Faut-il féminiser la langue française ? C’est en tout cas l’objectif de l’écriture inclusive. Son principe ? Promouvoir l’égalité des femmes et des hommes par le biais de l’écriture. « Ecrivaine », « pompière », cela peut paraître un peu étrange à la première lecture, mais après tout, n’est-il pas temps de faire évoluer les règles de la langue française ?
L’écriture, un nouveau champ d’action pour faire avancer l’égalité des sexes
L’écriture inclusive est définie par l’agence Mots-clés comme « l’ensemble des attentions graphiques et syntaxiques permettant d’assurer une égalité des représentations entre les femmes et les hommes ». Les inégalités hommes/femmes ont malheureusement la vie dure. Comme en témoignent par exemple les disparités de salaires en France, les hommes continuent de gagner en France en moyenne 23,5 % de plus que les femmes1. Pourquoi ce nouveau mode d’écriture ne pourrait-il pas faire changer les choses ?
Il existe trois grands principes au fondement de l’écriture inclusive2 :
- Accorder en genre les noms de fonctions, grades, métiers et titres (exemple : professeur.e )
- User du féminin par la double flexion ou le point au milieu (exemple : elles et ils pensent, les habitant.e.s)
- Ne plus utiliser de majuscules de prestige à «Homme»
Pour ou contre ?
A moins d’avoir vécu au fond d’une grotte pendant plusieurs mois, la polémique autour de ce nouveau mode d’écriture ne t’a sans doute pas échappé. Des réseaux sociaux aux journaux quotidiens, tous les médias se sont pris d’engouement pour ce dossier, que l’on pourrait presque qualifier de « sulfureux » au vu de la polémique qu’il a suscité.
En matière d’écriture inclusive, on peut distinguer deux grandes opinions publiques. D’un côté, les « progressistes », qui voient cette nouveauté du langage comme un pas de plus vers l’égalité. Pour d’autres, cependant, ce n’est qu’une mesure de plus, difficile à mettre en place et « qui ne servirait à rien ». Pessimistes ou bien réalistes ? Que défendent-ils ?
Pourquoi peut-on penser qu’une langue a la capacité d’exercer une influence sur notre société ?
Certains linguistes se sont déjà penchés sur la question. Connaissez-vous l’hypothèse de Sapir et Whorf ? Elle postule qu’une langue reflète les actions et les pensées de ses locuteurs. Cette hypothèse s’appuie notamment sur une expérience réalisée auprès du peuple des Himbas sur la perception des couleurs. Dans leur langue, ces individus ne font pas de différence entre la couleur « bleu » et la couleur « vert ». Ainsi, lorsque l’on montre à ce peuple un cercle composé de plusieurs carrés verts et d’un seul carré bleu, ils sont incapables de voir la différence. Au vu de cette expérience, la langue semble donc avoir une large influence sur notre façon de penser et d’agir. Bien que cette hypothèse puisse sembler quelque peu radicale, on ne peut pas pour autant nier qu’il existe un déterminisme linguistique.
Ce qui fait souvent l’objet de critiques, ce sont la difficulté et le coût que représentent la mise en place de cette nouveauté du langage. Nombreuses sont les étapes avant que ce procédé ne devienne largement diffusé : il faut d’abord le concevoir, puis l’enseigner et enfin le faire appliquer. De plus, comment juger de l’efficacité de ce changement ? Est-il trop tard pour changer la mentalité de la génération actuelle ? N’est-ce qu’une manière déguisée de répondre au problème ? Et puis, pédagogiquement, l’écriture inclusive ne rend-elle pas l’apprentissage de la lecture d’autant plus difficile ? Lorsque l’on apprend à lire, on a tendance à oraliser intérieurement chaque lettre d’un mot. Imaginez un enfant en plein apprentissage face au mot « agriculteur.rice.s » ! Cela nécessiterait une concentration immense afin de réussir à décrypter ce simple mot.
Mais finalement, une langue n’est-elle pas censée évoluer ? Une langue qui n’évolue pas finit en règle générale par mourir. D’un point de vue historique, la langue française n’a cessé d’évoluer. Chaque année, nombreux sont les mots ajoutés au dictionnaire français. À titre d’illustration, en 2017, le dictionnaire Larousse a intégré 150 nouveaux mots !
En définitive, l’écriture inclusive est-elle une simple révolution passagère ou un nouveau départ pour l’égalité hommes/femmes ? Qu’en pensez-vous ?
Camille Garry, DEGEAD2