L’expression pourrait prêter à sourire, et pourtant, elle s’illustre aujourd’hui concrètement par le programme des Républicains d’une part, qui prône un léger stimulus en 2017 en France, et par le programme du nouveau président des Etats-Unis d’autre part, dont deux des piliers constituent des mesures intrinsèquement keynésiennes. Un déficit décomplexé.
On a donc jamais eu autant la preuve que la politique, ensemble de décisions prises centralement, se désarticule de l’économie. L’association systématique des gauchistes avec keynésiens et droitistes avec libéraux sonne faux. Cette fausse note, elle résonne en fait depuis bien longtemps. Le tournant de la rigueur de 1983 sous Mitterrand, la relance Chirac après les chocs pétroliers, le programme de libéralisation par Macron, autant d’exemples qui montrent chacun à leur manière que les partis politiques ne se cantonnent pas aux clichés économico-politiques que la société a établis. Le politique semble s’éloigner de ces préconceptions lorsque l’économie le lui impose. Cependant, il apparaît comme légitime de se demander si la relance est en effet la clef vers une économie plus saine. Une relance en 2017, choix de raison ou stratégie politique ?
Avec le populisme qui monte, la relance keynésienne, en période électorale, est un terme plutôt populaire. Faire un peu de déficit, baisser les impôts, relancer l’économie via des projets d’infrastructures qui créeront des emplois… Autant de carottes électorales que de gains réels, à court terme. Cependant les libéraux nous le diront tous, la relance à court terme s’associe souvent à des difficultés à plus long terme. Selon Ricardo, elle est même aussi inefficace à court terme, étant donné que les agents anticipent une inversion de cette politique à plus long terme. Alors pourquoi faire de la relance, si l’on sait que cela ne sera qu’éphémère ? Parce que sous l’hypothèse d’une insuffisance de la demande, une relance apporterait le petit coup de boost qui permet de remettre une économie sur sa trajectoire de long terme. De plus, le timing apparaît comme opportun, les faibles taux d’intérêt permettant de s’endetter à bas coûts.
Sauf qu’aujourd’hui en Europe, personne n’est vraiment en mesure de dire où est l’économie par rapport à son potentiel. Les politiques d’offre n’ayant pas donné le résultat escompté, les économistes se penchent effectivement aujourd’hui sur l’hypothèse d’une économie en bas de son cycle. Même le FMI commence à changer son fusil d’épaule, la France n’étant apparemment pas la seule à souffrir d’une insuffisance de la demande. Une inflation proche de zéro est en effet un aspect qui penche en faveur de l’hypothèse de faible demande. Alors tenter une relance qui ne coûtera pas très chère du fait des bas taux apparaît comme une solution raisonnable. Raisonnable, mais malheureusement peu prometteuse, du moins pour la France. Si la France se lançait seule dans l’aventure keynésienne, le risque d’importer toutes les dépenses faites et de relancer uniquement les économies voisines est élevé. On se souvient encore trop bien du plan Mauroy de 1981. Malheureusement, une coordination européenne n’est pas au goût du jour… Avec une dette à 98,4% du PIB, la relance, si elle est tentée, devra être bien pensée.
Aux Etats-Unis, malgré une dette à plus de 100% du PIB, le contexte est bien différent. Après une première bouchée difficile, les marchés financiers ont finalement bien digéré l’élection de Donald Trump. Les bourses sont généralement un bon indicateur pour les économistes : sous l’hypothèse d’efficience des marchés, les indices boursiers reflètent la confiance des investisseurs, bonne camarade de la croissance économique. La remontée des bourses ne nous étonne qu’à moitié. Outre les programmes de relance d’infrastructures et les baisses d’impôt, le président souhaite une déréglementation de la finance, qui plaît aux marchés. Enfin, les mesures protectionnistes qui seraient un moyen de limiter l’effet d’éviction de la relance qui pèse sur la France, auraient des répercussions trop importantes sur les exportations américaines pour que les marchés y croient vraiment. Ce que les investisseurs ont retenu, c’est bien l’attitude pro-profit et pro-finance de Donald Trump. La relance économique, elle, apparaît plutôt comme un luxe pour une économie proche du plein emploi et qui affiche une croissance positive depuis 2010. De plus, pour que des investisseurs arrêtent d’investir dans des entreprises innovantes mondiales au sein de la première économie mondiale émettant la monnaie de réserve mondiale, on comprend qu’il faudrait bien plus qu’un changement présidentiel et de politique économique. Une guerre commerciale avec la Chine peut-être ? Pour l’instant les marchés n’y croient pas vraiment et sortir des accords commerciaux apparaît comme trop couteux, sur le plan administratif comme économique. Mais depuis 2008, on sait que les marchés se trompent parfois. N’est-ce pas ?
Article réalisé par une élève du master 111 - Economie Internationale et Développement
Note de l’éditeur : les opinions exprimées dans cet article sont les opinions de l’auteur, et ne reflètent pas nécessairement celles des masters 111 et 211 de l’Université Paris-Dauphine.