Deliveroo, Uber Eats… tout le monde connaît ces grandes marques de livraison de nourriture. Le concept est simple : commander en ligne et recevoir son repas quelques minutes plus tard chez soi. La facilité d’utilisation et les prix relativement bas encouragent une utilisation fréquente. Ce marché lucratif a permis à Uber Eats de générer un revenu de plus d’un milliard d’euros en 2022*.
Mais un marché aussi rentable, où le client ne voit pas le déroulement du processus, ne comporte-t-il pas quelques dérives ?
Lorsqu’on ouvre l’application Uber Eats, on voit défiler de nombreuses enseignes, classées en fonction de la distance par rapport au lieu de livraison. Parmi ces enseignes se développent des « dark kitchens », des restaurants spécialisés dans la vente à emporter accessibles uniquement à travers des plateformes de livraison de nourriture. Ces établissements ne possèdent pas de salle pour accueillir le public, ce qui leur permet de s’implanter dans des lieux peu attractifs, exigus et plutôt excentrés. Bien souvent, d’ailleurs, les cuisines se trouvent partagées entre plusieurs enseignes sur un même lieu de production. Ce partage peut parfois entraîner des difficultés à maintenir les normes d’hygiène.
Sur le plan juridique, les « dark kitchens » doivent répondre aux mêmes obligations que les restaurants traditionnels, notamment en ce qui concerne l’hygiène et les ressources humaines. Cependant, elles n’ont pas à respecter la réglementation des établissements recevant du public (ERP), ce qui simplifie leur installation. En effet, les établissements soumis à cette réglementation doivent respecter des consignes spécifiques pour la lutte contre les incendies et la sécurité des clients. Par exemple, ils doivent posséder au moins deux sorties. De plus, les ERP doivent être en mesure d’accueillir les personnes en situation de handicap. Ces réglementations peuvent entraîner des coûts supplémentaires de construction auxquels les établissements non ERP n’ont pas à faire face.
De plus, les « dark kitchens » offrent un avantage économique en réduisant les coûts de rénovation. L’installation d’une cuisine dans un entrepôt nécessite moins d’investissement que l’installation d’une salle pour l’accueil des clients. Moins de coûts pour l’entretien de la décoration de la salle, pas d’achat de meubles supplémentaires, pas de menus à imprimer… De plus, les « dark kitchens » ne nécessitent pas d’emplois supplémentaires comme des serveurs ou des caissiers ; les cuisiniers sont directement en contact avec les livreurs.
Toutefois, leur emplacement dans des zones peu attractives peut mener à des conditions de travail difficiles pour les employés, souvent sous contrats précaires : mauvaise desserte par les transports en commun, chaleur dans les cuisines, manque d’espace… Le flux incessant de commandes peut également compromettre la qualité des plats préparés, générant une pression constante et un niveau de stress élevé pour le personnel. De plus, leur installation peut entraîner une gêne pour les résidents aux alentours : congestion des livreurs dans la rue, mauvaises odeurs, bruits…
Le client, quant à lui, reste seul face à la plateforme numérique, sans réelle visibilité sur le processus et sans possibilité de retour d’expérience en cas de problème. Il est en effet impossible de venir manger sur place pour le client, ainsi que d’être en contact avec les cuisiniers pour une potentielle amélioration du service. Cette absence d’interaction directe et de transparence peut entraîner des frustrations et une diminution de la fidélité à la marque.
Bien que les « dark kitchens » représentent une innovation prometteuse dans le secteur de la restauration, elles soulèvent des questions importantes sur la qualité, les conditions de travail et la transparence. Pour assurer leur viabilité à long terme, il est crucial de trouver un équilibre entre rentabilité économique et responsabilité sociale.