Gossips artistiques : Racine et ses fréquentations
Versailles, théâtre d'intrigues et de rivalités

Gossips artistiques : Racine et ses fréquentations

A la fin du XVIIème siècle, le Versailles de Louis XIV est l’épicentre de la vie culturelle. Les plus célèbres artistes s’y côtoient, non sans quelques accrocs. Plongée dans dans la vie tumultueuse des dramaturges. 

Vous êtes-vous déjà demandé comment vivaient les figures du passé ? Non ? Pourtant, auteurs, artistes et dirigeants politiques sont avant tout des humains, avec leurs sentiments, leurs rancunes et leurs affinités. Si les grands noms des siècles passés ne se fréquentent pas tous, ils se connaissent au moins de nom. Et avec le succès viennent les rivalités (nombreuses), les admirations, et les amitiés (moins nombreuses). 

Entre admiration et rivalité 

Sous Louis XIV, un artiste ne connaît le succès que s’il est apprécié du roi. Dramaturges, poètes, peintres et romanciers se disputent donc les faveurs du Roi Soleil. Entre Racine, Molière et Corneille, les plus grands hommes de théâtre de l’époque, la concurrence est féroce. L’abbé d’Aubignac, un contemporain, témoigne par exemple d’une forte hostilité entre Molière et Corneille. 

La rivalité entre Molière et Racine naît en 1664, alors que Molière est déjà bien installé et que Racine débute. Pour la représentation de sa pièce Alexandre Le Grand, Racine offre le texte à la troupe de Molière, ainsi qu’à une troupe rivale. La tragédie est jouée dans deux théâtres à la fois, ce qui est contraire aux usages de l’époque. Molière et ses comédiens voient cette duplicité comme une trahison. Que Racine ait cherché à offenser son aîné ou non, leur relation en est à jamais entachée. Pour couronner le tout, Racine entame une relation amoureuse avec une des comédiennes de Molière, ce qui la conduit à quitter la troupe. En réponse, Molière fait jouer une pièce-pamphlet se moquant de Racine. De quoi détruire tous rapports amicaux entre les dramaturges. 

Si on comprend pourquoi Molière et Racine s’évitent, sa relation avec Corneille est plus floue. Là encore, Racine est bien plus jeune, et nourrit une grande admiration pour Corneille. Selon certains, Racine lui aurait même soumis une de ses premières pièces pour avoir ses commentaires. Mais les deux hommes ont des visions opposées du théâtre. Alors que Racine introduit des thèmes romanesques et des personnages en victimes de leurs émotions, Corneille préfère un héroïsme classique. Le public compare alors Corneille, vieillissant, au nouveau dramaturge en vogue. Quand Racine s’attaque au sujet de prédilection de Corneille, la tragédie romaine, il le prend comme un affront. Corneille est l’un des plus virulents critiques de Britannicus, qu’il prédit même être un fiasco. Pourtant, Racine triomphe. En contrepartie, Racine perd un mentor, et Corneille un admirateur. 

De joyeux lurons

Nicolas Boileau et Racine sont sans doute les plus célèbres “bff” de la fin du XVIIème siècle. Leur amitié est bien connue de leurs contemporains, et leurs correspondances font état de ces liens. A tous les égards, Boileau est le plus proche ami de Racine. 

Mais le tragédiste compte aussi parmi ses amis un certain Jean de la Fontaine. Pendant un temps, Racine et le fabuliste du roi se côtoient tous les jours… au cabaret. Les deux hommes sont en effet originaires de villes voisines, et très amis malgré leur différence d’âge. Même leur rivalité pour l’amour d’une jeune comédienne - qui finira par choisir Racine - ne parvient pas à les séparer.

De cette relation privilégiée restent de nombreuses lettres. L’académicien Erik Orsenna écrit même : “Ils vécurent comme deux frères, se voyant à Paris autant qu’ils le pouvaient, s’écrivant dès qu’une circonstance les séparait.». Bref, une vraie bromance.

Et Lully, la marquise de Sévigné, Perrault ? Tous se sont croisés à la Cour de France, mais sans entretenir de relations notables. Lully et Racine ont par exemple collaboré pour l’Idylle sur la Paix, après la mort de Molière. Charles Perrault a pu faire quelques suggestions à Racine au début de sa carrière. Enfin, c’est Madame de Sévigné qui relate dans ses lettres les querelles entre Racine et Corneille. Comme quoi, le XVIIème siècle était lui aussi friand de drama(turges). 

By La Plume, Dauphine



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