Le dessalement c’est la mer à boire !

Le dessalement c’est la mer à boire !

La production d’eau de mer dessalée a été multipliée par cinq en vingt ans, preuve de l’espoir placé dans les technologies de dessalement pour répondre aux épisodes de stress hydrique de plus en plus fréquents dans le monde. Pourtant, les répercussions environnementales de cette solution mettent en doute sa viabilité à long terme. La Plume a décidé d’y mettre son grain de sel. 

Le livre Guiness a célébré début Mars l’établissement d’un nouveau record : L’entreprise Bahri – Leader du transport maritime en Arabie Saoudite – a construit la plus grande centrale flottante de dessalement, capable de produire 50 000  d’eau douce par jour (soit 3 piscines de la taille d’un stade de foot !).  La pétro-monarchie réaffirme ainsi sa stratégie d’investir massivement dans les infrastructures de dessalement de l’eau de mer, dont dépendent près de 70% de son approvisionnement en eau douce. Certes l’Arabie Saoudite est le premier pays désalinisateur dans le monde (cf. graphique), mais elle n’est pas la seule à se tourner vers cette technologie en plein essor. Pour preuve, l’Egypte a annoncé il y a à peine un mois la construction d’une nouvelle usine de dessalement le long du canal de Suez. Au total, on estime que le volume d’eau désalinisée dans le monde atteint les 110 millions de mètres cubes d’eau par jour et ce chiffre augmente de 6 % à 12 % par an. Le dessalement interpelle aussi le monde de la recherche, avec près de 4000 articles scientifiques publiés chaque année sur le sujet (les universités saoudiennes se classent sans surprise parmi les universités qui contribuent le plus)

La planète bleue voit rouge

Si le dessalement fait autant parler de lui c’est qu’il répond à des problématiques de pénuries d’eau pesantes. En effet, les ressources en eau potable dans les nappes souterraines et les grands lacs s’épuisent en raison du changement climatique mais aussi de la contamination des eaux par des substances chimiques. En parallèle, la demande mondiale en eau ne cesse de grimper sous des pressions liées à la croissance démographique, l’irrigation de l’agriculture intensive, la production industrielle et l’activité minière.  Plus de la moitié de la population mondiale se retrouve ainsi en situation de pénurie au moins un mois par an. Par ailleurs, 44 pays présenteront un risque de stress hydrique élevé à l’horizon 2040, avec parmi eux l’Arabie Saoudite justement ! Dans ce contexte dystopique et quand on sait que les mers recouvrent près de 75% des surface de la planète, la possibilité de produire de l’eau douce à partir de l’eau de mer apparaît comme un miracle. 

La facture est salée

Malheureusement, ce processus est loin d’être anodin. Le dessalement se fait aujourd’hui presque exclusivement par osmose inverse, une technique qui consiste à filtrer le sel grâce à une membrane ne laissant passer que les molécules d’eau. Il faut donc des pompes qui appliquent une pression forte pour faire passer l’eau au travers de la membrane (plus l’eau est concentrée en sel plus la pression doit être forte). Ce processus extrêmement énergivore est le plus souvent alimenté par des sources d’énergie fossiles (Pour rappel, l’Arabie Saoudite, les Etats-Unis et les Emirats arabes Unis sont les plus grands producteurs d’eau désalinisée…et parmi les plus gros exportateurs d’hydrocarbures). Ainsi, le dessalement devrait générer près de 400 millions de tonnes de CO2 en 2050. En outre, les dépôts sur membranes doivent être régulièrement nettoyées avec des produits chimiques. L’osmose inverse déverse donc dans les mers une eau chaude, concentrée en sel et en produits de traitement souvent polluants, détruisant la biodiversité marine. 

Au vu de ses répercussions environnementales, le dessalement de l’eau de mer est en fait une solution pansement plutôt qu’un remède aux pénuries d’eau. Pourtant, l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis ont déjà investi à eux deux $24,9 milliards dans la production d’eau dessalée. Autrement dit, des sommes qui pourraient être dirigées vers le développement de remèdes aux pénuries d’eau (agriculture raisonnée, dépollution des cours d’eau) sont aujourd’hui mises au service de consommations de l’eau injustes (parcs aquatiques construits au milieu de déserts pour les classes les plus aisées)

 

Pauline Gable

L3 Liss

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