Camille, 2019 : inspirée de faits réels.

Camille, 2019 : inspirée de faits réels.

 

La République Centrafricaine. Un pays enclavé, oublié au cœur du continent. L’un des plus pauvres du monde. Une jeune photo-reporter française, Camille Lepage, y débarque en septembre 2013, suivant de près une guerre civile exclue de l’éclairage médiatique.

 

Le président a été renversé en mars 2013 par les rebelles à majorité musulmane, que l’on appelle les Seleka. Ils prennent d’assaut Bangui et entament le début des violences dans le pays. Au sud de la capitale, des militants à majorité chrétienne, les anti-balaka, rassemblent des troupes armées pour éliminer les Seleka du territoire. La tension monte, la haine l’accompagne, galopante. Le pays est déchiré par des atrocités proférées par les camps rivaux.

Des soldats des forces anti-balaka le 15 octobre 2013

 

C’est dans cette atmosphère à vif, que l’on retrouve la  journaliste en quête de vérité, courant au fil de l’actualité, du feu au sang. Lunettes de soleil sur le front, cramponnée à son appareil photo, Camille évolue dans la Centrafrique de 2013. Un sourire franc accroché au visage, un regard au semblant rieur, mais qui ne néglige aucun détail. On sent tout le courage et la persévérance que dégage cette jeune photo reporter, tissant avec tant de simplicité des liens avec la population locale.

 

La confrontation avec la violence se fait dès les premières minutes. Soudain, on prend conscience de la réalité. La fiction est brisée dès la première apparition des images d’archives. Le reste du film semble alors se muer en documentaire. On suit Camille, son regard, on respire avec elle, le danger et le risque. La passion, le courage et l’engagement de la photographe, représentés avec brio par l’actrice Nina Meurisse, crèvent l’écran. La rencontre avec ses homologues français sur place met d’autant plus en lumière son état d’esprit si particulier : leur détachement tranche avec les racines qu’elle sent s’ancrer dans ce sol piétiné. Ils ne font que passer dans ce pays qu’elle affectionne tant et qu’elle continue de vouloir documenter malgré l’effacement progressif du conflit dans les médias français.

Soldats de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine ou MISCA, le 22 décembre 2013.

 

Si Camille s’évertue tant bien que mal à casser la frontière entre elle, photographe blanche, et eux, militants patriotes, elle parvient à s’immiscer dans leur vie, à capturer les instants d’action, les regards tombant dans l’obscurité ou se ravivant de la lumière des braises de la colère. Les mélodies locales, les chants, les larmes et les cris sont écrasés par les silences pesants qui accompagnent les photographies de Camille Lepage, défilant à l’écran entre deux scènes. Le vert éclatant de la brousse est tâché d’atrocités, rougeoyant devant sa caméra. Il se reflète dans les yeux de chaque centrafricain dont elle fait le portrait.

 

Le réalisateur Boris Lojkine retransmet au public toute l’absurdité de la situation ressentie par Camille. Une violence sans fin causée par une haine profonde, seul point de convergence des camps adverses. Elle assiste, sans armes, à l’effondrement d’un pays entier, dans les rues enfumées des villes, au sein de familles déchirées, à l’arrière d’une moto roulant vers un ennemi enragé.

 

Le générique fatidique défile. Dans la salle, le silence et l’obscurité couvrent le scintillement des larmes du public. Les mâchoires et les gorges serrées quittent la salle, emportant avec eux un peu de la mémoire de Camille et celle du peuple Centrafricain.

 

Aliénor Bierer

 

Camille, de Boris Lojkine.

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