« La Russie est une grande démocratie », disait Gérard Depardieu dans une lettre élogieuse adressée au régime russe en janvier 2013. « J’aime beaucoup votre président » et il fait « bon vivre » en Russie, ajoutait il.
Cette vision semble assez paradoxale, au vu des événements de ces dernières semaines. Le 27 février dernier, Boris Nemtsov, 55 ans, fondateur de Solidarnost (principal parti d’opposition) a été tué de quatre balles dans le dos, près du Kremlin. Opposant quasi inconnu pour notre génération, il fut l’un des ministres de Boris Elstine dans les années 1990. Aujourd’hui, il est érigé en héros, symbole de la lutte anti-Poutine.
Boris Nemstov n’est pas le premier … et ne sera pas le dernier opposant tué
Boris Nemstov ne fut pas le premier opposant à être tué. Une dizaine d’opposants russes ont été assassinés en douze ans. Sans compter, ceux qui ont changé de nationalité, se sont exilés, ou qui sont encore enfermés dans les camps de travail, à l’image de Sergueï Oldatsov, leader du Front de Gauche russe. Alexeï Navalny, l’autre leader de Solidarnost, vient tout juste de sortir de prison. Il avait été condamné pour « distribution illégale de tracts ».
Ksenia Sobchak, opposante au régime, a quant à elle tweeté : « Je sortais du Centre Cakarov … un gars s’est approché de nous en disant ”N’oubliez pas que vous êtes la prochaine” ».
Leurs engagements contre la corruption, les dépenses excessives du régime ou encore parfois contre l’annexion de la Crimée leur ont attiré les foudres du Kremlin. Boris Nemstov avait aussi soutenu les journalistes de Charlie Hebdo en janvier dernier.
Toute forme de contestation est ainsi prohibée. Les opposants sont freinés par tous les moyens : impossible de louer une salle pour des réunions, les journaux locaux refusent de leur accorder des espaces publicitaires, leurs propos sont parfois censurés par les chaînes de télévision publiques …
La dictature russe
En Russie, les médias sont contrôlés par le gouvernement. La chaîne de télévision NTV devait diffuser juste après la mort de B. Nemtsov le troisième volet de son documentaire « Anatomie d’une protestation ». Les opposants y sont de « mauvais patriotes » vendus à l’Occident, membres de la « Cinquième Colonne » et porteurs d’idées fascistes. L’opposante Ksenia Sobchak a quant à elle été bannie de la télévision. Son émission politique a été déprogrammée lorsqu’elle a invité des opposants au régime à exposer leurs idées.
Les propos haineux, calomnieux diffusés sur des chaînes publiques envers les opposants ou d’autres catégories de la population comme les homosexuels restent impunis. La propagande télévisuelle a favorisé un climat d’intimidation et de haine.
La question n’est donc pas de savoir si V. Poutine a donné l’ordre de tuer B. Melstov ou est coupable de ce meurtre. En revanche, n’en porte-t-il pas la responsabilité pour avoir instauré cette propagande permanente « contre les ennemis de l’Etat » ?
Vladimir Poutine, dirigeant contesté ou acclamé ?
Vladimir Poutine est vivement critiqué à l’étranger: que ce soit pour son soutien à Bachar El-Assad en Syrie, ou encore à propos de l’Ukraine. Les médias occidentaux l’accusent aussi de jouer un « tour de passe-passe » avec Dmitri Medvedev (l’un président, l’autre premier ministre depuis 2008) et de biaiser les élections. La somme des scores aurait ainsi atteint 146 % aux élections législatives de 2011 dans certaines régions grâce au bourrage d’urnes.
Pourtant, 80% des Russes disent soutenir V. Poutine. Selon l’Institut de sondage Levada, la côte de popularité de ce dernier n’a fait qu’augmenter depuis l’organisation des Jeux Olympiques d’hiver à Sotchi l’an dernier et l’annexion de la Crimée. La crise économique ne freine pas sa popularité. Son succès est surtout grandissant auprès de la population rurale, qui voit en lui un leader fort, patriote et charismatique.
Discrédités par le régime, comment les opposants au régime peuvent ils encore bénéficier du soutien populaire et s’imposer dans la sphère politique russe ?