Le dessein des lettres

En quête de plus rapide, à la recherche paradoxale d’une trace permanente, dans un monde où on n’a plus le temps, où on abhorre être patient, qu’est devenu l’humble écolier et son encrier face au dauphinois toujours prêt à dégainer son Mac, sa fierté ?

La feuille blanche et le simple crayon ont-ils encore, à l’ère du tactile, une mission ?

N’est-ce pas une illusion nostalgique que de regretter la plume hégémonique ?

Faut-il, sans résistance céder à l’heure du digital roi ?

Ecrire c’est prolonger sa pensée. Mettre des mots sur ce qui n’était qu’à l’état d’idée. Transformer l’abstrait en concret.

N’est-ce pas, au moment où l’on forme les lettres, que l’on fait éclore ce bourgeon, que l’on décide lesquelles de nos idées méritent qu’on leur offre une relative éternité face à celles qui, fugitives, ne seront pas figées sur papier ?

La graphie n’est-elle pas ainsi, le fruit d’un lourd effort, un travail personnel, que dis-je un miroir de notre personnalité, en ce sens où c’est par elle, que l’on a su hiérarchiser nos idées ?

Commencer, échouer, raturer, gommer, recommencer, surtout ne pas abandonner.

Voici une lutte qui transparait bien dans les cahiers de notre enfance moins bien dans ces pages Word aux lettres uniformisées.

Ces lignes où aucun accent hésitant, aucune lettre tremblante, aucun point nonchalant, ne vient perturber la bonne marche des lettres alignées.

J’entends dans les rondes de mes lettres, dans la danse enchanteresse des mots, la douce mélodie de mon enfance. Résonne alors la voix maternelle de mon enseignante, ses conseils empreints de douceur et de générosité, qui ont permis, à celle que je suis aujourd’hui, d’exister. Ces lettres manuscrites tentent, par leur singularité, de lutter contre cette uniformisation des lettres se conjuguant à  l’uniformisation de nos pensées.

Là où le crayon impose, le clavier subit, à l’image de nos cerveaux de plus en plus passifs, laissant au monde extérieur, la totale liberté de nous dicter nos idées.

Il est temps de prendre du recul, fasse à cette technologie dont tout le monde s’émerveille, en prenant conscience, contre l’idée générale, qu’elle nous contraint plus qu’elle ne nous libère.

Gardons tout de même une part de sympathie à son égard : sans ces touches magiques, vous n’auriez sûrement jamais lu ces lignes !

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