pour finalement susciter une affluence de plus de 800 personnes pour les deux premiers festivals de l’année et de 2000 personnes pour le MRN.
Spectateurs, musiciens et oreillons sont désormais réunis, parés pour faire la fête. Une fois les courses faites pour alimenter les deux bars tenus à chaque occasion, une fois les locaux décorés à coups de panneaux d’indications peinturlurés, une fois l’exposition que l’on retrouve à chaque festival installée, une fois le planning sécurité mis en place… il faut assurer le show en temps réel. 4h30 de live music, c’est 24h de travail. Je vous laisse imaginer ce que cela représente pour les 10h de concert du MRN (une légende voudrait que les oreillons disposent de tentes sur la terrasse du 7e). A nouveau, l’organisation est un facteur clé de réussite. Quand bien même l’immense majorité du travail soit faite en amont, si on ne veut pas se retrouver en défaut de personnel quand il va falloir déboucher des toilettes de Dauphine, il vaut mieux prévoir le coup. A noter que l’association entretient farouchement le secret autour de ses coulisses où le repas (et plus si affinités ?) est offert aux artistes avant leur passage. « Ce qui se passe en coulisses, reste en coulisses ! » précisera même un responsable de l’Oreille à destination de votre rédacteur intimidé.
Ce n’est pas parce que la fête est finie que le boulot l’est aussi. Certaines mauvaises langues l’auront vite compris : la musique en live, c’est sympa mais ça fait parfois quelques dégâts. Dès la fin de soirée et jusqu’aux premiers traits de la grisaille parisienne s’activent des oreillons tout à coup transformés en technicien(ne)s de surface multi-usages. Voire même en bricoleur(e)s expérimentés, lorsque que le public, transcendé par des mélodies un tantinet syncopées, en vient à endommager certaines installations dauphinoises. Cela n’est pas de tout repos.
La question me brûle les lèvres : quel est le moteur de tout ça ? Qu’est-ce qui peut motiver cette bande d’étudiants à donner de leur temps et de leur sueur sans réelle contrepartie ? Non, ce n’est ni du diesel (bien trop polluant, on l’a vu ces derniers temps) ni des substances psychotropes (officiellement). L’amour pour la musique, de manière générale ou simplement pour le live, mais aussi celui de l’argent : voilà ce qui fait marcher l’Oreille ! L’argent !? Rassurez-vous, ce ne sont pas de viles apprentis-gestionnaires obnubilés par le profit et l’optimisation de leurs efforts. Au contraire ! Si l’association est bénéficiaire, c’est une autre association, caritative cette fois-ci, qui en profite (cette année c’est le Rire Médecin). Pour les vacances collectives aux States au frais des festivaliers, passez votre chemin : ce n’est pas l’état d’esprit de l’Oreille.
En fait, ce que définit l’Oreille de Dauphine, ce qui la maintient en vie, dynamique et passionnée, c’est son esprit d’équipe. Comme beaucoup d’entre eux aiment à le rappeler, ils sont une grande famille, et même si tout le monde n’est pas toujours à bloc, leur cohésion et leur bon état d’esprit sont les deux plus grands facteurs de leurs réussites passées et à venir. Tout simplement.