La vidéosurveillance de masse 
Source: flickr.com

La vidéosurveillance de masse 

 

Dans les rues comme dans les métros, les caméras de surveillance sont aujourd’hui omniprésentes. Les passants qui étaient foules ou silhouettes deviennent ainsi au regard de ces yeux électroniques des visages identifiables. C’est pour notre sécurité. Vous n’avez rien à cacher de toute façon ?

En 2012, la CNIL (Commission Nationale Informatique et Libertés) faisait état de 935 000 caméras de surveillance installées en France. Aujourd’hui en 2023, ce nombre dépasse sûrement le million. 

 

Historique 

Des caméras de surveillance sont implantées pour la première fois à Levallois Perret en 1991. Cela fait près de trente ans que l’existence de ces caméras dans l’espace public est établie. 

En France, l’identification faciale est permise depuis 2012 pour les enquêtes judiciaires. 

La police judiciaire participe au remplissage du fichier TAJ (Traitement d’antécédents judiciaires) qui d’après le ministère de la justice est “utilisé lors des enquêtes judiciaires (recherche des auteurs d’infractions), administratives (recrutement à un emploi sensible…) et certaines enquêtes de renseignement.” Une partie de l’infrastructure de surveillance de la police repose sur le déploiement des caméras reliées au fichier TAJ.

 

Le TAJ mis à mal

Sans encadrement juridique, la police judiciaire peut abusivement utiliser et remplir le fichier TAJ. Par exemple, lors d’une interpellation de routine par les agents de  police, une personne peut être ajoutée au fichier. Le fichier recense actuellement huit millions de photos, et il suffit de croiser la police pour une raison tout à fait anodine pour être renseigné dans le TAJ. 

En 2018, la loi Informatique et Libertés indique que le traitement de toutes données biométriques dont fait partie le visage ne doit être réalisé qu’en cas de “nécessité absolue”.

L’utilisation de ces données personnelles par la police est pourtant massive : l’association la Quadrature du Net qui promeut et défend les libertés fondamentales dans l’environnement numérique note en 2021 que la police réalisait “1.600 opérations de reconnaissance faciale par jour, en dehors de tout cadre légal” à partir des huit millions de visages du fichier TAJ. Le Média, qualifie cet usage de “violation d’état de droit technologique”. 

L’utilisation massive de ces données soulève par ailleurs d’autres problématiques technologiques. On compte tellement de caméras de surveillance en France que les autorités, pour rendre exploitables les données vidéo récoltées, doivent faire accepter l’usage de logiciels de reconnaissance faciale ou de détection de comportement. Le décret TAJ de 2022 du Conseil d’Etat répond à la demande de légitimation et “autorise les policiers à utiliser des logiciels de reconnaissance faciale pour consulter sa base de données.”

 

Un glissement opportun : l’expérimentation de la vidéosurveillance lors des JO de Paris 2024

En pleine période de réforme des retraites, le 23 mars 2023, l’Article 7 de la loi sur les Jeux olympiques a été adopté par l’Assemblée nationale. Cet article autorise la vidéosurveillance algorithmique (VSA) jusqu’en décembre 2024. Celle-ci ne relèverait “pas de la surveillance biométrique”, ce que la Quadrature du Net réfute : “Cette technologie identifie, analyse, classe en permanence les corps, les attributs physiques, les gestes, les silhouettes, les démarches, qui sont incontestablement des données biométriques.” 

Puisque les JO requièrent des dispositifs d’ampleur pour surveiller les mouvements de foule ou les colis suspects, ces technologies ont été considérées comme proportionnelles. Mais on peut s’interroger sur leur processus de légalisation et sur l’encadrement de leurs  paramètres d’utilisation.

L’application de la VSA servirait à identifier des comportements “suspects”. Hormis la caractérisation arbitraire du comportement “suspect”, le fonctionnement des algorithmes est inconnu du grand public. Il apparaît urgent de mettre au courant la population face à une éventuelle pérennisation des logiciels de surveillance biométriques. Le journaliste Olivier Tesquet, dans une interview accordée au média QG, craint dans les jeux olympiques de Paris 2024 “d’intenses moments de normalisation de ces outils” de vidéosurveillance.

 

La Plume

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