Le PSG, Hôtel Concorde Lafayette, LVMH, Le Printemps, … Toutes ces enseignes ont été la cible des investissements du fonds d’investissements qatari «Qatar Investment Authority». Ce dernier permet au Qatar d’étendre son influence et de développer son soft power …. La Plume décrypte pour vous comment cet émirat de la taille de la Corse cherche à s’imposer sur la scène internationale !
D’AL-JAZEERA AU MONDIAL 2022
L’arrivée au pouvoir de Hamad bin Khalifa Al Thani en 1995 a marqué le début d’une nouvelle ère pour la Qatar, un jeune pays né seulement en 1971. L’émir souhaite répondre à deux défis : préparer l’ ”après hydrocarbures” et pallier la petite taille du pays pour s’imposer comme une puissance régionale. A défaut de pouvoir développer son ”hard power”, le pays mise sur le ”soft power” et notamment les médias. La chaîne Al-Jazeera, créée en 1995, surnommée ”CNN arabe”, est devenue une source d’information de référence et a permis de briser le monopole occidental sur les médias : Al Jazeera se définit elle-même comme le ”porte parole de l’opinion publique arabe”. La chaîne contribue à façonner l’image d’un pays moderne, libéral et ouvert sur le monde, à nuancer bien sûr, étant donné que la ligne éditoriale est en partie contrôlée par le pays.
Au delà des médias, le Qatar mise sur le sport et l’organisation de compétitions internationales grâce à un budget quasi illimité : Open de Doha de Tennis depuis 1993, Tour de Qatar de Cyclisme, volonté d’accueillir un grand prix de Formule 1 d’ici 2017, masters de Golf, mondial de Handball cette année, et bien sûr le rachat du club Paris Saint Germain, … Sans oublier l’organisation du mondial de football 2022 ! Le sport est un vecteur efficace du soft power qatari. Populaire et médiatisé, il permet au Qatar de tisser des liens étroits avec les pays occidentaux et d’accroître l’attractivité du pays, en donnant l’image d’un partenaire économique passionné de sport et mécène. En effet, le pays a aussi soigné son image de ”défenseur des arts”, en finançant notamment l’aile d’ ”art islamique” du Louvre ou encore en ouvrant le musée d’Art Moderne à Doha.
LE NATION-BRANDING : A LA CONQUÊTE DE L’OCCIDENT
Le Qatar cherche à se démarquer de ses voisins et à se présenter comme le meilleur allié dans la région : un allié fiable, riche, neutre se présentant comme ”la Suisse du Golfe”. Le Qatar mène donc une politique paradoxale : à la fois entretenir des bonnes relations avec l’Occident mais aussi prôner la défense des pays et des peuples arabes, grâce en partie à la chaîne Al-Jazeera. On peut donc parler de ”nation branding”, tant le Qatar cherche à façonner son image sur la scène internationale. Ces investissements ont contribué à nouer une relation ”de confiance” avec la France notamment et à gagner en visibilité et en prestige.
Le Qatar, troisième réserve de gaz mondiale et premier exportateur mondial, cherche avant tout à diversifier ses revenus. Dans le plan ”Qatar National Vision 2030” où est dressée une feuille de route de son orientation économique, l’émirat a fixé un objectif : d’ici 2030, la moitié de son PIB provienne de la rente de ses multiples investissements étrangers.
De plus, le Qatar cherche à attirer la main d’oeuvre occidentale : 80% de sa population est en effet étrangère. Pour cela, le Qatar mise ainsi sur l’implantation de campus d’universités occidentales sur son sol : désormais HEC ou Carnegie ont leurs campus au Qatar !
UN SOFT POWER CONTESTE
Ces investissements ostentatoires, allant des clubs de football aux grands magasins parisiens, alimentent la rumeur : ”le Qatar rachète la France”. Cependant, selon Agnès Levallois, spécialiste du Moyen-Orient, «on a souvent l’impression, lorsque l’on évoque les investissements du Qatar, qu’ils n’investissent qu’en France mais l’Hexagone ne représente que 11% de leurs investissements «; ces investissements bénéficient en revanche d’une forte couverture médiatique.
Aujourd’hui, quelle est l’image du Qatar en France ? Un sondage BVA souligne en mai 2015 que ”84% des Français déclarent avoir une mauvaise image du Qatar” et 7 Français sur 10 ne souhaitent pas que la France renforce ses liens avec l’émirat.
En effet, de nombreux Français reprochent la désignation du Qatar en tant que pays hôte de la coupe du Monde 2022, mais surtout les conditions de travail des ouvriers contribuant à la construction des stades et des infrastructures nécessaires au Qatar. Selon l’ONG Human Rights Watch 4000 personnes ont perdu la vie sur ces chantiers. Les liens du Qatar avec les Frères Musulmans font aussi l’objet de controverses.
Le Qatar pousse plus loin sa politique de «tout s’achète» : l’Express a ainsi révélé récemment qu’une cinquantaine de supporters espagnols auraient même été payés pour venir au Qatar à l’occasion du Mondial de Handball pour ”faire du bruit”: le soft power qatari est donc loin de faire l’unanimité …