HANDS UP FOR JUSTICE

HANDS UP FOR JUSTICE

« Acquitté ». Tel a été le verdict du Grand Jury de Ferguson le 24 novembre dernier. Darren Wilson, le policier blanc accusé d’avoir tué Michael Brown, un jeune noir de 18 ans le 9 août dernier, n’a finalement pas été inculpé.

FERGUSON, NO JUSTICE NO PEACE ?

Le 9 Août 2014, Dorian Johnson et un de ses amis, Michael Brown se rendent chez la grand-mère de ce dernier lorsqu’un policier leur demande de marcher sur le trottoir. Refusant d’obtempérer, le policier les aurait agressés et aurait tiré six fois sur Michael Brown, alors qu’il avait, selon des témoins, les mains en l’air. Le 24 novembre, la thèse de la légitime défense a finalement été retenue par le Grand Jury. Michael Brown aurait agressé le policier, lui-même persuadé que M. Brown était armé. Cet acquittement a suscité de nombreuses réactions; la ville s’est embrasée : pillages, émeutes, « No justice, no peace » ou encore « Hands up, don’t shoot » scandaient les manifestants, à Ferguson, mais aussi à New York. La décision du jury a déclenché un mouvement populaire : 3, 5 millions de messages en l’espace de quelques heures ont été tweetés. Le New York Times pointe qu’au final « face à des récits contradictoires, le grand jury a fait confiance à Darren Wilson ». Le journal critique aussi l’impartialité de la procédure : « les questions accommodantes posées au policier et celles, agressives, posées par les procureurs aux témoins dont les récits semblaient contredire la version de celui-ci ».

UNE JUSTICE A DEUX VITESSES ?

La perception de la justice diverge d’une communauté à l’autre : dans cette affaire, 62% des Afro-Américains estiment le policier fautif, contre 22% des Blancs. Alors que son président et son ministre de la Justice sont Noirs, la communauté afro-américaine a le sentiment de ne pas être assez représentée au sein des institutions, que ce soit au sein de la police ou encore dans les tribunaux. A Ferguson, seuls trois policiers sur cinquante-trois sont Noirs. Un homme noir a six fois plus de « chances » de se retrouver en prison qu’un homme blanc. Un jeune Noir sur neuf âgé de 20 à 34 ans se trouve sous les barreaux. Les Noirs subissent trois fois plus de contrôles « au faciès ». Le clivage racial perdure donc aux Etats-Unis et ces chiffres expliquent le profond sentiment d’injustice ressenti par la communauté Noire. Dans un sondage publié par le Ministère de la Justice américain, 27% des Noirs n’ont « pas du tout » confiance en une justice équitable, contre 7% des Blancs. Ils critiquent également les liens étroits qu’entretiennent la police et la justice et demandent de véritables « arbitres indépendants ».

ferguson

DES BAVURES POLICIERES PASSEES SOUS SILENCE

Aux Etats Unis, 461 personnes ont été tuées par des policiers en uniforme, en 2013. Cependant, selon le Wall Street Journal, « des centaines d’homicides » ne sont pas comptabilisés dans les statistiques officielles et le quotidien avance le chiffre de mille morts par an. D’autres affaires, moins médiatisées, resurgissent. Tamir Rice, douze ans, a ainsi été tué le 22 novembre à Cleveland ; en cause : son pistolet en plastique dans sa main. Vonderrit Myers, quant à lui, tenait un simple sandwich, confondu avec une arme à feu. Ou encore Eric Garner, décédé lors d’une interpellation à la suite d’une crise d’asthme, alors qu’il déclarait « I can’t breathe ». Et pourtant, le nombre de policiers condamnés se comptent sur les doigts d’une main. La communauté afro-américaine évoque l’ « impunité » des policiers américains, « se considérant au-dessus des lois ». « Il faut donc y voir toute la symbolique de la violence d’Etat légitime », analyse Olivier Richomme, spécialiste de civilisation américaine.

Aujourd’hui, des voix s’élèvent pour dénoncer la « militarisation excessive » et la violence des arrestations orchestrées par les policiers américains (intervention abusive du SWAT, l’équivalent du GIGN français). En effet, depuis les années 90, le programme « 1033 » permet au Pentagone de recycler les équipements militaires en les fournissant gratuitement à des forces de police locales. Grâce à ce programme, « ces dernières ont accumulé de véritables arsenaux d’armes de guerre », pointe Kara Dansky, de l’Union Américaine pour les libertés civiques. A l’image des parents de Michael Brown, des associations militent pour une plus grande transparence, notamment via le port de « body cameras », ces caméras portatives greffées sur l’uniforme des policiers.

Ces événements rappellent le passé ségrégationniste d’une Amérique divisée. L’élection de Barack Obama en 2008 n’a pas effacé les vieux démons racistes. Il y a cinquante et un ans, Martin Luther King prononçait son célèbre discours «I have a dream» : « J’ai un rêve : que mes quatre jeunes enfants soient un jour en mesure de vivre dans un pays où ils ne seront pas jugés sur la couleur de leur peau, mais sur leur conduite ». Combien de temps faudra-t-il encore pour que son rêve se réalise ?

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