La Sérénissime en péril

La Sérénissime en péril

Venise, une des plus belles villes d’Europe célébrée pour son incroyable architecture, en est aussi l’une des plus fragiles, et cette vulnérabilité s’accroit d’années en années. En effet, les problèmes que rencontrent Venise dépassent ceux que posent habituellement la conservation et la restauration des œuvres d’art. Le réchauffement climatique et la montée des eaux, la pollution, le flux incessant de pétroliers dans la lagune constituent autant de  menaces aggravant la possibilité de voir disparaitre un jour Venise et son patrimoine  sous les eaux.

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Construite sur 118 petites îles reliées par 177 canaux, Venise est une ville fragile et complexe, envahie chaque année par les grandes marées. Parallèlement à cela, la Sérénissime s’est enfoncée de 23 cm au cours du XXème siècle, et cette situation n’est pas prête de s’arranger.

Le sort de Venise ne dépend pas seulement de facteurs physiques qu’il suffirait de modifier par des techniques appropriées afin de sauvegarder le patrimoine ; Venise est gravement menacée par son environnement, notamment par la montée dramatique des eaux. C’est ainsi que de nombreux projets sont mis en place afin de « Sauver Venise ». Moïse (MOSE en italien, acro­nyme de MOdulo Sperimentale Elettromeccanico), l’un des plus importants, mobilise depuis 1993 près de 50 entreprises sur 20 km de chantiers en mer et sur terre afin de protéger Venise de « l’Acqua Alta ». Le but de ce projet est  de fermer la lagune de Venise à trois endroits : Lido, Malamocco et Chiogga, qui correspondent aux trois portes de la ville. Cette fermeture ne serait pas définitive mais plutôt réglée par un ingénieux système de digues permettant de réguler la montée des eaux. C’est ainsi que 78 digues mobiles rétractables, en forme de boites gigantesques, seront insérées dans d’immenses caissons reposant au fond de la mer.

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 En cas de marées dépassant une limite fixée, ces digues seront gonflées et élevées à la verticale, bloquant les portes et protégeant la lagune. Ce système, qui devrait pouvoir protéger Venise d’une marée haute de trois mètres, devrait être opérationnel en 2014.

A côté du projet Moïse, d’autres idées ont également été étudiées afin que Venise ne devienne la nouvelle Atlantide .C’est ainsi qu’une équipe de chercheurs de l’Université de Padoue, en Italie, propose de soulever le sol de Venise en injectant d’énormes quantités d’eau de mer en profondeur, ce qui selon eux permettrait d’éviter toute nouvelle inondation de Venise par les grandes marées, et contribuer à améliorer l’efficacité du projet Moïse. Pour cela, trois puits seront creusés à une profondeur comprise entre 600 et 800 mètres de profondeur, à l’intérieur desquels de l’eau pompée en mer sera injectée afin de créer une pression en sous-sol susceptible de soulever la surface de plusieurs dizaines de centimètres, entre 25 et 30 centimètres au bout de 10 ans. Décriés, nécessitant des moyens considérables, ces projets ambitieux ne suffiront néanmoins pas, selon certains experts, à épargner Venise de la montée des eaux.

Menacée par les éléments naturels, Venise l’est aussi par le développement économique, et notamment par le passage incessant, et cautionné par l’Etat, des paquebots dans sa fragile lagune. En effet, les vagues profondes crées par le passage de ces monstres maritimes creusent les fonds, transformant peu à peu la lagune en bras de la mer adriatique et provoquant un phénomène d’érosion sur les fondations de la cité… C’est sans parler de la pollution qu’ils engendrent aussi : chaque paquebot libère en une seule journée l’équivalent de 14 000 voitures.

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Désabusées, les autorités vénitiennes se sentent victime de l’Etat et de son optique purement industrielle et économique -celui-ci touche 40 000 euros via les autorités portuaires à chaque mouillage-.
Malgré tout, ce développement économique pourrait être non pas le mauvais génie de Venise mais sa dernière chance de salut. En effet, les mêmes consortiums industriels qui creusent aujourd’hui la lagune pour faciliter le passage de leurs navires, et qui ont le pouvoir de détruire progressivement le patrimoine et la beauté de Venise, ont aussi les moyens financiers et le savoir technique pour mettre en œuvre des travaux publics de grande envergure afin de sauver le patrimoine vénitien …

Sauvegarder Venise, c’est aussi tenter de rénover les merveilles d’art et d’architecture qui la compose, dont la plupart ont subi de graves dégâts lors des inondations de 1966 ; dépassées, manquant de moyens, c’est le 4 Novembre de cette même année que les autorités vénitiennes ont décidé de mobiliser la solidarité internationale au service de la ville via un appel à l’UNESCO. C’est ainsi qu’une cinquantaine de comités privés à travers le monde agissent aujourd’hui sous son égide afin de sauver le patrimoine vénitien. Le plus célèbre, l’américain « Save Venice », a participé et participe toujours à de nombreuses restaurations depuis 1967 : Ca’d’Oro (célèbre palais à la façade jadis recouverte de feuilles d’Or), San Marco, San Paolo, Gallerie dell’Accademia, église de San  Sebastiano … On compte également le Comité Français pour la Sauvegarde de Venise, première institution privée Européenne et seconde mondiale par l’importance des ressources financières apportées à la préservation du patrimoine, qui a permis entre autres la réhabilitation de la basilique de la Salute, d’une partie de la Place Saint Marc ou encore des chevaux ornant la façade de la basilique Saint Marc.

Aujourd’hui la majorité des Palais et Eglises ont été restaurés, tout du moins de l’extérieur, car de nombreuses fresques intérieures, sculptures et tableaux restant encore à rajeunir. De même, si la majorité des travaux de restauration ont été consacrés aux monuments, de nombreux habitats sont aujourd’hui à l’abandon ou aux mains de promoteurs immobiliers peu soucieux du patrimoine vénitien. A côté de la montée des eaux et de la préservation des monuments historiques, la restauration de cette architecture domestique constitue un autre enjeu pour la ville … Il faut sauver Venise !

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