Critique ciné : Cosmopolis de David Cronenberg

Cosmopolis, les révélations d’une prostate asymétrique

par Julien Laurian

 

Le génie peut-il s’épuiser ? C’est la question que pose David Cronenberg, réalisateur génial de La Mouche de 1986 ou encore de A History of Violence, avec son nouveau film Cosmopolis, adaptation du roman de Don DeLillo, présenté au festival  de Cannes.

Non pas que le film aboutisse à une quelconque réflexion sur le sujet, non. C’est le génie de Cronenberg qui est ici atteint.

L’œuvre du réalisateur canadien est un tout constitué d’une mise en scène grandiose, de dialogues irrésistibles et d’une profonde réflexion sur l’humanité et la violence….  Ah, non. Veuillez m’excuser, je confonds avec l’ancien  David Cronenberg.
Là, c’est juste l’histoire, inscrite dans un univers cyberpunk désabusé, d’un jeune milliardaire, génie de la finance qui veut traverser la ville en limousine pour aller chez le coiffeur.  Mais mon Dieu, quel enjeu dramatique !

Dans la première moitié qui se passe exclusivement dans la limousine, malgré une utilisation intéressante de la focale et de l’espace clôt qu’est la voiture, on suffoque sous le poids de la bavardise omniprésente et étouffante que renferme la voiture.

Et cela dure… 1h48 de blabla pompeux et pseudo-intellectuel. Parfois mis en situations grossières, les dialogues parfois répétitifs, souvent mal construits, toujours ennuyeux, ont au moins le mérite de mettre la patience des spectateurs à l’épreuve (Jamais il ne m’avait été donné de voir tant de départs lors d’une séance de cinéma.).
Difficile alors de juger Robert Pattinson ou les autres acteurs qui ne font que réciter platement leurs textes sans pouvoir s’exprimer outre mesure.  Seul Mathieu Amalric, hilarant en tant qu’entarteur de renom international à l’accent franco-russe lamentable, tire son épingle du jeu. Problème : sa scène ne dure que 2 minutes.

Certains voient dans cet objet anti-spectaculaire volontairement extrême une réflexion poussée sur le système économique et l’effondrement du capitalisme moderne. Pourtant celle-ci repose sur l’analogie liant la prostate asymétrique du héros et les variations du yuan. A partir de là…

Non, le film est raté car il s’agit avant tout d’un problème de cinéma. En adaptant littéralement une œuvre littéraire Cronenberg fait du cinéma un simple support du discours là où le discours devrait être un rouage du cinéma. Et pour recouvrir cette surface cinématographique, le discours est obligé de se manifester de manière ostentatoire en banalités maquillées sous des métaphores foireuses.
En en disant trop, Cosmopolis ne raconte plus rien.

Bref, film à voir uniquement pour mieux apprécier le prochain.

Cet article a 1 commentaire

  1. On en avait un peu discuté à la soirée Julien, maintenant je l’ai vu et je peux en dire deux mots ! Pour ma part, pas une si grosse déception. J’ai eu droit à mon lot de départs pendant la séance (pour reprendre une thèse du film, sont-ce des syndromes, des imitations d’autres personnes qui sont sorties de la salle avant ? Aha, je sors de la projection, je suis encore en train d’analyser !)
    Analyser, probablement ce qu’il ne faut pas faire trop longtemps. Comme tu le dis le discours, qui est central, est un peu confus. Même si la plume de de Lillo est moins austère que beaucoup d’auteurs contemporains, les idées qu’il brasse n’en restent pas moins compliquées et si j’en crois les on-dit, Cosmopolis est loin d’être son chef-d’œuvre. Je pense d’ailleurs que ses premiers bouquins sont bien plus adaptables au cinéma que les derniers, plus atmosphériques et intello (souvent faits d’allégories, comme ici cette quête pour le coiffeur).
    Malgré ce texte un peu bancal, j’ai trouvé fascinant la façon dont Cronenberg raconte l’histoire. La caméra est bien sûr impeccable, tant dans la limousine qu’en dehors. La manière dont s’installe progressivement l’ambiance «la fête est finie» est remarquable, c’est dans ces derniers moments que j’ai trouvé Pattinson assez juste, assis sur sa chaise de coiffeur en train de manger des restes, errant près d’un entraînement de basketball. L’apparition d’Amalric donne un deuxième souffle au film et le fait vraiment basculer. Une fois que la spirale commence j’ai bien vite oublié la première partie et là j’ai vraiment pris mon pied. Paul Giamatti est énorme comme souvent, la caméra se fait moins pesante et la bande-son colle parfaitement à l’ambiance.
    Peut-être pas la Palme d’Or, peut-être pas la meilleure preuve du génie de Cronenberg, mais un film costaud qui ne mérite pas qu’on s’échappe avant la fin de la première heure !

Laisser un commentaire

Fermer le menu