Léon Thebault, 19 ans, a lancé en septembre dernier la première antenne étudiante du parti Europe-Écologie-Les-Verts à Sciences-Po. Parce que, de ses mots, l’écologie ne se résume pas à la lutte contre le réchauffement climatique et que les jeunes sont les piliers du renouvellement politique, il a souhaité présenter aux étudiants dauphinois son initiative.
- Peux-tu présenter ton projet ?
Il s’agit d’une antenne qu’on a créée en septembre et qui compte déjà 35 membres. On l’a lancée avec le soutien de notre secrétaire national, Julien Bayou. On est un réseau d’antennes étudiantes directement reliées au parti, ce qui n’existait pas jusqu’alors pour EELV. Après avoir discuté avec Julien Bayou, on a commencé le projet qui s’est finalisé à la rentrée de septembre. Elle représente la première antenne, historiquement.
- Le paysage politique français est en pleine mutation avec la montée des extrêmes, la montée au pouvoir d’une formation politique nouvelle ainsi que le très bon score des Verts aux derniers scrutins. Comment expliques-tu, à ton échelle, ce renouvellement ?
On a un renouvellement total, qui se retrouve aussi dans d’autres pays européens (Allemagne, Belgique) avec d’un côté une montée des extrêmes et d’un autre un ancrage des partis écologistes qui s’est traduit, en France, par les européennes, les municipales et récemment les sénatoriales.
À mon avis, ce qui peut d’abord expliquer cela est une crise de confiance entre les Français et les élus. Comment peut-on avoir confiance en celles et ceux qui sont là depuis 40 ans et qui nous servent les mêmes discours, qui ont rarement tenu leurs promesses et qui sont régulièrement remis en cause dans des affaires de corruption ou d’agressions sexuelles ? Cela se ressent d’ailleurs dans les chiffres de l’abstentionnisme. Si on regarde les municipales, 78% des 18-30 ans ne se sont pas déplacés aux urnes, ce qui nous amène au bord d’une catastrophe démocratique.
Deuxième chose plus réjouissante, c’est l’envie d’avoir des transformations profondes dans la société. On a besoin d’une société plus résiliente pour faire face aux crises sociales et sanitaires. L’écologie politique répond justement à ce paradigme en proposant une société à la fois plus respectueuse des hommes et de l’environnement.
- Ce renouvellement est-il nécessaire afin que les bonnes problématiques soient abordées ?
Je pense qu’on était obligés d’avoir cette rupture avec le paysage politique traditionnel pour faire émerger de nouveaux partis. Il ne faut pas oublier que l’écologie ne se limite pas à la lutte contre le réchauffement climatique. C’est vraiment un projet global de société qui touche toutes les dimensions. L’écologie doit être transversale, d’où l’importance d’avoir une émergence des partis écologistes. Ce sont les seuls qui ont cette prise de conscience globale et proposent l’écologie comme véritable alternative.
- Emmanuel Macron a souhaité incarner cette rupture. Comment analyses-tu cela après un peu plus de 3 ans de mandat ?
Le problème est qu’il s’agit d’une rupture sur la forme avec son mouvement et des belles paroles. Dans les actes, ce n’est pas le cas. D’ailleurs, si on lit les quelques éléments de son programme qui étaient sortis durant la campagne, on s’aperçoit que le fond n’était pas du tout en rupture. C’était typiquement la même politique qu’on nous sert depuis 50 ans et où on nous présente le néolibéralisme comme la seule voie possible pour sauver nos économies, pour sortir de la pauvreté et même répondre au changement climatique. En réalité, c’est ce même modèle qui a causé le réchauffement climatique. La grosse différence réside dans le fait qu’on propose un projet qui est une rupture avec la société actuelle, avec notre fonctionnement économique, social et démocratique.
- Comment les jeunes peuvent-ils s’engager pour l’écologie ?
Il y a d’abord l’engagement classique, associatif, qui est important tout comme l’engagement lors des mobilisations citoyennes (marche pour le climat, les grèves du vendredi…). Elles ont d’ailleurs permis de mettre un peu sur le devant de la scène ces problématiques.
Il y a aussi l’engagement au sein des partis politiques qui est souvent délaissé et qui est pourtant, lui aussi, très important. Si on veut réussir à transformer notre société, on peut le faire dans la rue mais il faut surtout le faire dans les urnes et au sein des assemblées démocratiques. La politique est un formidable moyen pour agir concrètement. On peut prendre un exemple assez récent : la réforme qui proposait des dérogations pour les néonicotinoïdes[1] pour la production des betteraves sucrières notamment en Picardie a été adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture. Récemment, elle a été rejetée au Sénat d’une voix. Une voix que nous n’aurions pas eue il y a quelques mois, parce qu’on n’avait pas de groupe écologiste au Sénat. La politique, c’est vraiment agir concrètement. (Ndlr. Le projet de loi a bien été adopté par le Sénat et l’amendement rejeté d’une voix l’a été suite à confusion. Il a été de nouveau délibéré et accepté.[2]).
- Penses-tu que la volonté des jeunes peut changer les choses ?
L’enjeu écologique est primordial pour toute la société et d’autant plus pour les jeunes qui sont les premiers à le porter et à le défendre lors des mobilisations. On le voit aussi lorsque les jeunes se déplacent pour aller voter, car ils votent pour des écologistes, que ce soit pour le parti écologiste ou pour des listes qui incarnent un changement de modèle et qui défend l’écologie (ndlr. 25% des 18-24 ans ont voté pour EELV aux élections européennes, ce qui représente le premier parti pour cette tranche d’âge, selon une source Ipsos/Sopra Steria). Je crois qu’il y a une véritable prise de conscience. Il n’y a même plus besoin réellement de sensibiliser les jeunes, on est déjà sensibilisés mais il faut réellement leur donner les moyens d’agir. Oui les manifestations et mobilisations sont essentielles mais agir politiquement, c’est participer à construire la société, c’est passer de la parole aux actes. On est beaucoup plus réveillés que nos aînés. Si on veut vraiment lutter contre l’abstentionnisme des jeunes et leur permettre un retour dans l’engagement politique, c’est aux vieilles structures des partis politiques de reprendre leur rôle de politisation de la jeunesse. Un rôle qui a été complètement délaissé. C’est aussi le rôle de notre antenne, de donner les moyens aux jeunes de faire entendre leur voix, de faire de porter leurs revendications et d’agir concrètement.
- Les jeunes sont-ils plus engagés qu’il y a 20 ans ?
Je ne dirai pas qu’ils sont plus engagés. Ils l’ont toujours été. On est engagés d’une manière vraiment différente, peut-être plus souple, moins structurée au sein de syndicats et de partis politiques. On a aussi l’apparition de nouveaux moyens de mobilisation avec le numérique, les réseaux sociaux. La capacité de diffuser largement l’information a peut-être même permis un engagement plus important des jeunes aujourd’hui. Cependant, il y a une absence des jeunes dans l’engagement au sein des partis politiques. Comme je le disais avant, pour moi le problème n’est pas la jeunesse mais plutôt nos structures. On doit adapter les partis politiques à notre génération. On a fait croire pendant très longtemps aux jeunes qu’on leur laissait une place, mais on les a écoutés sans les entendre réellement et sans prendre en compte leurs revendications, ce qui fait écho à la crise de confiance.
- Les réseaux sociaux ont-ils accentué ce phénomène ?
Il faut tout de même noter que par les réseaux sociaux, on ne fait pas de la politique. On diffuse, on sensibilise, on milite mais il faut aussi une autre forme d’action qui est l’action politique. Ils sont cependant essentiels aujourd’hui pour avoir un rôle de caisse de résonnance mais ils sont indissociables d’un engagement politique. C’est aussi par la démocratie et par les urnes qu’on peut agir concrètement.
- Qu’est-ce que tu peux apporter à un individu qui a 18, 20 ou 23 ans aujourd’hui ?
On lui donne les moyens d’agir et de faire entendre sa voix. On peut résumer notre fonctionnement en 3 mots : écologie, démocratie et partage.
Écologie parce qu’évidemment on défend les valeurs de l’écologie politique au sens large, pas seulement la lutte contre le changement climatique mais aussi le féminisme, le droit des animaux, les questions économiques et sécuritaires en ayant des actions concrètes sur le terrain.
Démocratie parce que c’est aussi un lieu de débat politique et démocratique où chacun peut participer. C’est un lieu ouvert et inclusif et on n’a pas besoin d’être encartés chez Europe-Écologie-Les-Verts pour militer au sein d’une antenne étudiante.
Enfin partage parce que c’est ensemble que l’on peut participer à transformer cette société.
On propose notamment d’agir sur des problèmes concrets propres à nos écoles. Par exemple, à Sciences-Po, on vient de lancer une campagne contre le partenariat financier qui lie notre école au groupe pétrolier Total.
On peut aussi faire remonter les revendications, les idées de réformes que les jeunes pourraient avoir dans le parti. Enfin, on est un soutien majeur lors des campagnes thématiques du parti mais aussi lors des campagnes électorales. En ce moment par exemple on donne un soutien à la campagne des régionales derrière la candidature de Julien Bayou en Île-de-France.
On part de l’écologie de proximité. C’est de cette façon qu’on va pouvoir faire gagner l’écologie que ce soit dans la pensée, dans les actes ou dans les urnes. On n’hésite pas à dénoncer et à critiquer les politiques qui sont mises en place, à critiquer nos écoles lorsqu’elles sont défaillantes sur ces questions. On est aussi là pour proposer des solutions. On va être dans la construction d’alternatives pour écologiser nos campus par exemple.
L’antenne nous permet à la fois de participer à la vie politique interne du parti, de notre école et plus largement à la vie politique du pays.
- L’écologie est-elle politique ?
L’écologie est éminemment politique. La politique, c’est le fonctionnement de la Cité. Or l’écologie propose un nouveau fonctionnement de notre Cité et de notre société de manière générale. Un fonctionnement plus respectueux des Hommes, de l’environnement mais aussi de la démocratie. Inégalités, sécurité, féminisme, économie : autant de problématiques auxquelles l’écologie répond. L’écologie est transversale, tout comme la politique.
- Que conseillerais-tu à un Dauphinois qui veut créer une antenne ?
Tout d’abord, on est là pour l’accompagner. Je suis en charge d’encadrer le développement du réseau d’antennes. On a des kits de lancement avec à la fois des statuts pré-rédigés, des éléments de communication et même des propositions de campagnes thématiques qu’on peut lancer dès le début, pour mobiliser. On sera donc là pour l’accompagner de A à Z et même durant le fonctionnement de cette antenne. Il faut aussi retenir que l’important, c’est de se faire plaisir. On doit défendre des projets, des idées qui nous tiennent à cœur. On n’est pas seulement un relais de de notre parti. L’idée n’est pas de défendre EELV mais avant tout de défendre l’écologie politique et l’engagement politique des jeunes.
- Que souhaites-tu dire à ceux qui nous lisent aujourd’hui ?
Il ne faut pas avoir peur d’agir, de s’engager et de faire de la politique. C’est souvent un mot qui effraie notre génération, moi le premier. Pendant longtemps, j’ai préféré l’engagement associatif. J’ai appris que l’engagement politique nous permet d’agir concrètement. On a marché pour le climat, on a dénoncé l’inaction de nos élus et aujourd’hui, on a l’opportunité de participer à la construction de notre avenir. Il ne faut pas la laisser passer et il ne faut pas hésiter à lancer une antenne étudiante EELV pour porter ces valeurs.
- Un dernier mot ?
Sans la jeunesse, on ne pourra pas faire gagner l’écologie. Sans un engagement politique massif de la jeunesse, on ne pourra pas transformer notre société. C’est un peu le résumé de de notre initiative.
Propos recueillis par MARIÉ Marc-Adrien
[1] https://www.vie-publique.fr/loi/276032-loi-derogation-utilisation-pesticides-neonicotinoides-betteraves
[2] https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/neonicotinoides-le-senat-supprime-par-inadvertance-les-derogations-avant-de