En avril 2020, l’application de vidéos courtes TikTok franchissait la barre des 2 milliards de téléchargements. Seul le géant Facebook, ses satellites Instagram, Messenger et Whatsapp inclus, était parvenu en 2014 à ce résultat. S’il est indéniable que la popularité de TikTok a été boostée en partie par le confinement, notamment chez les jeunes (315 millions de téléchargements au premier trimestre de 2020), ce succès s’explique plus en profondeur par des procédés algorithmiques aussi efficaces qu’opaques. La Plume mène l’enquête.
Dans les rouages de l’algorithme TikTok
Après les mystères de l’algorithme Facebook, c’est au tour de celui de TikTok d’intriguer. L’étude américaine Axios réalisée en septembre 2020, et supervisée d’ailleurs par TikTok elle-même, le qualifie de « killer algorithm », car il fonctionne à tous les coups. Il intervient dès notre première utilisation de la plateforme puisqu’une vidéo apparaît dès que l’application s’ouvre. Ainsi, initialement, TikTok choisit pour nous. Et elle le fait étonnamment bien. À en croire les dirigeants de la plateforme, 8 vidéos populaires aux thèmes et musiques très variés sont proposées à l’utilisateur lors de sa première connexion. Il ne reste plus qu’à l’algorithme de trier le reste des vidéos en fonction de l’intérêt porté à tel ou tel contenu. Intérêt qui se traduit par un « j’aime », un commentaire, ou un abonnement à la chaîne. Soulignons que l’algorithme trie les informations sur nos centres d’intérêt en prenant également en considération des facteurs plus généraux tels que le pays de l’utilisateur, sa langue sans oublier sa tranche d’âge et son sexe potentiels.
Une vidéo devient virale car TikTok l’a voulu
Si l’on pourrait penser qu’une vidéo devient virale du seul fait du partage de liens entre utilisateurs, TikTok reste en fait le maître en la matière. Comment expliquer alors la pertinence des contenus qu’elle propose ? C’est en réalité grâce à un système de barème de points que l’application réussit à évaluer la popularité d’une vidéo. La vidéo à l’origine de beaucoup de réactions est présentée dans un premier temps à un échantillon d’utilisateurs, puis étendue à toute la plateforme si elle récolte assez de points. Le système de points peut être organisé de la façon suivante : une vidéo est notée de 0 à 30 points avec 10 points pour le taux de visionnage, 8 points pour le taux de complétion (la consommation du contenu par les utilisateurs), 6 points pour le partage, 4 pour les commentaires et 2 pour les « j’aime ». À titre d’exemple, la vidéo la plus vue de la plateforme est la reprise musicale « M to the B » par le phénomène mondial Bella Poarch, qui comptabilise pas moins de 45 millions d’abonnés depuis son inscription à l’application en avril 2020. Un succès qui se chiffre en millions : 528 millions de vues pour 43 millions de likes pour cette seule vidéo. Un parfait 30/30 !
Elle vous connaît mieux que vous-mêmes
Une fois entré dans les radars de TikTok, l’utilisateur peinera à en sortir. Car l’algorithme le connaît désormais. Tout le contenu proposé sera choisi en fonction de ses attentes et de ses envies. De la même manière que TikTok note chacune de ses vidéos, elle effectue une analyse minutieuse de chaque profil. Le score évolue à chaque fois qu’une vidéo est vue en entier ou qu’elle est répétée plusieurs fois. Par conséquent, plus un certain type de vidéos est consulté, plus le profil se fera précis, et plus l’algorithme se focalisera sur le contenu le plus pertinent. L’utilisateur fera même partie d’un « cluster », autrement dit un groupe ciblé de personnes ayant le même centre d’intérêt. Cela concerne aussi bien les fourmis rouges d’Amazonie ou le maquillage que les news people et les routines de danse. Par ailleurs, une fois ses préférences ciblées, tout utilisateur peut être géolocalisé. Chaque utilisation de TikTok alimente donc continuellement l’algorithme. S’ensuit inévitablement un problème d’utilisation des données personnelles… thématique que l’entreprise se refuse à aborder pour le moment.
Hanna Kim, L3 DGP