L’entreprenariat et le développement durable : une combinaison gagnante ?

L’entreprenariat et le développement durable : une combinaison gagnante ?

Après l’euphorie des start-up days dauphinois, la Plume est partie à la quête d’un témoignage d’une start-up française qui a réussi et nous l’avons trouvée. Créée en 2008, introduite en bourse il y a un peu plus d’un an, Innoveox est la start-up spécialiste du traitement des déchets organiques via sa technologie brevetée d’oxydation hydrothermale. Innoveox c’est à la fois la protection de l’environnement et la fourniture de services : enlever des risques à d’autres entreprises, être compétitif en termes de prix, recycler des matières dangereuses jusqu’à leur disparition totale, produire de l’eau, de l’énergie et des métaux. Son président fondateur, Jean-Christophe Lépine, revient pour nous sur cette aventure entrepreneuriale.

©Thierry-SAMUEL8265

Jean-Christophe Lépine (interview réalisée le 25 mars)

 Quelle est l’origine de cette start-up et votre parcours professionnel ?

L’entreprenariat, l’innovation, c’est mon métier. J’ai toujours été à l’origine de structures que j’ai créées.

Dès 2007 et le Grenelle de l’Environnement, il y a eu une prise de conscience globale des enjeux environnementaux à laquelle j’ai été sensible. Suite à mes précédentes expériences, j’ai voulu donner un nouveau sens à ma vie à travers la protection de l’environnement. Mon ami et chercheur au CNRS, François Cansell, a mis au point plusieurs brevets relatifs à l’oxydation hydrothermale en milieu supercritique, c’est à ce moment là où l’idée d’Innoveox a émergé : exploiter de manière industrielle cette technique dont l’avantage déterminant pour être compétitif est la production d’énergie positive.

Il y a donc trois piliers à cette réussite : un esprit entrepreneurial, une bonne idée au bon moment et une rencontre.

Pourquoi les déchets ?

Il y a un véritable marché de l’économie circulaire pour les déchets industriels dangereux. Alors que la filière recyclage du papier ou des bouteilles d’eau est par exemple bien structurée, ce sont chaque année 477 millions de tonnes de déchets dangereux qui sont produits dans le monde et ne trouvent aucune solution propre et définitive de traitement. Innoveox se concentre principalement sur la matière organique comme les pesticides, le pétrole ou les déchets liquides issus de la filière nucléaire. Ce marché des produits dangereux n’est pas mûr, il n’y a pas de cours comme on peut en trouver pour des papiers recyclés.

Le traitement de ces déchets concerne de grands groupes pharmaceutiques, chimiques ou cosmétiques. Il y a encore une grande tolérance quant à leur traitement, quoique la tendance actuelle est à la prise de conscience des entreprises. Pas uniquement parce qu’elles l’auront décidé, mais aussi parce que l’investisseur et le consommateur exigent désormais une certaine sécurité, une certaine éthique et que l’entreprise dans laquelle ils ont investi doit faire preuve d’une responsabilité sociale et environnementale. Ainsi les entreprises auront tout intérêt à traiter ces déchets dangereux pour des raisons d’image et de réputation

Pourriez-vous nous décrire en deux mots votre technique innovante et un exemple chiffré de ses rendements ?

De manière assez imagée, le cœur de la machine ressemble à un gros intestin de 220 m de long que l’on peut dimensionner et dont on peut modifier la puissance. Grâce aux logiciels, nous pouvons augmenter la taille du tube et/ou augmenter le débit afin de faire passer plus de déchets. C’est à l’intérieur de cet intestin qu’a lieu la réaction supercritique à haute pression et haute température (221 bars et 374°C).

Si on décide d’introduire 1 tonne de déchets dans la machine, en 1 heure nous aurons transformé cette tonne de déchets dangereux en 1m3 d’eau propre, c’est-à-dire débarrassée des micropolluants, et en 1 mégawattheure d’énergie positive – qui sert d’une part à la machine pour son fonctionnement et d’autre part au client qui peut l’utiliser.

A titre d’exemple, 1 mégawattheure correspond à 2 hectares de panneaux photovoltaïques dont l’énergie produite pourrait alimenter environ 1 000 foyers. Nous n’exploitons pas encore la totalité des possibilités de la machine mais les perspectives de développement sont réelles.

Quant à l’eau qui résulte du recyclage des déchets dangereux, celle-ci est propre mais non potable. Tout dépend en réalité du déchet traité: certains déchets peuvent produire une eau plus basique ou avec un pH différent de l’eau potable. Après, tout est affaire de goût et l’aspect gustatif de l’eau pourra être modifié. En l’état, cette eau issue du recyclage est rejetable en milieu naturel ou réutilisable dans l’industrie.

Dans cette course à l’innovation, comment protégez-vous votre technologie ?

François Cansell a développé au sein du CNRS, notre actionnaire et partenaire historique, deux brevets auxquels le travail des équipes d’Innoveox a permis d’en ajouter 5 nouveaux. Quand on se consacre à l’innovation, la première chose à laquelle il faut penser c’est : protéger son invention. A l’échelle nationale, il faut enregistrer son brevet auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI). C’est indispensable aujourd’hui si l’on veut solliciter des fonds, attirer de nouveaux investisseurs et valoriser son entreprise grâce à une innovation brevetée.

De même, il faut protéger son invention à l’échelle de l’Union européenne via l’Office Européen des Brevets (OEB, 40 pays).

Enfin, à l’échelle internationale, il est judicieux de se protéger des pays qui pourraient mettre en œuvre une industrie similaire à la nôtre tels que la Chine, la Russie ou les Etats Unis.

Chaque pays du monde ou groupement d’Etats (comme l’UE ou le Moyen-Orient) dispose de son propre système de protection: à nous de faire les choix stratégiques car les procédures sont longues et le coût de la protection important.

Suite au succès de votre start-up (lauréat du prix Pierre Pottier –récompensant les innovations chimiques en faveur du développement durable–, introduction en bourse), pourriez-vous dire alors qu’entreprendre en France est possible ?

La création d’entreprises en France ne pose pas de problème car nous bénéficions d’aides telles que le crédit impôt recherche ou les subventions. Mais dès que votre innovation est prête, transposable à l’industrie, la banque publique d’investissement ne suffit plus. Convaincre votre banquier de vous prêter 20 000 € pour financer votre bonne idée n’est pas chose facile. L’innovation est perçue aux Etats-Unis comme une chance, en France… comme un risque. Voilà pourquoi nous avons dû chercher des financements ailleurs.

Outre l’aspect financier, lorsqu’on a une technologie de rupture comme la nôtre, on doit nécessairement se tourner vers l’international. C’est un gage de réussite que d’avoir une idée transposable sur d’autres continents. 

Comme l’illustrent les start-up days, les dauphinois sont plein de dynamisme à l’idée d’entreprendre, que conseilleriez-vous à ces jeunes ?

Entreprendre c’est un métier extraordinaire, c’est un challenge à relever au quotidien… mais au-delà de ça, il faut être fait pour entreprendre.

On parle souvent du « gène de l’entrepreneur », ou plutôt du gène de l’aventure (variante du DRD4-7R), qui rend plus favorable la poursuite de carrières excitantes ou à risques, une vérité ? Quoi qu’il en soit, l’important c’est d’avoir la bonne idée au bon moment. Il y a tellement de gens qui ont eu raison trop tôt et ça n’a pas marché.

L’équipe, la bonne équipe, est aussi un élément crucial à la réussite.

Enfin, il faut évidemment savoir mesurer le temps que ça va nécessiter. Mesurer le timing du développement de la start-up, c’est une vraie problématique.


Vidéo  conseillée par M. Lépine :

La réussite, une question de chance ?

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