«Yes we did !» …Really ?

«Yes we did !» …Really ?

Le 20 janvier 2016, le 44ème président des Etats-Unis quittera la Maison Blanche. Alors qu’il s’échine depuis quelques mois à défendre son bilan et à laisser une dernière trace dans l’Histoire, petite revue thématique des succès et échecs de Barack Obama.

L’économie : une réussite (presque) incontestable

Le sauvetage de General Motors

La première mission de M. Obama en arrivant au pouvoir fut de sauver General Motors de la faillite. L’entreprise cumulait alors 62 milliards de dollars de dette et un million d’emplois était en jeu. Cette décision était toutefois risquée sur les plans politique et économique, une quasi-nationalisation paraissant inconcevable aux Etats-Unis. L’Etat a en effet dû acheter pour 30 milliards de dollars d’actions GM, avec pour contrepartie une réduction de 40% des activités du constructeur.

Mais le pari s’avère gagnant. Dès 2010, GM réalise deux milliards de profits par trimestre, en 2012 il rembourse l’intégralité de sa dette au Trésor, et en 2015 bat un record de ventes avec dix-sept millions de véhicules écoulés sur le marché domestique.

Le plan de relance

Ce succès du plan sectoriel pour l’automobile est devenu le fer de lance du plan de relance global lancé en 2009 par l’administration Obama. Le système financier, y compris Goldman Sachs d’où est partie la crise, a été recapitalisé. La Banque centrale américaine, la Fed, a débloqué une enveloppe de 800 milliards de dollars pour la relance budgétaire, et a accepté de baisser ses taux d’intérêts pour favoriser la consommation. De leur côté, les multinationales ont joué le jeu en acceptant d’utiliser leurs profits pour investir au lieu de les distribuer.

Néanmoins, M. Obama a échoué à imposer des règles drastiques de régulation aux banques. Leurs activités de dépôt et d’investissement n’ont pu être séparées, leur taille n’a pas été encadrée, le trading haute-fréquence n’est qu’observé. Son plan protège tout de même mieux le contribuable américain : une commission est chargée de sanctionner les abus des banques envers les citoyens, et en cas de faillite un établissement ne sera plus renfloué par l’Etat mais liquidé. Ainsi, la régulation bancaire n’est pas stricte mais devrait au moins permettre d’éviter une crise systémique.

La baisse du chômage

Possible conséquence de son plan de relance, le second grand succès économique de M. Obama est la baisse du chômage. Il a en effet été divisé par deux entre 2008 et 2016, passant de 10% à 4,9%. Cela représente douze millions d’emplois créés en deux mandats.

Cependant cette baisse conséquente est en partie artificielle. Depuis 2013 le taux d’emploi, soit le nombre de personnes en âge de travailler en emploi ou à la recherche d’un emploi, est passé de 72 à 69%. Cette diminution est explicable par le fait que de nombreux travailleurs, épuisés par l’échec de leur recherche d’emploi, ont purement et simplement arrêté d’en chercher un.

Une orientation économique contestée

La reprise économique est réelle, mais poussive. Les EU connaissaient la récession en 2009 et ont une croissance annuelle d’à peine 2% en 2015. M. Obama a donc multiplié les partenariats économiques, comme le Partenariat Trans-Pacifique avec le Japon et l’Australie notamment, pour trouver de nouveaux débouchés aux entreprises américaines. Mais l’élection de M. Trump a mis fin à ces ambitions libre-échangistes et a clairement montré un rejet populaire de cette politique économique. Les négociations avec l’Union Européenne sur le Transatlantic trade and investment partnership (TTIP) sont gelées depuis le 8 novembre, et on peut légitimement penser qu’elles ne reprendront pas d’ici quatre ans.

Une autre déconvenue de l’administration Obama, plus insidieuse, est l’explosion de la dette publique : elle frôle aujourd’hui les 20 000 milliards de dollars. Si les EU étaient dans l’incapacité de la rembourser, la confiance de leurs créanciers au premier rang desquels se trouve la Chine se déliterait. Cela aurait pour répercussion une envolée des taux d’intérêts, et donc une plus grande difficulté des EU à rembourser leur dette. Pour protester contre ce risque, le Congrès a menacé l’administration Obama de shut-down. Le prochain président étant républicain, cette paralysie des institutions ne devrait pas avoir lieu, mais le danger à moyen-terme est réel pour l’économie américaine.

Le social : de tentatives en déceptions

Obamacare

Réforme symbolique majeure du second mandat Obama, le Patient protection and Affordable care act, aussi appelée Obamacare, a éprouvé la capacité du président à réformer. Il a dû user de son capital politique pour imposer cette mesure débattue depuis près d’un siècle au pays des « self-made men ». Le nombre de personnes non couvertes a presque été réduit de moitié (de 16 à 9%). Vingt millions d’Américains ont bénéficié de cette loi ambitieuse, qui a imposé l’idée d’une couverture sociale nationale sur laquelle il sera difficile de revenir.

Mais pour les souscripteurs, l’addition est de plus en plus salée. Le retrait d’assureurs privés du projet et l’arrivée de patients pauvres en mauvaise santé ont fait bondir le tarif de la souscription d’un quart. Ainsi, de nombreux bénéficiaires risquent de ne plus pouvoir en bénéficier et de retrouver leur statut précaire antérieur.

Entre paupérisation et ghettoïsation

La paupérisation reste forte aux EU. Les 0,1% d’Américains les plus riches possèdent autant que les 90% les plus pauvres. Si l’administration Obama a favorisé la réduction du nombre de citoyens pauvres via une augmentation du salaire minimum de 7,25$ à 10,10$ dans les entreprises privées au service de l’Etat fédéral, 43 millions de personnes vivent encore sous le seuil de pauvreté. Les EU sont ainsi le plus inégalitaire des pays riches selon l’OCDE.

Cela se vérifie en pratique au travers d’une ghettoïsation toujours prégnante. Selon le Pew Centre, le patrimoine moyen d’un foyer blanc est 13 fois supérieur à celui d’un foyer noir. Ces disparités économiques, auxquelles se sont ajoutées les morts polémiques d’Afro-américains comme Trayvon Martin ou Michael Brown, ont eu pour résultante une explosion de la violence sociale à l’été 2014. Policiers et manifestants se sont affrontés à Baltimore et Ferguson durant plusieurs jours. Malgré un soutien symbolique de M. Obama après la tuerie de Charleston, la minorité noire attendait plus d’aide de « son » président.

L’immigration mexicaine

Voulant donc apparaître comme le président de tous les Américains et pas seulement comme celui d’une unique minorité, M. Obama a eu plus de facilité morale à agir sur la question de l’immigration mexicaine. Onze millions de clandestins vivent aujourd’hui aux EU, dont les deux tiers depuis plus de dix ans. Quatre millions d’enfants de parents mexicains sont nés sur le sol américain.

Cette fois, c’est le Congrès qui a arrêté le volontarisme de M. Obama. Il a tout d’abord rejeté le DREAM act accordant aux mineurs une carte de résident permanent en 2010, puis a bloqué la réforme de l’immigration autorisant la légalisation des clandestins résidants aux EU en octobre 2014.

La politique étrangère : un repositionnement novateur mais vecteur de déstabilisations

Des avancées diplomatiques historiques

La politique étrangère de Barack Obama est d’abord marquée par des réussites chargées de symbole. Le 14 juillet 2015, le Secrétaire Kerry signe un accord avec Hassan Rohani sur la non-prolifération du nucléaire iranien. Cet accord, qui n’est que temporaire, a permis la fin des sanctions économiques envers l’Iran et un dégel des relations diplomatiques. Il en a été de même avec Cuba, où M. Obama a mis fin le 20 mars 2016 à l’embargo économique en place depuis 55 ans sur l’île.

Entre temps, les EU ont signé puis ratifié l’accord de Paris sur le climat. Bien qu’un Américain sur deux ne croie pas que l’homme ait une responsabilité dans le réchauffement climatique, M. Obama a fait de cette lutte son cheval de bataille. C’est par décret qu’il a imposé l’accord, outrepassant le Congrès. De plus, conformément à la promesse américaine de réduire de 28% ses émissions de CO2 d’ici 2030, M. Obama a bloqué le projet de pipeline Keystone XL et a fermé des centrales à charbon tout en faisant la promotion du renouvelable.

La déstabilisation du Moyen-Orient

Le bilan international de M. Obama restera fortement marqué par la déstabilisation au Moyen-Orient. L’assassinat du chef d’Al-Quaida, Oussama Ben Laden, est le dernier fait d’armes des EU dans la région. L’abandon de l’interventionnisme militaire en vigueur depuis 1945, notamment dans une volonté de tourner la page des opérations ratées de 2001 et 2003, a contribué à déstabiliser le monde arabe.

Si le discours du Caire en 2009 avait pour ambition de rendre le contrôle de la région aux acteurs locaux, la Russie a dans les faits remplacé les EU sur le terrain. Le conflit syrien en est le symbole : alors que Vladimir Poutine a toujours soutenu Bachar al-Assad politiquement et militairement, M. Obama n’a engagé ses troupes qu’en 2014 dans une coalition de vingt pays luttant contre l’Etat islamique et n’intervenant jamais au sol. Il a aussi reculé sur la question des armes chimiques dans une séquence diplomatique lourde de conséquences pour la crédibilité des « gendarmes du monde ».

Les droits de l’homme

M. Obama a quelque peu écorné son image d’homme respectueux des droits de l’homme sur les dossiers Guantanamo et Snowden. La prison cubaine, dont les occupants n’ont jamais eu de procès, est toujours ouverte. Elle accueille actuellement 70 prisonniers qui devraient être comme beaucoup d’autres avant eux renvoyés dans leur pays natal.

L’affaire Snowden a quant à elle embarrassé le gouvernement américain mais n’a fait que mettre au jour ce que de nombreux observateurs suspectaient. Les données du peuple américain sont collectées, les chefs d’Etat étrangers écoutés. Cet ancien employé de la National Security Agency (NSA) est aujourd’hui réfugié en Russie.

Le bilan de M. Obama est donc dual. S’il paraît décevant à l’étranger, le président ayant cherché à se mettre en retrait des affaires du monde, il est engagé au niveau domestique malgré un Congrès hostile qui aura usé de son pouvoir pour limiter les réformes démocrates.

«  Tous ces éléments sont autant de pavés sur la route qui mène à une union plus parfaite. Le chemin est encore long. Mais je suis convaincu que sur le plan de la justice et de l’égalité on est mieux lotis qu’à mon arrivée. »   A vous d’en juger !

 

 

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