D’après l’IFOP, 86 % des Français sont favorables à ce que le vote blanc soit pris en compte dans les résultats électoraux. Actuellement, seuls les bulletins portant le nom d’un candidat sont « exprimés ». La question fait l’objet de débats politiques depuis plus de 20 ans. Dangereuse pour les uns, nécessaire pour les autres, à l’approche de la Présidentielle et des Législatives de 2022 que penser de la prise en compte du vote blanc ?
« Vote blanc », « nuls », « suffrages exprimés »… De quoi parle-t-on ?
Tout citoyen peut voter blanc lors d’une élection. L’enveloppe qu’il glisse dans l’urne doit alors être vide ou contenir un bulletin vierge. Il ne faut pas le confondre avec un vote nul où le bulletin est invalidé parce que déchiré, annoté ou à un format non-réglementaire. Ces votes blancs et nuls sont dénombrés mais ne rentrent pas en compte dans les « suffrages exprimés ».
Admettons que lors d’une élection, une candidate verte remporte 100 voix et une candidate bleue, 50 voix. Les urnes comprennent également 50 votes blancs. Pourtant, à l’annonce des résultats, il ne sera pas précisé que la candidate verte ne l’emporte qu’avec 50% des voix, tous suffrages compris. Vous ne saurez pas non plus que la candidate bleue représentait 25% des suffrages, au même titre que les votes blancs.
On parlera plutôt d’une victoire à 67 % de la verte face à la bleue, donnée à 33%. Le nombre de votes blancs ne figure qu’en bas de l’écran. Ces résultats ne prennent en compte que les bulletins portant le nom d’un candidat.
Une réforme nécessaire au fonctionnement de la démocratie ?
En 2012, Nicolas Sarkozy se prononçait en faveur de la comptabilisation des votes blancs. « On ne peut pas dire à quelqu’un qui a fait l’effort de se déplacer pour voter que l’on ne reconnaît pas son vote. » Le refus de choisir un des candidats serait une opinion à part entière.
On peut considérer le vote blanc comme le reflet d’un « dégagisme » légitime. Il vaudrait mieux l’écouter et en comprendre la cause plutôt que de le réprimer. En 2003, les députés centristes de l’UDF, menés par Jean-Pierre Abelin, défendaient sa comptabilisation pour cette raison. Selon eux, le vote blanc pourrait constituer un « exutoire civique » et même permettre d’endiguer la montée du vote protestataire.
Au-delà même de sa prise en compte, certaines associations comme le « Parti du vote blanc » veulent faire du vote blanc un moyen de remise en cause de l’offre politique. S’il venait à représenter la majorité des suffrages à une élection, il faudrait annuler le scrutin et le réorganiser avec d’autres candidats.
Une réforme stérile et dangereuse ?
Ce dernier argument ne convainc pas Christine Fauvelle-Aymar, professeure de Sciences Politiques à l’Université de Tours. Interrogée par Le Monde au sujet des mesures visant à invalider un scrutin si les votes blancs ou l’abstention étaient majoritaires, elle s’inquiète : « Annuler un scrutin invalide pour refaire un scrutin ? On n’est pas plus avancés. » De fait, si le vote blanc est le reflet d’une « insatisfaction » voire d’un « dégagisme » face à l’offre politique, il ne permet pas de régler les problèmes qu’il dénonce.
Ces bulletins vierges pourraient également poser un problème de crédibilité. Imaginons un président élu au second tour avec 45% des voix, le reste étant réparti entre l’adversaire et les votes blancs. Quelle légitimité aurait-il pour gouverner puisqu’il n’a pas la majorité ? Pour le journaliste politique Jean-Michel Apathie, il deviendrait impossible de gouverner le pays. La comptabilisation du vote blanc serait « contraire à l’intérêt général ».
Certains diront encore que voter, c’est prendre parti, défendre des convictions. On peut citer Jean-François Copé, ancien porte-parole du gouvernement, déclarer en 2010 : « Proposer aux électeurs un bulletin blanc, c’est proposer le non-choix. » Selon lui, accorder une place trop importante à ce « non-choix » pourrait, à terme, mettre en danger la démocratie plutôt que la renforcer.
Pour le moment, chaque citoyen qui votera blanc en avril prochain à la Présidentielle ne verra pas son vote pris en compte dans les résultats. Néanmoins, le débat sur la place à lui accorder reste ouvert et reviendra sans doute sur la table.
By La Plume, Dauphine